L’année 1914. Centenaire de la Grande Guerre.
De l’Alsace-Lorraine vers le Nord et la Belgique
Nous reprenons le fil de l’histoire de nos trois soldats villemuriens à la mi-septembre 1914 après les premières batailles vécues en Alsace et en Lorraine.
Après le combat de Zillisheim-Flaxlanden, le 281e RI de Camille Terrisse toujours aux avant-postes dans les environs de Mulhouse , reçoit le 23 août l’ordre de repli vers le sud, conséquence de l’échec et la retraite de la 2e Armée devant Morhange, entrainant de ce fait le repli de la 1e Armée
Le 281e va ainsi cantonner dans la région de Montbéliard (Allenjoie, Ste-Suzanne, Dampierre) et les hommes profitent de ce répit pour « se refaire une santé » après les premières épreuves. C’est aussi le moment d’échanger avec la famille par l’intermédiaire du courrier : « Dans le régiment où je me trouve il y a beaucoup de toulousains et des habitants de la contrée de Montauban. J’ai en particulier comme camarade de combat dans la même escouade où je me trouve un nommé François Fauré natif de Mirepoix, c’est un neveu du « Béouzou (Antonin Fauré maçon de Villemur) J’ai avec lui un bon camarade et c’est un gentil garçon » (1), ou encore : « Dites-moi si les raisins se sont bien conservés et si le poirier que nous avons greffé avec Emile Pendaries est joli… » Le 12 septembre le 281e se met en marche vers le nord, direction les Vosges. Le lendemain le régiment est à Gérardmer et remonte plein Est, jusqu’au contact avec les allemands dans les environs de Sainte-Marie-aux-Mines. Le 22 septembre, l’accrochage est violent près du village de Lesseux : 28 tués, 131 blessés.
Le 6e bataillon de Camille Terrisse se trouve près de Wisenbach, sur la ligne des crêtes, les allemands à portée de canon sur les pentes du col de Sainte-Marie.
Le 24 septembre il écrit : « lundi j’ai écrit à Pendaries et Faillères au son du canon et aujourd’hui c’est au son de cette musique que je vous donne de mes nouvelles. Oncle Emile me parlait souvent du bruit que faisait le canon français aux écoles à feu, mais aujourd’hui j’entends (les obus) siffler au-dessus de ma tête » Il rajoute plus loin : « …lorsque vous avez étalé devant vos yeux la sauvagerie de nos ennemis, un sentiment de haine et de vengeance vous monte à la tête. J’ai cantonné dans des villages où ils ont tout saccagé, pillé, incendié, maisons et églises, outragé les femmes et ne respectant même pas cimetières, mais la raison et la justice triompheront et nous leur infligerons la défaite qu’ils méritent. » La région a été mise à mal par les Allemands, Camille en a été le témoin notamment à Mandray où l’église a été incendiée à la fin août. Dans l’après-midi du 28 septembre les hommes sont relevés par le 22e bataillon de chasseurs et le soir cantonnent en arrière à Verpellières.
Le 3 octobre, la 131e brigade dont dépend le 281e RI (avec les 280e et 296e RI ) est détachée de la 66e Division de Réserve et rattachée à la 58e DR. Au cantonnement de Laval on apprend la nouvelle : le régiment va quitter les Vosges pour une destination encore inconnue.
Les premiers éléments du 281e embarquent à la gare de Bruyères au matin du 7 octobre et par Pantin et Creil débarquent à Maigneley dans la Somme le lendemain.
Vendredi 9 octobre : « Hier soir je suis passé à Paris où j’ai pu apercevoir l’église du Sacré-Coeur qui se trouve dans le quartier de Montmartre, et maintenant je suis dans la Somme…»
Dimanche 11 octobre : « Je me trouve à Ribémont (Somme) après 40 h de chemin de fer après avoir quitté les Vosges je suis ici dans le Nord depuis 3 jours. La contrée est belle, ici comme dans les Vosges le canon tonne mais ça ne m’incommode pas car j’y suis habitué depuis longtemps. »
Le 14 octobre, le 6e bataillon est embarqué à 0h 30 et débarquent à Noeux-les-Mines dans le Pas-de-Calais. Les 21e compagnies (celle de Terrisse ) et la 22e sont mises à disposition du colonel Gadel pour attaquer Noyelles.
Le lendemain, ces deux compagnies se portent sur Mazingarbe en réserve et relèvent le 41è R.I.
