L’actuelle rue Saint-Louis était autrefois la rue Lescure (ou rue de Lescure 1825) du plus loin de nos archives, à savoir 1583. La portion comprise entre la place de la mairie et l’intersection des rues Henri de Navarre / Hospice prit en 1926 le nom de rue de la Poste, et trouva enfin son nom définitif de Saint-Louis dans la période 1927/1930. Pourquoi les édiles communaux de l’époque l’ont baptisée ainsi ? Est-ce pour faire pendant avec Saint-Michel, la rue voisine ? Ou se faire pardonner d’avoir dans le même temps débaptisé la rue et la promenade Notre-Dame ? (auj. rue de la République et place du Souvenir)
Le roi Louis IX ne fut pourtant pas très tendre avec le Languedoc et les occitans. C’est en effet sous son règne que fut signé le traité de Meaux qui démembra le comté de Toulouse. (1)
Concernant le nom de Lescure, voici deux hypothèses sur son étymologie : « Lescure » viendrait de l’occitan escura « fenil, grange » selon Jean Tosti ou encore « écurie » (abbé Ernest Nègre, toponymiste, XXe siècle). Toujours en occitan, escur signifie obscurité (Diccionari General de la Lenga Occitana 2008/2022). On pourrait l’interpréter par la rue des granges, ou la rue obscure ? Ce ne sont bien sûr que des suppositions, et la vraie raison est peut-être à cent lieues de celles avancées ici.
Aujourd’hui, la rue Saint-Louis débute à l’angle nord-est de la place Charles Ourgaut, croise les rues Pasteur et Berthelot qui ceinturent l’église Saint-Michel, traverse le carrefour Henri-de-Navarre et de l’Hospice, et aboutit au pied du coteau après l’intersection avec la rue Fieuzet.
Sur les anciens plans de la ville, 1779,1842, et jusqu’à la fin du 19e siècle, la rue Lescure se prolongeait jusqu’à l’angle sud-est de la place (auj. rue de la République). A l’autre extrémité, (plan de 1779 et 1824) elle rejoignait, à flanc de coteau, la rue du Pech et l’impasse du château ; cette portion de voie disparait définitivement à partir du plan de 1842. Aujourd’hui, seul un début d’escalier se perd dans la végétation au pied du coteau.
La rue Lescure a cette particularité de se situer exactement au centre du plan de la vieille ville intra muros, elle servait en quelque sorte de « frontière » entre les quartiers Notre-Dame à l’est et Saint-Jean à l’ouest ; on constate toutefois qu’en 1583 une partie de la rue est portée sur la gache Notre-Dame (la partie la plus peuplée, au sud vers la place) et l’autre fait partie de la gache Saint-Jean (La partie nord, vers le coteau).
La maison qui fait angle avec la rue Henri de Navarre abrita pendant près d’un siècle toute une lignée de notaires. Le premier fut Benoît Ratier, porté sur le recensement de 1817, maire de Villemur entre 1813 et 1816. Son fils Hippolyte Ratier lui succéda vers 1840, il fut lui aussi maire de Villemur entre 1865 et 1870. Après son décès survenu en 1873, c’est Maître Joseph Pongis qui prit la suite de l’étude jusqu’en 1900. Enfin, Dominique Bérard fut le dernier notaire à exercer rue Lescure de 1901 à 1904.
Par la suite, cette demeure abrita temporairement le presbytère occupé par le curé Joseph Maurette jusqu’à la fin des années 1920, avant qu’il ne déménage rue de l’Hospice. (cf rue de l’Hospice). Christian Teysseyre rappelle par ailleurs que c’est dans une salle de cette maison (appelée « Maison Pongis ») servant à l’époque au patronage, qu’une chapelle ardente a été dressée pour recevoir les corps des six personnes décédées lors de l’inondation de 1930. (3)
Sur le même côté de la rue en direction de la place, la rue Berthelot et la rue Pasteur encadrent le chevet de l’église Saint-Michel où l’on peut voir deux éléments remarquables : côté gauche, une croix en fer forgé portant la date de 1803, érigée à l’occasion d’une Mission, peu après la signature du Concordat. (2) A côté, un petit escalier donne accès à la sacristie. Côté droit, sous le vitrail, il vous faudra sûrement déplacer les containers destinés aux ordures ménagères (!) pour apercevoir un demi-cercle en pierre polie enfoui en partie sous le mur de l’église. Il s’agit des restes d’un des anciens puits de la ville mis à jour suite aux travaux de la construction de la chapelle de Notre-Dame de l’Annonciation en 1986. (4)
Au n°5 de la rue Saint-Louis une maison aux belles briques rouges attire notre attention. Il s’agit de l’ancien bâtiment des Postes où se succédèrent plusieurs receveuses : Mmes Adeline Montels, (1911) Elisabeth Bonnet (1921) Marie Crestia (1926). En 1931 le receveur est Jean-Baptiste Costecalde, Emile Cathala lui succède en 1936, période où le bureau des Postes est transféré dans les locaux tout neufs accolés à la mairie, place Charles Ourgaut. (5) Ce bâtiment accueillait également le bureau du percepteur des impôts .(M.M Louis Amigues 1906, Victorin Bès en 1921, Emile Viguerie 1926-1931. Les percepteurs suivants éliront domicile à l’angle de la rue Jean-Marie Elie Brusson face à l’actuel bureau de Poste.
