Douze ans après Lucien Demazel, un autre aviateur est venu survoler Villemur, mais ce n’est pas sur le pré de Calar qu’il s’est posé mais sur…le Tarn !
L’hydravion ayant amerri à hauteur des anciens abattoirs, cet événement est passé quasiment inaperçu aux yeux des villemuriens. Il a peut-être troublé la concentration de quelque pêcheur matinal à l’île Méjeane, voire celle d’un jardinier des Condomines…
C’est grâce aux recherches et à la perspicacité de Pierre Villa qui a déniché cette nouvelle, que nous consacrons cet article à la gloire d’un aviateur peu connu dont voici quelques lignes sur sa biographie.
Paul Marcel Teste (1892-1925)
Né le 2 octobre 1892 à Lorient (Morbihan) cet aviateur naval français consacra la majeure partie de sa carrière à la promotion de l’aviation navale.
Premier aviateur français à s’être posé sur un porte-avion, il a donné son nom au ravitailleur d’hydravion Commandant Teste construit entre 1927 et 1929. (1)
Brillant élève, il se présente à l’École navale en 1909. Il a alors 17 ans.
Aspirant en 1911, il est promu Enseigne de Vaisseau de 2e classe en 1912 et Enseigne de 1è classe à la déclaration de guerre.
Prenant part aux opérations en Méditerranée et en Adriatique, il se sent attiré par l’aviation et obtient sa mutation comme observateur aux escadrilles B101 et B102 à Dunkerque en 1917. Le 26 mai 1917 son hydravion est contraint à l’amerrissage par une patrouille de chasseurs allemands. Fait prisonnier, Paul Teste est interné à Karlsruhe.
Après une tentative d’évasion avortée, il est transféré au camp disciplinaire de Magdebourg, d’où il parvient à s’échapper et regagne la France en janvier 1918. Promu Lieutenant de Vaisseau en septembre 1918, il devient instructeur sur hydravion.
Décoré de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre avec palmes, il est nommé à la tête de l’Aviation d’Escadre, première formation d’aviation embarquée constituée en France. Chargé de tester les avions et d’étudier les meilleures techniques, il est le premier à se poser sur le porte-avions Béarn au large de Toulon le 20 octobre 1920.
Promu Capitaine de Corvette en juillet 1922, il se fait un ardent défenseur des porte-avions en France, mais aussi un propagandiste de l’aviation sous toutes ses formes. Ainsi en 1924 il parcourt la France à bord d’un hydravion FBA-17 pour reconnaître les plans d’eau utilisables pour les hydravions en difficulté au dessus du territoire.
C’est ce périple qu’il raconte dans la revue « L’Aéronautique » revue mensuelle illustrée dans le numéro de juin 1924.
En voici quelques extraits :
« Chargé officiellement par le Service Central de l’Aéronautique Maritime de reconnaître les possibilités d’amerrissage des hydravions passant de Bordeaux à Cette (Sète), j’eus la bonne fortune de pouvoir utiliser le premier appareil « amphibie » français accepté par le service technique de l’Aéronautique. C’est un hydravion biplace à coque centrale, muni de roues relevables sous les ailes, mû par un moteur Hispano-Suiza de 180 CV et permettant un vol de 3 heures à la vitesse de 120 km/h.
Parti de Saint-Cyr avec un mécanicien, je devais par Rochefort et Hourtin gagner Toulouse pour me baser sur cette ville.
De là rayonner sur les divers affluents orientaux de la Garonne, les bassins de Saint-Ferréol et Castelnaudary, puis après avoir étudié le cours de l’Aude, gagner Saint-Raphaël par Berre et Toulon.
Il ne m’est pas possible de m’étendre ici sur le but purement militaire de ma mission ; mais envisagé au point de vue sportif, mon voyage peut apparaître comme un exemple de tourisme aérien.
Le simple exposé de mon journal de bord, montrera je crois assez clairement les difficultés rencontrées et facilement vaincues au cours de ce voyage, et me donnera une base solide pour démontrer qu’actuellement en France, le véritable tourisme aérien n’est possible qu’en « amphibie ».
Parti de Saint-Cyr (2) le 23 avril par beau temps, il atterrit successivement sur les bases militaires de Tours et Rochefort, amerrit sur le lac d’Hourtin, puis gagne Mérignac où il ravitaille. Décollage ensuite vers Agen après avoir survolé la vallée de la Garonne à basse altitude, et arrivée enfin à Toulouse-Francazal à 18h 50.
