La place de la Résistance

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La place de la Résistance

Place du Faubourg Saint-Jean, place Saint-Jacques, place Saint-Jean, place du Théâtre… Réplique de la place du Souvenir au faubourg Notre-Dame, quelle longue histoire avant de devenir la place de la Résistance.

Un peu d’histoire ancienne.

En 1592, le faubourg Saint-Jean qui s’étire des murs de la ville jusqu’au-delà du cimetière, fut le théâtre des combats où s’affrontèrent les troupes de Scipion de Joyeuse et des protestants, lors de la bataille de Villemur. À cette époque-là, le faubourg était vierge de toute habitation. Dès 1568, faisant suite aux pillages et attaques répétées des protestants montalbanais, les quelques maisons qui occupaient le terrain avaient été détruites volontairement afin de ne susciter aucune convoitise.
Ce n’est qu’à la fin des guerres de religion que progressivement le quartier sera de nouveau reconstruit. Quelques maisons sur le haut de la place, à l’abri des caprices du Tarn, puis quelques autres longeant le ruisseau de Bifranc vont être les premières constructions autour de la future place.

Le couvent des Capucins

couvent capucins

Couvent des Pères Capucins. Junière 1779.

Après une première tentative d’implantation à Villemur au début du XVIIe siècle, les pères Capucins reviennent en 1682, et demandent officiellement leur établissement dans la ville en 1686 après la révocation de l’Edit de Nantes. Ils secondent alors de manière efficace le clergé local suite aux conversions massives au catholicisme. Après bien des péripéties pour trouver un terrain, ils achètent d’abord un lopin de terre en bordure du Tarn, et étendront par la suite leur propriété. 
Le couvent comprend un cloître, une chapelle (Saint-François, consacrée en 1744) un grand  jardin et occupe la majeure partie du vaste quadrilatère délimité par l’actuel quai Scipion de Joyeuse, la place de la Résistance, la rue des Capucins et la rue de la Bataille, l’entrée du couvent se fait par la place. (1)
Mais le temps se couvre bientôt pour les Capucins avec la Révolution de 1789 qui bouleverse l’ordre des choses : après la dissolution des ordres religieux, les Capucins quittent la ville. Ce couvent joue un rôle non négligeable dans la vie de la cité : il héberge le conseil de la ville à maintes reprises vu l’état de ruine dans laquelle se trouve la maison communale . C’est dans le réfectoire du couvent en juillet 1790 que se déroule le repas républicain faisant suite à la fête de la Fédération.
Les bâtiments sont par la suite vendus comme biens nationaux, l’église Saint-François démolie en 1796.

plan juniere

Plan Junière de 1779

La place du faubourg Saint-Jean

Trois côtés de cette place rectangulaire sont occupés par des habitations, le quatrième côté est ouvert sur le Tarn, c’est le début du « quay Saint-Jean » maintes fois ruiné par les crues, et rebâti inlassablement, une rampe y est aménagée permettant l’accès au Tarn et au chemin de halage.
Ce quai Saint-Jean, artère principale très fréquentée, débute en fait à la porte du même nom, avec , d’un côté la rivière, de l’autre le couvent des Capucins, et donne accès au Port-Bas de la ville, au bac permettant d’accéder à la rive gauche, et au cimetière communal tout proche.
C’est aussi bien sûr le chemin d’étapes et la route qui mène à Montauban.

Cette place est appelée Place du faubourg Saint-Jean si l’on se réfère au plan de 1779. En haut de la place deux rues : une part plein nord vers le coteau, c’est la future rue appelée Saint-Jacques. L’autre rue vers l’est rejoint le Valat Batailhé (la rue de la Bataille) : on la nommera rue du Coin des Pères avant de la  baptiser plus tard rue des Capucins.

 

ruelles

à gauche la rue des Etroits, à droite la rue des Bateliers

passage blaise

 » Le passage de Blaise « 

Le faubourg Saint-Jean n’était relié à la ville qu’en deux points : le pont Saint-Jean au sud, et le pont de l’Hôpital au nord. Fin XIXe deux ruelles sont percées, la bien nommée rue des Etroits, (à peine 2 mètres de large) qui, part du haut de la place et un peu plus loin la rue des Bateliers. Ces deux sentiers de l’époque convergeaient vers un point du ruisseau de Bifranc sur lequel on avait jeté quelques planches. On remontait l’autre versant du ruisseau pour aboutir devant la boucherie, plus tard le restaurant Sirié : c’était « le passage de Blaise ».

Enfin, tout comme au faubourg Notre-Dame, se déroulent ici aussi les foires aux bestiaux, on parlera ainsi du foirail Saint-Jean. (2)
Aux alentours de 1850, une quarantaine de familles habitent le faubourg Saint-Jean, entre la rivière et le coteau. Le quartier devient mal famé, quelques marginaux révolutionnaires fréquentent les cabarets et auberges du quartier. ( Mauret, Déjean, Arnal ) Des familles de potiers s’y sont implantées, les Barrié, les Delmas… Plus loin entre le cimetière et le coteau, sont installés les briquetiers (Les familles Balat et Sempé) et de petits artisans, tonneliers, charrons, cordiers, menuisiers. Mais ce n’est qu’à la fin du siècle, avec l’essor de l’usine Brusson, que ce quartier connaîtra une embellie certaine, et que l’habitat s’y développera.

