Le titre de Champion de France à l’U.S. Villemur
C’est d’abord l’histoire d’un club, un des tous premiers du comité des Pyrénées, né officiellement en 1912. La première assemblée générale du club a lieu le 16 octobre 1912 dans une salle de la Mairie, et les statuts du club sont adoptés quelques jours plus tard.
Le club a pour nom l’Union Sportive Villemurienne, la couleur définitive du maillot est décidée le 19 novembre : maillot vert à parements noirs, culotte noire. Enfin le club est affilié à l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (U.S.F.S.A) le 20 janvier 1913.
Le premier bureau est composé de la sorte (21 octobre 1912) :
Président : Maurice Gaussens. Vice-Président : Maurice Terrancle. Secrétaire : Henri Dagran. Trésorier : Edouard Vincent. Membres : Jean Baby, Marcel Barbe, Albert Blanc, Marius Laval, Jean Maury, Julien Sabatié, Jean Valade.
Après quelques matches amicaux, histoire d’assimiler les règles de ce nouveau sport de « football-rugby », l’Union Sportive Villemurienne, sous les couleurs vert et noir, va démarrer la saison en 4e série du Championnat des Pyrénées. Le premier match de championnat se déroule le 2 mars 1913 sur le terrain de l’Albouy, proche de l’endroit où Demazel a posé son aéroplane quelques mois plus tôt. L’adversaire est le Sporting-Club de Graulhet et après une partie interminable les tarnais l’emportent 6-3… mais perdent le match sur tapis vert quelques jours plus tard, deux de leurs joueurs n’étant pas qualifiés !
A la fin de l’année suivante, le terrain de « l’Albouy » est abandonné au profit de celui de « Malaret », cédé gracieusement par Emile Sabatié, propriétaire de la scierie industrielle. Le pré en question est mitoyen de la cité ouvrière Brusson, il se situe en partie sur l’emplacement où sera construit plus tard le futur stade-vélodrome. Le « stade » sera homologué le 19 novembre 1913.
C’est ensuite l’histoire des hommes qui ont bâti ce club. Maurice Gaussens fut le premier de ces hommes. Cet ariégeois, agent-voyer nommé à Villemur en 1912, devient président, joueur et capitaine de l’équipe, (Plus tard il sera même arbitre !) il est le véritable mentor de l’US Villemur.
Il ne passera la main qu’qu’à la fin des années 30 où d’autres fonctions l’attendent à la tête du Comité des Pyrénées qu’il dirigera en 1942. Maurice Gaussens sera entouré pendant ces années d’une belle équipe de fidèles bénévoles que se soit au sein du club de rugby mais aussi du cyclisme, de l’aviron et la natation, car l’US Villemur deviendra au fil des années un club omnisport. Nous citerons, parmi ces fidèles de la première heure, Maurice Terrancle, Jean Aussal, Louis Fonvieille, Emile Gailhac… et tant d’autres.
Les interruptions de Championnat pendant les deux guerres ne tariront pas la passion des villemuriens pour le rugby, ni l’abnégation des lignées de dirigeants, mais il faudra attendre le début des années 1950 pour que l’équipe fasse parler d’elle.
C’est enfin une histoire de copains dont la plupart sont issus de l’équipe junior, vainqueurs de la coupe des Pyrénées en 1954. Arrive la saison 1958-1959 et débute le championnat des Pyrénées de Troisième série. Villemur sort vainqueur de sa poule (6 victoires et 2 nuls) élimine ensuite Samatan (6-0) en quarts de finale, le Toulouse-Marengo Sports (6-3) en demi-finale, et pour conclure, gagne la finale contre Luzech (9-0) , devenant ainsi Champion des Pyrénées de 3e Série.
Les portes du Championnat de France s’ouvrent à l’USVillemur. Quinze jours après leur titre, seizièmes de finale à Laroque d’Olmes, le 15 mars, et victoire contre Cuxac d’Aude (6-3). L’adversaire suivant Collioure est battu sur le même score (6-3) à Pamiers en huitièmes de finale.