Au moment où le 281e se prépare à l’action, les allemands occupent Vermelles et s’y organisent pour résiter. La 131e brigade va avoir pour mission d’arrêter le flot de l’envahisseur et de reprendre Vermelles.
Cela fera partie d’un prochain article intitulé « Le 281e Régiment d’infanterie à Vermelles »
Le carnet de marche de Joseph Gibert sergent dans la 5e compagnie du 2e bataillon, prend fin le 6 septembre à Clayeures. Nous allons toutefois suivre l’avancée du 15e régiment d’infanterie grâce au témoignage d’Alfred Bienvenu, clairon de la 11e compagnie du 3e bataillon de ce régiment. (2) Il n’est pas villemurien, mais natif de Castres dans le département voisin du Tarn et a suivi le même parcours que Joseph Gibert.
Nous avions laissé le régiment au repos dans la banlieue de Nancy dans les cantonnements de Saint-Max et de Dommartemont.
Le 21 septembre, le régiment se met en branle sous une pluie battante direction Velaine-en-Haye mais vers 18 heures, ordre est donné de se porter sur Saizerais par Liverdun pour couvrir le corps d’armée sur le flanc droit. A ce moment-là du conflit, les allemands tentent de prendre Verdun à revers, mais les côtes de Meuse sont défendues par de nombreux forts (Troyon, Camp des Romains, Liouville…)
La prise par l’ennemi de Saint-Mihiel met en péril la 3e Armée française, si l’ennemi perce le front entre Saint-Mihiel et Toul, dans la plaine de la Woëvre. C’est cette situation qui amène le 16e Corps d’Armée dont dépend la 64e brigade à se porter au contact de l’ennemi. La bataille de la Woëvre est engagée autour de Beaumont, Seicheprey, Flirey et Saint-Baussant. Ce sont ces combats que nous allons suivre aux côtés d’Alfred Bienvenu et de Germain Vignals.
22 septembre : « départ de Saizerais à 6 heures, nous avons un orage épouvantable à 11 heures du matin et nous restons dans un champ rempli d’eau et de boue jusqu’à 8 heures du soir et nous allons cantonner à Tremblecourt dans une grange remplie de fourrage. »
23 septembre : « départ de Tremblecourt 5h du matin, sur la route, nous voyons 4 grosses pièces de siège qui ont au moins 4mètres de long et dont les obus sont aussi gros qu’un pain de sucre.
À 11h en avant d’Ansauville nous avons une violente escarmouche qui nous a fait beaucoup de pertes, un obus tombant sur la 2e section, 33 blessés à la compagnie, le sergent Barthes est tué. Le soir nous prenons le village de Beaumont ».
24 septembre : « les allemands bombardent Beaumont, nous sommes à l’abri derrière une muraille. Maignan de Gaillac de notre 2e section est tué par une mitrailleuse allemande, 3 morts à la compagnie dont Edouard Vabre de la 4e section ».
25 septembre : « nous restons à Beaumont dans une tranchée que nous avons construite, les obus allemands tombent sans discontinuer ».
26 septembre : « violente canonnade, la plus violente que nous ayons eue, Louis Gaillard de Mazamet, sergent à la 10e compagnie mortellement blessé au côté gauche par un éclat d’obus crie maman ! maman ! Puis sans connaissance meurt 2 h après. Nous mangeons le soir dans un trou d’obus de notre artillerie lourde avec Oustri et Prunet. Nous allons coucher dans les tranchées allemandes. Poste d’écoute avec Delpoux et le sergent Maffre ».
27 septembre : 2 bataillons du 15e ( 1er et 3e Bat) sous les ordres du Lt-colonel Beuvelot reçoivent l’ordre d’attaquer les positions ennemies « Nous partons es tranchées pour aller en avant dans le bois de Remières. Notre général de brigade (64e) Sibille mortellement blessé par un éclat d’obus ».
28 septembre : dans la nuit, le 3e bataillon est relevé par le 122e RI. Une attaque générale est ordonnée pour 15h en direction de Saint-Baussant. Elle concerne les 143e et 122e RI ; le 3e bataillon du 15 est en réserve à hauteur du chemin Seicheprey / Bois de Jury « Après être relevés le matin à la pointe du jour nous touchons du vin blanc et du saucisson. Nous allons occuper des tranchées en avant du village de Beaumont. , l’artillerie allemande nous envoie des obus pendant 2h. Un obus éclate sur le devant de la tranchée au moment où j’écrivais une lettre à Germaine.Le déplacement d’air et le choc me fait tomber la lettre des doigts et m’allonger dans la tranchée, je suis noir de fumée ».
