La rue des remparts Notre-Dame
et les rues attenantes
Rue Hoche – Rue Kléber – Rue Saint-Roch – Impasse du Zouave
Son nom fait référence à l’ancien castrum de Villemur, une partie des maisons de la rue étant adossée au rempart est de la ville, compris entre la porte des Stradelis la porte Notre-Dame. Elle porte ce nom depuis les années 1926/1930.
Jusqu’à cette date elle s’est appelée des siècles durant la rue Castelpailhas dont l’orthographe fut fluctuante (Castel Paillas, Castelpaillas…) au gré du temps. Le mystère est le plus total quand à l’origine de ce nom, comme d’autres noms des très vieilles rues de Villemur.
Cette rue est connue des vieux villemuriens sous le nom de « rue Torte » Elle était pour nos anciens « La carrièro torto » entendez par là, « La rue tortueuse », en raison de son trajet sinueux. C’est sous ce nom de « rue torte » qu’elle est répertoriée dans les recensements de la population de 1825, 1827, 1832, mais aussi en 1896 et 1906 !
Elle a aussi été connue à l’orée du XXe siècle sous un autre nom : « La rue des Malfaisants ». Marcel Peyre, historien local, rappelait que vers 1930 ce nom était gravé sur une pierre à l’angle de la rue. C’est toujours Marcel Peyre qui donne sa version : « Il eût été plus juste de l’appeler la rue des Médisants, voici pourquoi : à la fin du XIXe siècle, vivait dans cette rue un certain Lafage dit « Le Fajou.» (1)
Ce personnage très redouté était l’âme d’un cénacle qui se réunissait dans sa maison. On y composait en langue occitane et en vers, des pamphlets et des chansons satiriques. Ces cabales féroces écrites avec une plume trempée dans le vinaigre et le fiel visaient aussi bien les édiles que les particuliers. ». Bien que cette appellation de «rue des Malfaisants » ne soit pas officielle, le courrier arrivait toutefois à destination à cette adresse. Les deux lettres reçues par le père et le grand-père de Pierre Villa en sont les témoins formels ! (2)
Aujourd’hui elle assure la liaison entre la rue de la République et la rue des Stradelis. Voyons son évolution au fil du temps.
Comme le montrent les plans ci-dessus, jusqu’en 1930 la rue faisait un coude à angle droit à hauteur de l’actuelle place Lapeyre pour rejoindre la rue Gambetta. Cette portion de rue sera baptisée rue Kléber (1927/1930). Fortement impacté par la crue de 1930, le pâté de maison compris entre la rue des Stradelis et la rue Cailhol va être démoli et reconstruit avec plusieurs conséquences : le réalignement et l’élargissement de la rue des Stradelis et de la rue Cailhol (qui va devenir la rue Saint-Roch), et le percement de ce pâté de maisons qui va faire communiquer la rue des Stradelis avec la rue des Remparts Notre-Dame.
Empruntons la rue des remparts Notre-Dame à partir de la rue de la République.
Dans l’angle droit du petit raidillon, se trouvait ici un des 4 puits de la ville comme indiqué sur le plan Junière de 1779.
Ce puits faisait face à la maison des époux Gibert dont le sobriquet était « Lou Cramat » (le brûlé en occitan) faisant par là référence à un lointain aïeul, – Barthélémy Jouet – qui avait été sérieusement brûlé dans un incendie mémorable en 1792. De ce fait leurs filles Alice et Anna étaient appelées « Las Cramados »
Tout à côté a vécu Pierrot Faillères, « Fafa » enfant et figure du quartier et au-delà.