Les affaires se corsent, en quart de finale contre Grenoble à Pézenas. Dans ce match, c’est le vent violent qui fut le plus redoutable : « Sur un coup de pied aux 40 mètres le ballon te revenait dans l’en-but ! » raconte Jeannot Guerci. Victoire 9-5.
Demi-finale contre Vichy à Decazeville. C’est le match le plus difficile, car Vichy aligne 3 ou 4 éléments titulaires en équipe première qui évolue en Nationale. C’est un non-match en première mi-temps haché par les pénalités sifflées par l’arbitre en faveur de Villemur … mais manquées par les buteurs successifs. Pendant ce temps-là le chrono défile et Vichy perd le fil du match, impuissant devant la hargne des villemuriens qui ont le dernier mot : 11-6. « Et pourtant ils étaient les plus forts ! » se souvient fair-play Pierrot Sicard.
Arrive enfin la finale, le 10 mai à Condom contre Cambo-les-Bains. Quelques temps avant le match, le talonneur Jacques Coudon est appelé sous les drapeaux, c’est la tuile ! M. André Archippe fait le voyage jusqu’à la base aérienne de Cazaux où il a été incorporé. Mais l’autorité militaire reste inflexible, Jacques ne jouera pas ! Il faut remanier l’équipe. Marty passe talonneur, Yves Bégué, qui est mieux qu’un remplaçant et qui jouera plus tard en Nationale à Graulhet, rentre en 3e ligne, et Pierre Sicard glisse de la 3e ligne au centre à la place de Marty. L’équipe se présente donc dans la composition suivante :
Guy Archippe (1) Henri Marty (2) Guy Aîmé Gasc (3)
Jean Cazaux (cap) (4) René Villa (5)
Richard Gomez (6) Jean Guerci (8) Yves Bégué (7)
(m) Georges Moncuquet (9) (o) Maurice Vidal (10)
Angel Ghidini (11) Pierre Sicard (12) Jacques Pendaries (13) André Vidal (14)
Jules Mazzolini (15)
Les tribunes sont combles, les villemuriens soutenus par environ 400 supporters. Cambo maillot rayé rouge et blanc, short blanc, villemur sous ses couleurs habituelles, maillot vert et noir, short noir. L’arbitre est M. Beheregaray. Villemur domine l’entame du match, et marque un essai par Angel Ghidini sur passe au cordeau de Pierre Sicard. Essai non non transformé. Malgré les tentatives des basques, le score ne bouge pas, 3-0 à la mi-temps. En seconde période, les deux équipes se rendent coup pour coup ” Viril mais correct” dit-on dans le jargon rugbystique. L’oeil de Jeannot Guercy pétille à l’évocation de ces souvenirs ” A un moment, l’arbitre passe près de moi et me glisse à l’oreille : Jouez moins virilement ! “ A l’heure de jeu Maurice Vidal ajoute 3 points sur coup-franc. Cambo se révolte en vain, Villemur attaque à son tour, Jeannot Guerci perce, passe le ballon au demi de mêlée Georges Moncuquet qui aplatit dans l’en but adverse : 9-0. La messe est dite. Malgré un essai de Cambo qui réduit le score à 9-3, Villemur ne sera plus inquiété et se verra même refuser un essai par Jacques Pendaries.
Jour de gloire ! Villemur tient son premier titre de Champion de France, parachevant une saison exemplaire où l’équipe 2 est elle aussi championne des Pyrénées des équipes réserves. Retour à Villemur sans flonflons ni liesse parmi la population. « Même pas le bout de bois à caresser » ( le fameux bouclier) regrette encore Jeannot Guerci. Juste un simple fanion pour rappeler l’exploit,
celui que tient en main André Archippe sur la photo ci-dessous. La réception à la mairie est remise à plus tard, et la fête aura lieu le dimanche 24 mai pour la clôture de la saison et la réception de l’équipe réserve du Stade Toulousain.
Il faut vous dire qu’en ce temps-là, le lendemain du match, il n’y avait pas de séance de décrassage, ni soins, ni massages…
Le lendemain on reprenait le travail !