29 septembre : «Mêmes positions dans les tranchées « Journée passée dans les tranchées, serrés comme des sardines sous une pluie d’obus ».
30 septembre : « Toujours dans les tranchées en avant de Beaumont. C’est la première fois que nous voyons les canons français tirer sur les avions allemands dont l’un d’eux sûrement touché retourne vers ses lignes. »
1er octobre : « Dans les mêmes tranchées que la veille. Pas un coup de canon mais fusillade très intense. Nous sommes relevés à 8 h du soir par le 143e, nous allons à Ansauville.»
2 octobre : « Repos à Ansauville, on nous distribue des tricots, je passe un bon moment avec Mr Barric du 2e Génie. Je me fais tailler les cheveux et raser. On fait des essais de grenades pour jeter à la main dans les tranchées allemandes ; En revenant le soir , nous passons devant la tombe du sergnt Barthes à l’endroit où il a été tué. Nous passons la nuit à Ansonville. »
3 octobre : Le régiment part d’Ansauville à 5 h du matin pour aller occuper le bois de la Hazelle. « En avant de Bernécourt nous voyons beaucoup de tombes de soldats morts au champ d’honneur. Dans les bois nous voyons aussi des allemands affreusement mutilés par nos canons. »
4 octobre : une attaque est prescrite conjointement avec le 96e RI, objectif du 3e bataillon, les tranchées allemandes au sud de Saint-Baussant. L’attaque est conduite par les 11è (Celle d’Alfred Bienvenu) et 12e compagnies « La fusillade dure toute la journée, à un certain moment tout était mélangé, français et allemands » Le 96e RI a du mal à avancer ainsi que les deux compagnies du 15e prises sous un feu nourri. « Voyant qu’ils (les allemands) reprenaient leur marche en avant, nous nous replions au plus vite, j’abandonne dans la tranchée ma musette pleine de vivres ainsi que mon bidon, nous nous replions au pas de course poursuivi par les balles allemandes qui malgré tout ne nous font aucune pertes. A la nuit je suis placé en sentinelle à côté de la tranchée que nous occupions et je récupère ma musette et mon bidon ! Au bout d’un moment nous sommes obligés de repartir, les balles tombaient partout. Nous avons le Lieutenant Fauré qui est tué ainsi que le Lt Eglizeaud.»
5 octobre : L’ordre est donné de chercher à progresser pied à pied mais toute progression des unités de 1ere ligne est rendue impossible par les feux d’infanterie ennemie. « Vers 9h l’artillerie allemande bombarde de nouveau Seicheprey où il ne reste que des ruines. Une note du général Dubail lue pendant 3 jours aux troupes rappelle que nous sommes passibles de la peine de mort lors qu’on est fait prisonnier sans avoir tenté de se tirer d’affaire auparavant. »
6 octobre : « Nous avions en avant de nous la réserve de la Garde Impériale. Nous sommes relevés des tranchées par le 142e RI, nous partons à 10h du soir pour Ménil-la-Tour à 8km de Toul, où nous arrivons à 2h du matin. Aujourd’hui repos, nettoyage des armes et des effets. On dit que nous embarquons pour Paris Ah ! Si ça pouvait être vrai ? Les voitures d’approvisionnement nous donnent du sucre du café des boites de conserve du rhum. O n nous distribue des toiles de tente, on tire au sort, j’en ai une ainsi qu’un paquet de piquets. »
7 octobre : « Sur le plateau de Ménil-la-Tour, à 4 h du soir, nous assistons à la dégradation militaire d’un réserviste du 342e RI pour avoir pris des mouchoirs et un peigne à ses camarades et un petit sac appartement à l’Etat ; On l’emmène entre 10 gendarmes et deux compagnies d’infanterie du 1er peloton des Hussards. On lui arrache son sac et son fusil ainsi que tous ses boutons ; il tombe de désespoir et passe devant nous tout déboutonné et sans rien. Six ans de prison !»