Le lendemain, d’un saut de puce il rallie Montaudran où il visite les usines Latécoère, et retourne à Francazal après avoir ravitaillé.
Après un jour de repos le dimanche 27 avril, il entame le lendemain la première reconnaissance fluviale.
Le 28 avril au matin, il appareille de Francazal, et amerrit sur Garonne au pont Saint- Michel. Il repart ensuite en suivant le courant avec des amerrissages successifs à Grenade, Verdun et Courbieu (Castelsarrasin).
Il remonte ensuite le Tarn amerrit successivement à Moissac en amont du pont de chemin de fer, puis près de l’embouchure de l’Aveyron et à 9 h 40 amerrit à 2 km en amont de Montauban près de la Tour de Belot. Il repart 2 minutes plus tard pour Reyniès, « Amerri en aval du pont, face à l’Ouest ».
A 10 heures, « Amerri en aval du pont de Villemur-sur-Tarn. Rives très encaissées. Virage impossible sur l’eau. Décollage face à l’Ouest difficile à cause de très grands arbres fermant le coude à 1km en aval de Villemur ».
Il fera ensuite un saut de puce vers Bessières où il amerrit 15 mn plus tard rencontrant les mêmes problèmes qu’à Villemur, puis direction Saint-Sulpice, remontée de l’Agout jusqu’à Lavaur et retour sur Toulouse-Montaudran.
La deuxième reconnaissance fluviale l’emmènera au-dessus de La rivière Ariège, puis Castelnaudary, le lac de Saint-Ferréol et retour sur Toulouse par la vallée de l’Agout.
Après avoir ravitaillé, il décolle de Francazal direction Istres pour sa troisième reconnaissance. Il atteint Saint-Raphaël but du voyage le 30 avril à 17h 10.
« En résumé, j’ai pu sur un petit amphibie de tourisme, voyager pendant 8 jours à travers la France, me posant 14 fois sur le sol, 21 fois sur l’eau totalisant près de 25 heures de vol et couvrant plus de 2.000kms sans incident. »
Affecté ensuite au cabinet militaire du Ministre de la Marine, Paul Teste veut aussi tenter sa chance sur l’Atlantique et obtient la mise à sa disposition du prototype Amiot 120. Alors qu’il effectue des essais de mise au point avant un raid préliminaire qui doit le mener de Paris à Karachi sans escale, le monomoteur s’écrase au décollage à Villacoublay le 12 juin 1925. Gravement brulé, Paul Teste décède le lendemain. (3)
Après des obsèques officielles quatre jours plus tard à Paris, il est inhumé à Lorient le 25 juin au cimetière de Carnel.
À titre posthume il est promu Capitaine de Frégate et fait Commandeur de la Légion d’honneur.
JCF / AVH Novembre 2019
(1) https://memorial-national-des-marins.fr/m/3499-commandant-teste
(2) Saint-Cyr-L’Ecole dans les Yvelines près de Versailles
(3)L’appareil qu’il pilotait, chargé de 2400 kg de sable pour cette occasion, décolla en 300 mètres et fila droit sur la ligne d’arbres qui bordait une route. Le pilote ne put les éviter et s’écrasa au sol sur le terrain “Morane” à 30 mètres de la route sans avoir eu le temps de couper le contact. L’avion prit feu immédiatement.
Le lieutenant de vaisseau Amanrich qui était passager put sauter de la carlingue et revenir pour essayer de dégager Teste. Mais il n’y parvint pas et fut grièvement brûlé aux mains et au visage.
Teste put finalement sortir de son appareil; il se roula dans l’herbe et les témoins lui apportèrent les premiers soins.
Sources :
Remerciements à notre ami Pierre Villa
Et aux sites suivants :
http://ecole.nav.traditions.free.fr/officiers_teste.htm
http://floure.fr/archives-photo/1924-un-hydravion-amerrissait-a-floure
Revue mensuelle illustrée « L’aéronautique » n° 61 de juin 1924 pages 133 à 136. Visible sur le site https://gallica.bnf.fr/
Cliquer pour accéder à France-FBA-Type17.pdf
http://memorial-aen.fr/index.php (Mémorial des Officiers de Marine)
Photos :
Extraites de la revue “L’Aéronautique” (Gallica :BNF) sauf le portrait de Paul Teste (Mémorial des Officiers de Marine) la publicité SCHRECK (Gallica/BNF) et la photo du Commandant Teste (Wikipédia)