Sur la gauche, prenons la rue Hoche, autrefois la rue Daunou (D’Honnou, Daunnou). C’est dans cette rue, vis-à-vis de la maison de Pierre Viguier, homme de loi, que le 22 décembre 1794 Jean Lapeyre, officier de police, assisté de Jean Blancou et Gabriel Bernat adjoints de la municipalité constatent la présence « d’un cadavre masculin gisant per terre et dans une bière, couvert d’une chemise et enveloppé d’un drap de lit » Ils reconnaissent « le citoyen Gabriel Viguier, âgé de 54 ans, prêtre réfractaire originaire de Villemur, ci-devant desservant de la paroisse de La Magdeleine. » Accident ? Crime ? Dans cette période trouble de la Révolution – c’est l’époque de la Terreur – on se pose des questions. Mais l’arrivée sur les lieux de Jean Amans Girou et Benoît Pendaries, officiers de santé, va permettre de lever les doutes. Après examen du cadavre sur lequel ils ne découvrent aucune contusion ni blessure, ils déclarent qu’il a succombé à une mort naturelle. Ils posent même le diagnostic : « Il est mort de bille (bile) répandue, la preuve, son cadavre était jaune comme du safran ! » Ils laissent ensuite le corps en possession de Bertrand Terret le fossoyeur, chargé de l’inhumer. (3)
Dans les années 1950 à 1970 environ, la rue Hoche était connue de toutes les ménagères du quartier. Et pour cause : dans cette ruelle s’ouvrait l’arrière boutique de la boulangerie des époux Bégué qui donnait sur la rue Gambetta, parfumant les ruelles alentour des doux effluves de pain frais et de farine et c’est dans le four encore chaud des fournées du matin, que cuisaient tartes et poulets… Je revois encore à droite de la porte, tourner le pétrin vénérable dont « Dédé » qui avait succédé à son père me raconta un jour l’histoire.
En 1930, Louis Bégué est le dernier boulanger en exercice à la tour du Moulin. Survient l’inondation catastrophique du 3 mars qui ruine le commerce.
Après la décrue, au bout de quelques jours, le pétrin traverse le plancher pourri et « atterrit » intact et en douceur dans la vase, à l’étage en dessous. Récupéré non sans mal, le pétrin miraculé sera installé dans la boulangerie flambant neuve de la rue Gambetta, après que les Bégué aient été hébergés un temps rue de l’Hospice, dans ce qui deviendra plus tard la boulangerie Balthazar.
Autre figure de la rue Hoche, Marguerite D. que l’on appelait Margot mais pire encore « La Poison » ! Qui diantre l’avait affublée d’un tel surnom, et pour quelle raison ? Nul n’a pu me donner la moindre explication ! Mais le fait est, que dotée d’un tel patronyme sulfureux elle faisait peur à toute la marmaille du quartier ! Les jeunes des années 60 qui se hasardaient à passer trop souvent et un peu vite à Mobylette étaient reçus par des seaux d’eau au passage devant sa maison. ! (4)
Au bout de la rue Hoche, voici la rue Kléber autre général de la Révolution, ancienne portion de la rue Castelpailhas. Vers la gauche elle communique avec la rue Gambetta, vers la droite elle rejoint la rue des remparts Notre-Dame et la place Lapeyre qui complète la trilogie des généraux du quartier. (5)
On peut voir encore dans la partie haute de deux façades, des nichoirs à oiseaux que les potiers villemuriens fabriquaient jadis et que l’on appelait « paratières » Remarquez également tout en haut, une poulie : c’est « la carrelo » qui permettait de hisser divers matériaux dans le grenier que l’on appelait dans la région, le galetas.
Revenons justement à la rue des Remparts Notre-Dame. Dans sa partie culminante, sise au n° 8 voici la merveille de cette rue, une des plus anciennes maisons de la ville, datant du XIVe siècle. Nous voici pour un instant revenu au Moyen-Age au temps de la rue Castel Paillas ! Autrefois appartenant à la famille du maçon Armand Boué, elle est une étape incontournable du circuit touristique de la ville.
En face de cette maison vénérable s’ouvre l’impasse du Zouave. Les conseillers municipaux de l’époque, ayant en charge de baptiser les rues se sont souvenus qu’ici avait habité un certain Darbieu qui avait effectué son service militaire en Afrique ! (6) Cette impasse à la particularité de se terminer par des escaliers qui descendent vers la rue des Fossés Notre-Dame plus communément appelé « le valat » (Le fossé en occitan, prononcez « Balat »)
Cette voie était parait-il très pratique, pendant la guerre, pour échapper aux patrouilles allemandes ! Cette impasse du Zouave est orpheline depuis ce début 2021. Récemment, à deux mois d’intervalle deux de ses habitants nous ont quittés ; Léon « Dédé » Bégué après une longue vie du beau métier de boulanger. Et puis notre cher ami Henri Faur est parti rêver dans les étoiles…
On reprend la rue des remparts Notre-Dame, des noms et des visages me reviennent en mémoire, les familles Larroque, Mosele, Arbeau… Voilà la place Lapeyre traversée en quelques enjambées, puis la rue des Stradelis. Ce tronçon entre la place Lapeyre et la rue des Stradelis a été ouvert après 1930 après la reconstruction totale du quartier.