8 octobre : le régiment fait la route vers Toul. Le 3e bataillon embarque à 21h 30 avec l’Etat-Major suivi des 2 autres bataillons dans la nuit et au matin du 9 octobre. Le 15e RI quitte définitivement la Lorraine pour Oulchy-le-Chateau dans l’Aisne au sud de Soissons où il débarque le 9 octobre.
Le 15 octobre le régiment relève les bataillons du 1er Corps Anglais entre Soissons et Laon puis se dirige vers Compiègne où le 30 octobre il embarque en train direction Bailleul dans le Nord. De là par la route, le régiment est acheminé en Belgique, les 2e et 3e bataillons étant transportés en automobile à Poperinghe. Dès leur arrivée, le 2e bataillon celui de Joseph Gibert, se porte sur Pilkem, le 3e avec Alfred Bienvenu est dirigé vers Boesinghe puis sur Wyschaete contre lequel plusieurs attaques sont menées. C’est au cours de l’une d’entre elles qu’Alfred Bienvenu trouve la mort le 6 novembre. Les notes sur son carnet s’arrêtent la veille, le 5 novembre. Voici ce qu’l écrit : « Dans la nuit pendant 2 fois nous battons en retraite, pendant 2 fois nous revenons aux mêmes emplacements. Nous pensons être relevés ce soir par les Anglais ? C’est le 4e jour que nous sommes dans la même tranchée, et le 5e de combat Un obus percutant tombant à côté de la tranchée allemande au moment où ils creusaient leur fait voler une vingtaine d’hommes. C’est pitié de voir les ravages que fait notre 75 à obus percutant à la mélinite.»
Trois jours plus tard, plus au nord d’Ypres, entre Bikschote et Langemark, Joseph Gibert est fait prisonnier en compagnie de son copain toulousain Raymond Azaïs au lieu-dit Kortekeer-Cabaret. Il a eu plus de chance mais pour lui et ses camarades un long exil commence. Il ne retrouvera la France et les siens que le 10 décembre 1918.
Du 2 au 14 novembre, ce fut pour le régiment, sur le sol boueux des Flandres, une lutte de tous les jours avec un ennemi supérieur en hommes, en moyens, en organisation. Si les efforts du 15e RI, des 16e et 19e BCP du 143e RI n’aboutirent pas à refouler les allemands, ils eurent au moins pour résultat de contenir sur place, par un effort pénible et sanglant, la ruée ennemie.
Le 15e régiment d’infanterie ne sera relevé que le 16 janvier 1915. Après un séjour dans la région de Poperinghe et de Montdidier il embarquera le 21 février à destination de la Champagne. (3)
Nombreux sont les villemuriens ayant combattu dans les Flandres dans les régiments du 16e Corps d’Armée ( 15e RI, 96e RI, mais aussi 80e RI, 81e RI, )
Nombreux hélas , sont ceux qui ont laissé leur vie dans ces batailles des Flandres. Le 4 septembre Jean-Louis Castella, soldat du 80è R.I, est fait prisonnier à Saint-Eloi, (il décédera en captivité en 1918) et Edouard Vincent, du 81è R.I, autre villemurien, est capturé à son tour près d’Hollebecke le 23 novembre.
Le 2 novembre, Pierre Balat soldat du 80è R I de Narbonne, est tué près de Kemmel. Le 28 du mois, à Zillebecke, c’est le tour de Jean Bonhomme du 96è R.I, natif de Layrac, marié, père de famille habitant Villemur.
Et puis, en décembre la liste s’allonge, quatre victimes supplémentaires en moins de quinze jours. Ce sont Auguste Ramond 20 ans cultivateur à Navidals, soldat du 15è R.I, mort à Wytschaete à 12 heures, sur le champ de bataille, Henri Algans tué à Saint-Eloi, Jean Rigaud le cordonnier de la rue Saint-Michel, 33 ans, marié en 1906 avec Anna Miramont, mort à Zwarteleen, enfin Pierre Malpel, dit Fisson, 32 ans, boulanger, ces trois derniers du 81è régiment d’infanterie.
Arrivé à Nancy le 17 septembre, le 96e RI de Germain Vignals est au repos pendant quatre jours, occupés par des travaux de propreté, de maniement d’armes, une prise d’armes le 19 avec remise de décorations, quartier libre l’après-midi du dimanche 20, on en profite pour faite quelques achats.