En mai 1940 la désormais ancienne Poste accueillera quelques réfugiés belges (comme d’ailleurs « la Maison Pongis), époque où décède le curé Maurette. Villemur attend son nouveau curé, Alphonse Mittou qui arrive de Bourg-Saint-Bernard. Le curé Mittou vient à Villemur, visite l’ancien presbytère qui dit-il « se trouve dans un état déplorable » et s’en ouvre à qui de droit. Le 7 août, le maire de Villemur Désiré Barbe reçoit un courrier de Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse disant « Je sais que vous ferez le meilleur accueil à l’abbé Mittou …et que vous vous emploierez de votre mieux à lui trouver un presbytère convenable. » (6)
C’est ainsi que peu après l’abbé Mittou prit possession du presbytère pour un loyer de 500 francs par an. Quatre-vingts ans plus tard la municipalité de Villemur met en vente le presbytère de la rue Saint-Louis. On cherche depuis un nouveau local pour le nouveau prêtre de la paroisse…
Au 17e siècle les prêtres de la Dalbade et les chanoines de Saint-Etienne de Toulouse possèdent quelques maisons dans la rue Lescure ainsi que Noble Guillaume de Pouzols, châtelain de Saint-Maurice et Guilhem Roumagnac chanoine de Montauban. On note également parmi les riverains les noms de Louis Béringuier, prêtre, et la famille Seigne dont Hilaire notaire royal et avocat. Quelques maisons appartiennent à des bourgeois de Toulouse ou Lisle d’Abigeois (L’Isle sur Tarn).
Dans cette rue vouée en grande partie à l’habitat, les derniers commerces remontent à la première moitié du siècle dernier : le garagiste Emile Saurat agent des automobiles Delahaye et le mécanicien Maurice Cournut cycles et motos marque Alcyon. Un troisième artisan exerça bien plus longtemps, le cordonnier (et bottier) Raymond Clamens dont l’épouse Elisa Marty fut carillonneuse à l’église Saint-Michel. Ont habité cette rue époque 1921-1931 les Lafférière (peintres) Mme Tréjaut (institutrice école libre) Désiré Barbe (futur maire de Villemur) Albert Ménestral, Alfred Tardieu receveur buraliste, Louis Maury cordonnier…
JCF / AVH septembre 2022
Notes :
(1) En 1242 le traité de Meaux démembre le comté de Toulouse et impose le mariage entre Jeanne, héritière du comté et Alphonse, frère du roi Louis XI. En 1249 Alphonse de France et Jeanne de Toulouse deviennent comte et comtesse de Toulouse. À leur mort, en 1271, le comté de Toulouse – dont Villemur – est rattaché au domaine royal.
(2) Le Concordat de 1801 est un traité qui règle les rapports de l’État français et de l’ Église catholique après les oppositions religieuses apparues pendant la période révolutionnaire. Napoléon Bonaparte, alors Premier consul de la République, voulait mettre fin aux divisions religieuses de la France qui dataient du vote de la Constitution civile du clergé entre 1790 et 1799. Le pape Pie VII voulait réintroduire l’influence de la papauté dans le catholicisme français. Avec le Concordat, le catholicisme est reconnu comme la religion de la majorité des Français (mais n’est plus la religion de l’État). Le Concordat de 1801 restera en vigueur jusqu’en 1905, date à laquelle il n’est plus reconnu par la France après le vote de la loi de séparation des Églises et de l’État (sauf en Alsace et en Moselle qui en 1905 étaient rattachées à l’Empire allemand).
(3) Christian Teysseyre, Nouvelle Histoire de Villemur , Tome 2, p.485.
(4) Peu après son arrivée dans la paroisse en 1986, Monsieur le curé Martinez décide la construction de cette chapelle. Elle est située à gauche du chœur de l’église, côté nord, et est le pendant de la sacristie .On y accède par une porte située dans la chapelle Sainte-Germaine. Autrefois pièce servant de débarras on y accédait par une porte située dans le chœur de l’église. Le puits fut découvert lors de la réfection du sol, à l’emplacement du nouvel autel projeté.
(5) Le bureau de Poste sera ensuite transféré en lieu et place de l’ancienne gendarmerie à l’angle des Allées Charles de Gaulle et de la rue Jean-Marie Elie Brusson. (1975-1980)
(6) Délibérations du Conseil Municipal 1D 28
Sources :
Compoix et cadastres, commune de Villemur-sur-Tarn, Archives Départementales de la Haute-Garonne.
Commune de Villemur-sur-Tarn, listes nominatives (1817 à 1866) et recensement de la population (1896 à 1936) Archives Départementales de la Haute-Garonne.
Délibérations du conseil municipal de Villemur 1D28
Illustrations :
Archives photos des Amis du Villemur Historique, Archives Départementales de la Haute-Garonne, (archives communales) Photographies Villemur : JC François