Ne quittons pas les lieux sans parler de la rue Saint-Roch – la rue Cailhol avant 1930 – qui rejoint la rue Gambetta (Voir le plan ci-dessus) . Un très ancien projet envisageait de faire communiquer cette rue Cailhol avec le Fossé Notre-Dame, mais il a été abandonné par la suite. (7) Dans mon enfance, ce bout de la rue Saint-Roch vide de tout véhicule, était un endroit propice pour exercer nos talents de footballeurs. De ce fait, le mur de la maison de Baptistine Duran eût à souffrir de nos shoots maladroits ! Lorsqu’un tir un peu plus appuyé venait s’écraser sur ses volets, elle sortait tel un diable de sa boite et nous assénait une bordée d’injures en patois que par délicatesse je ne rapporterai pas ici. !
La rue des remparts Notre-Dame est une rue traversière, peu de commerces s’y sont installés hormis dans la partie « basse », celle proche de la grande artère qu’est la rue de la République. La première boutique connue vers la fin du XIXe siècle, est celle de Jean Lafage le bourrelier et sellier, le fameux « Fajou » déjà cité, commerce qui sera repris vers 1900 par son gendre Jean Bonnes . Vers 1925, il s’installe rue Saint-Michel, face à l’église ; son local est alors loué vers 1930 à Guillaume Lacoste débitant de tabac, que les anciens appelaient « Le Tabacou » Ce natif de Saint-Rustice avait obtenu cette charge par égard à son parcours pendant la Grande Guerre (prisonnier et blessé)
C’est dans ce même local que bien plus tard, Duilio Pregno installera son commerce de cycles. Je n’oublie pas également l’atelier de Joseph Muret, menuisier-ébéniste.
Tout à coté, à l’angle de la rue de la République et de la rue des remparts Notre-Dame, un autre commerce mérite notre attention : celui tenu par Joseph Faur et son épouse Madeleine, à l’enseigne de « L’Abeille Tarnaise » épicerie, produits de marque, vins et liqueurs, poteries… Après 1930 le réalignement de la grand’rue va faire reculer les façades de quelques mètres, alors l’épicerie émigrera en face, du côté gauche de la rue.
A sa place, dans l’angle, un nouveau magasin s’installera, celui de Jean-François Eychenne « armurerie, chasse et pêche », local qui sera repris ultérieurement par son voisin Duilio Pregno, figure historique de l’AS Villemur cyclisme.
A bientôt pour la suite de notre ballade dans les rues de la ville…
JCF / AVH mars 2012
Mes remerciements à Martine Pugigné-Leplat, à Gino Ravazzoli et à Pierre Villa.
Notes :
(1) Jean Lafage, bourrelier
(2) Lettres reçues par le père et le grand-père de Pierre Villa dans les années 1920. A noter l’orthographe du patronyme “Villa devenu ” Bila” sur certains documents.
(3) Délibérations du conseil municipal 1D14 (12 thermidor, an II – 23 vendémiaire, an VI)
(4) Souvenirs de Martine Pugigné- Leplat.
(5) Lire l’article sur la place Lapeyre, dans l’onglet HISTOIRE / rues et places de la ville
(6) Peut-être Jacques Darbieu (né en1844) menuisier.
(7) Voir le plan intitulé « 1824 / 1842 : percement des rues et places projetées » dans l’article « Les rues de la ville »)
Illustrations :
1, 3, 4, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, Jean-Claude François. 2 : Pierre Villa. 5, 7, Wikipédia. 14 : Gino Ravazzoli. 16 : Henri Faur. 17 : Jean-Luc Mouyssac