Rugby d’un autre temps, où l’équipe, c’était avant tout le temps des copains, le plaisir de se retrouver sur le terrain, ballon en main. La semaine c’était le travail, l’usine, les champs, le chantier, le commerce familial pour certains, les études pour d’autres. L’entrainement, c’était le mercredi soir. Partant du stade, footing vers Calar, retour par l’usine Brusson et le Parc des Sports à la nuit tombée. Séance sur la “pelouse” du stade puis, crotté et fourbu, retour aux vestiaires : “Même après la douche tu sentais encore la vase !” Pas de projecteurs, alors on se réfugiait dans une pièce à l’étage de la maison du stade, siège du club, pour répéter les combinaisons en touche! La cagnotte, 1 franc pour tout retard à l’entrainement servait à se payer un bon repas chez Zélibar (le restaurant Pendaries). Quand l’entraîneur Jo Griffard – ancien joueur du jeu à XII et international à XV – était absent, c’est Jeannot Guerci qui entraînait les troupes, fort de sa jeune expérience au Stade Toulousain.
A la tête de cette équipe, un trio de dirigeants expérimentés Emile Gailhac, cheville ouvrière du club depuis 30 ans, Pierre Davy, trésorier depuis 1936, et André Archippe venu depuis peu les épauler. Cette équipe aux maigres moyens financiers est riche de camaraderie, la plupart des joueurs se connaissent depuis leur jeune âge, et la majorité nous l’avons vu est issue de l’équipe championne des Pyrénées juniors. Jacques Pendaries, “Gourdou “Jean Cazaux ,Pierre Sicard, René Villa, Jules Mazzolini, Jacques Coudon, Maurice et André Vidal,Aimé Gasc Guy Archippe,sont de ceux-là.
Complètent cette équipe, Jeannot Guercy formé au club et de retour de Toulouse, Richard Gomez, Georges Moncuquet, Angel Ghidini, Henri Marty, Yves Bégué, Jean Gay. (1)
Nous ne serions pas complets sans rappeler le bureau de l’Union Sportive Villemurienne :
Présidents d’honneur : André Brusson, industrie, patron de l’usine de pâtes alimentaires et Léon Eeckhoutte, maire de Villemur. L’équipe dirigeante, par ordre alphabétique : Jean et Marcel Adell, André Archippe, André Bégué, Jean Cazaux, Pierre Davy, Antonin Fauré, Emile et Louis Gailhac, André Gay, Raoul Montet, Roland et Jacques Pendaries, Jean Vincent.
Malheureusement, pour bien de ces jeunes, c’est bientôt l’appel sous les drapeaux, la guerre d’Algérie qui va briser leur élan sportif. Malgré tout, ce titre de Champion va donner une nouvelle impulsion à l’équipe qui s’illustrera quelques années plus tard en remportant un deuxième titre de Champion de France, de 2e série, en 1966.
(1) A notre connaissance, trois joueurs de cette équipe sont encore parmi nous : Jeannot Guerci et Pierrot Sicard de Villemur , ainsi que Richard Gomez ; quand à André Vidal de Bondigoux il est décédé le 15 janvier 2021.
JCF / AVH décembre 2019
Remerciements :
Soixante ans plus tard, ce n’est pas sans émotion que Jeannot Guerci et Pierrot Sicard, seuls rescapés villemuriens de cette épopée, m’ont raconté les souvenirs de leur jeunesse et de cette belle aventure.
Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
Sources :
Villemur-sur-Tarn, Cent ans de rugby (1912-2012) Roger Pinel. 2012. Imprimerie Pascal Vidal, Villemur-sur-Tarn
La Dépêche du Midi ( Archives Pierre Sicard)
Archives des Amis du Villemur Historique.
Photos :
1, 3, 6, 7, 8, 10, 11 : “Cent ans de rugby” 2 : archives AVH. 4, 4 bis, 5, +finale à Condom : Pierre Sicard. 8, 9 : coll. Jean-Claude François.