La rue du colonel Caillassou

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La rue du colonel Caillassou

 

Parallèle à la rue Gambetta, et reliant la rue de la République à la rue de l’Hospice, voici la « rue du Colonel Caillassou » tel qu’il est inscrit sur les plaques de rue. (1)
Selon les registres paroissiaux de Villemur, Jean-Louis Cailhassou  (remarquez l’orthographe occitane lh = ll en français) est né le 2 février 1770, fils de Jean-Pierre Alexis, négociant, et de Marie Charlotte  Ducos.

portrait acte de naissance

Portrait et acte de naissance de Jean-Louis Cailhassou

Militaire de carrière, volontaire de 1792, il  participe aux campagnes de la République et de l’Empire, promu colonel d’infanterie en 1813. Il commande plus tard la légion de gendarmerie de Toulouse, ville dont il devient maire entre 1852 et 1855, et décède dans la ville rose le 25 août 1861 âgé de 91 ans. (2)
Dans les années 1927-30, pour pérenniser le souvenir de ce grand serviteur de la Nation, le conseil municipal, décide d’associer son nom à la rue qui l’a vu naître, reléguant aux oubliettes l’ancienne rue de Cambon.
C’est en effet ce nom que l’on retrouve porté sur les anciens livres terriers de la ville dès 1583, et ce jusqu’au premiers tiers du XXe siècle.


Une lecture attentive du compoix de 1583/85 amène à plusieurs réflexions. A cette époque-là, la maison seigneuriale (Les Greniers du Roy) n’est pas encore construite, le château est encore debout en haut du coteau surplombant la ville. La rue de Cambon n’est pas très peuplée, seulement 16 familles y habitent. On relève les noms de Pierre Constans, un marchand, de deux prêtres Vidal Oustry et Jehan Mage, et neuf maisons sont la propriété de femmes. 
Parmi ces propriétaires, les « Héritiers de Bernard Cambon » retiennent notre attention. Ce patronyme on le retrouve sur le compoix de 1645 en la personne de Catherine de Cambon (ou Cambou ?) épouse d’Antoine Ratier praticien. Dans ce même document, Antoine Cambon et les héritiers de Jean Cambon sont également cités. Est-ce cette famille qui a donné son nom à la rue ? C’est une possibilité que l’on ne peut écarter.


En 1645 parmi les habitants : Anthoine Gay bourgeois, Jean Bernadou marchand, Antoinette Cailhassou (famille des ancêtres du colonel) mais aussi des personnes plus modestes Guillaume Gay maçon, Isaac Laboisse serrurier, Pierre Galan brassier.

Au fil des années cette rue est de plus en plus prisée par la bourgeoisie de Villemur, grâce à la proximité de la maison seigneuriale dont la construction au début du 17e siècle sous la gouvernance de Lesdiguières,  et qui deviendra la résidence – épisodique – des vicomtes de Villemur.

Au 18e siècle, la rue de Cambon est sans aucun doute « la rue des notables » comme en témoigne le plan Junière de 1779. Parmi les propriétaires figurent le Vicomte de Beaujau en personne mais aussi le maire de l’époque Jean-Raymond Maliver, ainsi qu’une ribambelle d’hommes de loi qui semblent s’être regroupés dans cette rue.


Deux pierres gravées sur les façades des  n° 10  (1791), ancienne demeure de la famille Viguier, et 12 (1739) témoignent encore aujourd’hui de l’ancienneté de ces habitations. Deux autres plus récentes portent les dates de septembre 1855 – façade du n°19 – et de janvier 1852, façade du n°10, dont le propriétaire de l’époque était le maçon Jean-Pierre Gautier.