Le lendemain en route direction la région de Beaumont – même objectif que le 15e RI – mais en suivant une route plus au sud, et cantonne à Royaumeix. « avec pluie très forte, impossible de faire du feu, mangé une bille de chocolat, dormi avec ça, étape 45kms. »
Mardi 22 septembre : « réveil 4h00, resté dans un pré jusqu’à 8 heures, nous traversons la grande plaine de la Woëvre, plaine infecte, on s’enfonce jusqu’aux genoux. A 1h00 nous passons sous un ballon captif, plus loin 4 grosses pièces de marine » (Les mêmes citées plus haut par Alfred Bienvenu)
Le régiment se porte sur Bernécourt pour attaquer le bois de la Hazelle,(JMO p. 15/135).Je transcrit ici dans son intégralité l’attaque du bois de la Hazelle telle que l’a vécue Germain Vignals : «1 kilomètre à l’avant un bois, l’artillerie en bombarde la lisière en cas quelle soit occupée, rien ne bouge. L’ordre est donné de se porter à l’avant, chaque section détache au devant d’elle une patrouille de cinq hommes. Je suis désigné. On marchait à 150 mètres au devant de notre section et étions arrivés à 50 mètres de la lisière du bois, par conséquent les sections étaient environ à 200 mètres, rien n’avait bougé.
Tout à coup, un feu d’enfer une dizaine de mitrailleuses et deux ou trois compagnies d’allemands ouvrent le feu, les vaches ils n’avaient pas tirés sur les patrouilles, ils avaient attendu que les 2 sections soit bien prés et que ceux de derrière soient en vue, impossible à songer de les déloger étant dans des tranchées très bien constituées. Il a fallu se replier en rampant se traînant dans la boue un peu en arrière pour pouvoir tirer pour permettre au bataillon de se replier dans le fossé de la route.
Cela a duré une demi-heure pendant laquelle les hommes tombaient comme des mouches. Lorsque le bataillon a été placé et que les deux autres bataillons ont été placés sur la droite, nous nous sommes retirés au fossé. Seulement sur 65 hommes de la section nous ne restions que 10, tous les autres morts ou blessés et qui étaient obligés de rester sur place jusqu’à la nuit.
De part et d’autre, et cela pendant 3h00, les balles et obus pleuvaient en grand nombre. 6h00 la tombée de la nuit l’assaut à la baïonnette se prépare, nous avançons baïonnette au canon car le feu a ralenti, mais arrivé à 50 mètres impossible d’aller plus loin. Deuxième assaut à 7h00 sans plus de résultat. Enfin à 9h00 du soir avec une nuit noire troisième assaut. Cette fois nous arrivons aux lignes ennemies, carnage épouvantable, moi j’ai eu le bidon transpercé de part en part, capote pain et musette de même mais sans aucun mal à ma personne. Les cadavres s’amoncelaient par tas. Le bataillon avait réussi à faire une cinquantaine de prisonniers, force a été de les relâcher à cause d’un renfort arrivé du côté des allemands qui nous mitraillait à bout portant et pour la troisième fois il a fallu se replier à la route. Alors un peu de calme a eu lieu, ajouter à cela la pluie de toute la journée et un froid très vif.
Tout mouillé j’étais complètement gelé car en plus de cela il a fallu passer la nuit là à faire des tranchées pour être prêt pour le lendemain matin.»
Mercredi 23 septembre : « Vers 3h00 du matin ma jambe dont je souffrais beaucoup s’est gonflée à tel point qu’on a été obligée de me transporter au village tout prés de la route au poste de secours. 8h00 du matin : le major me faisait évacuer avec d’autres blessés sur Toul en automobile. Deux trains de blessés étaient en formation, le premier, direction Béziers, le deuxième où j’ai été placé, direction Lyon. Départ du train de Toul à 5 heures. »
Jeudi 24 septembre : Arrivé à Lyon, Germain Vignals est dirigé sur l’Hôpital municipal des blessés militaires 309 (L’orphelinat de Jeunes Filles , 10 rue d’Auvergne) où vont se succéder soins et convalescence.
Un mois plus tard, le vendredi 23 octobre il quitte Lyon direction le sud .
Samedi 24 octobre : « Arrivé à Cette (Sète) 9h00 sorti en ville pris un café mauvais temps pluie, mer très mauvaise. Arrivé à Béziers 3h00, monté à la caserne après avoir pris un verre, passé la visite exempt de service jusqu’au 31.»