 

 

En consultant les registres de recensement de la ville, on relève quelques éléments dignes d’intérêt au niveau des mouvements de la population.
Jusqu’au milieu du 19e siècle, la rue de Cambon va attirer encore quelques familles aisées de la ville. Il est vrai que les belles demeures de brique rouge possédant parfois cour et dépendances ne manquent pas de charme.
En 1797, habitent la rue, Jean Rouzié, huissier, Jean Vieusse greffier consulaire, le docteur Philippe Dussap, Jean-François Pendaries-Bremond avocat et maire de Villemur. Egalement quelques artisans : Jean Higounet tonnelier, Jean Marty cloutier, Pierre Seignouret serrurier, mais aussi Hilaire Marty cultivateur et le marin François Lala.
En 1817, Outre le greffier Vieusse, on relève les noms de Jacques-François Serin un notable et son gendre Jean-François Belaval, notaire royal. A cette époque où la batellerie connait une époque faste habitent la rue : Bertrand Sabatier et Martial Gibert Maîtres de bateaux, Bertrand Alzonne et Salvi Galan respectivement patron et charpentier de bateaux, également Antoine Castella radelier.
Entre 1832 et 1856, période pendant laquelle la rue a certainement été la plus peuplée. toujours des bateliers Jean Gay, Jean Darasse, Jean Parreau Martial et Jean-Pierre Gibert, Bertrand Sabatier, des artisans le tonnelier Higounet le cloutier Rouzié déjà cités, Malbert le serrurier Darasse le maçon, Gailhac le tisserand , la famille Fonvieille.
Parmi les notables : Auguste Vieusse receveur des domaines, Gabriel-Marie Viguié MirabelJean-Baptiste Miquel notaire, Pierre-Bertrand Ratier avocat, Constance Ratier née Junière, fille du géomètre.

Dans la période suivante fin 19e début 20e, les notables ayant émigré au quartier Notre-Dame plus aéré, place aux artisans et ouvriers. Les familles Fonvieille, Duran Landuroun (un coiffeur, et un tourneur sur bois) et Gautier semblent faire souche. Trois cultivateurs Alzonne, Gay et Malpel, des journaliers, un des derniers chapeliers Antoine Alzonne, un tailleur, une couturière, une repasseuse un menuisier et le boucher Victorin Sicard…le grand-père de Jean Sicard plus tard boucher dans la Grand’rue. A noter la présence de 5 vermicelières, l’usine Brusson a le vent en poupe à cette époque !

recensement rue de cambon

Recensement de la rue de Cambon en 1841 : dans le cadre, Jean-Marie Elie Brusson

 

Enfin une surprise nous attendait à la lecture des recensements : outre le colonel Cailhassou un autre villemurien célèbre est né dans cette rue, à savoir Jean-Marie Elie Brusson fondateur de la Manufacture de pâtes alimentaires.
Explications. En 1817 , Antoine Brusson fils de Jeantet vient d’épouser Marie Malpel, ils emménagent dans la maison de la belle-mère Anne Ménestral sise rue de Cambon. (Le père Arnaud Malpel est décédé en 1802.)
Ils seront rejoints en 1827 par Arnaud le frère d’Antoine et son épouse Marguerite Janil, mais aussi par leurs parents, Jeantet et son épouse Françoise Sirié.
Toute la famille habitera la rue de Cambon jusqu’au moins en 1841/42 et c’est là que naît le 9 février 1840 Jean-Marie Elie le futur créateur de la Manufacture.
En 1846 Jeantet Brusson décède, et la même année Antoine futur maire, quitte la rue de Cambon pour emménager dans la maison Carrère au faubourg Notre-Dame. Quelques années plus tard Arnaud et sa famille les rejoindront dans la maison contigüe (maison Grimal) (3)

 

rue de cambon fin du siècle

Photo exceptionnelle de la rue de Cambon avant 1900. (Coll Jean-Luc Mouyssac)