Le 31 octobre, sa permission accordée il prend la direction de Villemur transite par Toulouse et Montauban. Le dimanche 1er novembre à 6 heures il prend le train pour Villemur où il arrive 1 heure plus tard.
Sur le pont enjambant le Tarn, il tombe dans les bras de Reine sa femme, venue à sa rencontre.
Deux jours de bonheur, puis c’est de nouveau le train pour la caserne du 96e à Béziers. Après quelques jours de caserne entrecoupés de visites médicale , il apprend qu’il est apte à partie en renfort du régiment.
Jeudi 12 novembre : « équipés et habillés, visite : apte à faire campagne. »
vendredi 13 novembre : départ de la caserne à 7h, de la gare de Béziers à 9h00. Après être passé par Dijon le 14, Paris le 15, Calais le 16, il arrive le mardi 17 novembre à Dunkerque direction la Belgique pour rejoindre le 96e d’Infanterie.
« Rentré en Belgique à Abele. Partis 1h après pour Ypres. En passant à Pilkem, exténué tombé dans la boue, relevé par un Anglais, allé à l’ambulance à 7h00 du soir, passé la nuit sur la paille, fièvre.»
Mercredi 18 novembre : «passé la visite à 9h00 bronchite aiguë fièvre 39 douleur jambe gauche, évacué pris du lait, à 3h00 parti en automobile pour Poperinghe. Embarqué à 5h00, partis à 7h00.»
Jeudi 19 novembre : «Boulogne-sur-mer, train sanitaire, très secoué, pas mangé, bu quelques peu de lait.»
Vendredi 20 novembre : « Paris Chartres arrêté 3h00. Arrivé à Dreux à 3h00, transporté à l’hôpital en auto “Salle Louvet Julienne”.Sœur ronchonne, dispute en arrivant, couché à 4h00, visite du docteur. Auscultation, ordonne ventouses et potion, endormi ayant bu un peu de lait. »
Pour Germain Vignals vient le temps de la convalescence.
Le 96e régiment d’infanterie paiera un lourd tribut tout au long des 5 mois de l’année 1914. Dans les combats de la bataille de la Woëvre, du 22 au 30 septembre, le 96è perd environ un tiers de son effectif, 1.050 hommes hors de combat, et 125 tués dont Guilhaume Meilhou, disparu au combat de Bernécourt le 25 septembre. Né à Villaudric, marié en 1911 avec Marie Abeilhou il était cultivateur à Magnanac.
Quelques jours plus tard, le 30 septembre, André Jean Fournié, né à Villematier disparait au combat lui aussi à Bernécourt. Ce secteur qui restera sensible tout au long du conflit verra passer d’autres villemuriens, dont Marius Muratet du 81è R.I, fait prisonnier aux environs du bois de Jury le 23 septembre, et Jacques Pendaries du même régiment, blessé à Flirey le 9 octobre. Marius Brusson combattra plus tard dans cette même contrée avec le 257è régiment d’infanterie en janvier 1915. (5)
Ayant subi de lourdes pertes dans les Flandres, le régiment sera relevé par les Anglais le 2 février 1915. Après un repos de quelques jours à Poperinghe, c’est le retour en France. Pour le 96e, le prochain théâtre d’opérations sera la Marne qu’il atteindront à la fin de février.
Quand à Germain Vignals il retrouvera le 96e d’infanterie le 5 février, faisant partie d’un renfort provenant du dépôt de Béziers.
(1) Mort des suites de blessures à l’ambulance 12/1 de Cayeux-en-Santerre (Somme) le 21 janvier 1917
(2) Carnet de route d’Alfred Bienvenu transcrit par sa nièce, Corinne Favarel.
(3) Historique du 15e régiment d’infanterie (1914-1918). Imprimerie F.Cocharaux, Auch, 1920.
JCF / AVH juillet 2019
Sources :
Carnet de route de Joseph Gibert. Archives Jean-Claude François.
Carnet de route de Germain Vignals. Archives familiales Robert et Guy Vignals
Correspondance de guerre de Camille Terrisse. Archives familiales Magali et Mireille Faillères.
Carnet de route d’Alfred Bienvenu transcrit par sa nièce, Corinne Favarel.
Les villemuriens dans la Grande Guerre, Jean-Claude François, Editions AVH, 2014.
Mémoire des Hommes (Journaux de marche des régiments et historiques régimentaires des unités engagés dans la 1e guerre mondiale)