Entre les deux guerres la rue voit arriver le menuisier Camille Terrisse, le cordonnier Jean-Louis Castella, puis dans les années 1930 quelques familles d’origine italienne et espagnole travaillant pour les entreprises Resplandy et Giraudie participant à la reconstruction de la ville.
Un des faits marquants est l’installation du pâtissier Barthélémy,  présent encore dans beaucoup de mémoires.
Elie, arrive de Fronton et s’installe rue Caillassou en 1924 dans l’ancienne demeure des familles Vieusse et Ratier. Sur le fronton de la pâtisserie-confiserie on peut lire : « Au rendez-vous des douceurs » en dessous, il est inscrit  Barthélémy et Fieuzet qui est le patronyme de son épouse Elise associée dans son commerce.
Pendant des décennies la rue Caillassou deviendra « Le rendez-vous des gourmands » et Barthélémy viendra concurrencer  Blancal installé dans la Grand-rue depuis des lustres. Dans les années 50, un troisième pâtissier – Archippe – s’installera entre les deux ! Quelle belle époque ! On se souvient que chaque pâtissier avait ses fidèles clients qui ne juraient que par eux ! Après le décès d’Elie en 1947 la succession sera assurée par son fils Marcel et son épouse qui reprendront le flambeau jusqu’ en 1977. (4) Le dernier commerçant à s’installer rue Caillassou sera le charcutier Raymond Roques dans les années 1960

barhelemy

A droite photo-montage dû au regretté Gilles Franqueville : au premier plan Elie et Elise Barthélémy. Documents : Roland Barthélémy, photo de gauche Pierre Villa.

 

magnolia rue caillassou

Angle rue de l’Hospice / rue Caillassou

statuette vierge

Angle rue de l’Hospice / rue Caillassou : dans le cadre, une statuette de la Vierge

Dans les années 70, quelques vieilles demeures décrépites de la rue seront détruites. Au milieu de la rue, « l’immeuble Terrancle », propriété de la mairie, abrita des réfugiés belges et lorrains pendant la guerre 39-45, puis par la suite des familles nécessiteuses. Aujourd’hui, l’espace ainsi dégagé, donnant sur l’arrière du presbytère de la rue Saint-Louis, est devenu un petit parking très prisé du centre ville. Autre immeuble abattu -en fait deux maisons mitoyennes- celui faisant l’angle avec la rue de l’hospice, face aux Greniers du Roy. Dans une de ces maisons habitait pendant la guerre la famille Futter, dont le fils Paul fut sauvagement assassiné par les nazis en 1944. L’autre angle de la rue est occupé par un immeuble de caractère en briques rouges qui appartient aussi à la mairie. Ayant lui aussi abrité jadis des réfugiés, il fut un temps dévolu à la cure et abrita le presbytère au temps du curé Joseph Maurette. Plus tard diverses associations y furent hébergées.

 

 

à suivre…  

JCF /AVH janvier 2022

Notes :

(1) Rue « du » colonel Caillassou côté rue de l’Hospice, rue colonel Caillassou côté rue de la République
(2) Une biographie complète lui est consacrée dans l’onglet HISTOIRE puis familles et personnes remarquables liées à l’histoire de Villemur
(3) Commune de Villemur-sur-Tarn. 1 F 13 : listes nominatives de la population, 1841 (1841/1841) page 25 / 104
(4) Aujourd’hui l’ancienne pâtisserie abrite l’enseigne du  » musée E. Poliakof « 

Sources :

4 E 2275 – Villemur-sur-Tarn, anciennement Villemur : baptêmes, mariages, sépultures, 1769-1780 (MQ S. 1769-1774). (collection du greffe) – (1769-1780)
Commune de Villemur-sur-Tarn. 1 G 1 Compoix de 1583 (ou 1585 ?), Tome I, Gache-Notre-Dame, 835 folios (1583)
Commune de Villemur-sur-Tarn. 1 G 3 : muancier, tome I, Gache Notre-Dame, 1583-1638 (1583/1638)
Commune de Villemur-sur-Tarn. 1 G 5 (à suivre) : compoix, tome I, Gache Notre-Dame, 1645 (1645/1645)

 

 

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