Au début du XXe siècle.

abreuvoir place

L’abreuvoir est visible au fond de la place

Regardez les premières photographies datant du début du XXe siècle, vous reconnaîtrez aisément la place qui a sensiblement la même physionomie qu’aujourd’hui.
Des platanes ont été plantés dans les années 1880, et dans la partie supérieure de la place, un abreuvoir a été aménagé à l’intention notamment des chevaux, mules ou vaches qui à cette époque, occupent bien des granges du quartier.
Parfois le bassin était utilisé de façon inattendue: « Après un orage, on était gosses, on avait fait une extraordinaire pêche de sandres (ou de brèmes). On en avait tellement qu’on les avait mis dans l’abreuvoir. Tout le quartier s’était servi, un parisien nous en avait même acheté. Avec l’argent, on avait acheté du matériel de pêche. » (3)

labouche place st jean

Labouche 1072 Place St-Jean

Toujours en haut de la place, deux commerces : le cordonnier Elie Higounet dont l’enseigne est restée longtemps visible, et faisant angle avec la rue Saint-Jacques, l’épicerie de Joséphine Vincens dite « La Finou », commerce perpétué plus tard par sa petite-fille Yvonne Terral.

La carriole que l’on voit sur la photo ci-contre (Labouche 1072) appartient au rétameur Bertrand Daspet, enfin Antonin Soula, le tailleur tient boutique sur la place.
Dans l’enclos du couvent des Capucins, Jacques Blancal, marchand de vins en gros, héritier d’une lignée de tonneliers, occupe un vaste entrepôt. Son enseigne est parfaitement visible sur les photos de l’époque. Lorsqu’il cesse son activité, au début des années 1900, l’entrepôt se trouve vacant.

Le Théâtre

séances récréatives

Programme des séances récréatives 1911-1913

Les nouveaux locataires ne sont autres qu’un groupe de jeunes villemuriens, élèves de l’école des Frères et amateurs de théâtre qui vont « s’emparer » de cet espace et l’aménager en salle des Fêtes sous la houlette de Théophile Moreau le peintre décorateur de la rue Saint-Michel. Après quelques épisodes rocambolesques, vols et saccage des décors sur fond de guerres intestines semble-t’il entre le frère Prouet directeur de l’Ecole Libre et quelques vicaires de la cure de Villemur, « la salle des fêtes de Saint-Jean » va proposer régulièrement spectacles théâtraux et musicaux.
Ils sont organisés principalement par l’amicale des anciens élèves de l’école libre.
Les vastes locaux Blancal sont bientôt mis en vente, le chai, et les habitations deviennent la propriété du notaire Pongis.

Lorsqu’en 1922, la commune achète l’immeuble Pongis, en vue de la construction d’une salle de spectacle, se pose le cas du locataire qui n’est autre que le docteur Paul Lafont dont le bail court jusqu’en 1924. Après bien des palabres les choses s’arrangent (4) et les travaux débutent sous la direction de l’architecte Joseph Thillet.

inauguration théatre

De gauche à droite : Programme d’inauguration du théâtre, et articles de presse.

 

Le « théâtre municipal » est finalement inauguré le dimanche 19 avril 1925, soirée de gala où l’on joue « Le Chalet » opéra comique d’Adolphe Adam suivi par le grand classique qu’est « Mireille ». Les représentations au profit d’associations, patronages, club sportifs se déroulent en général le dimanche, en alternance avec les séances de cinéma qui a fait son apparition il y a peu de temps.
Trois ans après l’inauguration, c’est justement au cours d’une soirée cinéma que le pire arrive.

 

 

arlette marchal

Arlette Marchal vedette du film  » La châtelaine du Liban »

Dimanche 9 septembre 1928 ; il est 23 h 30, 300 spectateurs assistent à la projection du film muet « La Châtelaine du Liban » tiré du roman de Pierre Benoît. Soudain, le feu ! Il a pris dans la cabine de l’opérateur. On évacue le public, le feu s’étend à la salle. Avec les moyens du bord, à l’aide de seaux on fait la chaîne depuis l’abreuvoir tout proche… Les pompiers de Villemur sont impuissants, ceux de Toulouse arrivent en renfort vers 1 heure du matin, ne peuvent maîtriser l’immense brasier et resteront encore des heures pour noyer les décombres. Par chance, il n’y a pas de victimes, seul l’opérateur brûlé au début du sinistre a été hospitalisé à Toulouse.
Ce n’est qu’au début des années 1950 que le théâtre sera de nouveau ouvert au public.

L’inondation de 1930.

Ce quartier en bordure du Tarn fut entièrement dévasté par la crue, et dans les maisons effondrées du quai seront retrouvées les 6 victimes de cette catastrophe. Toutes les maisons de la place se sont écroulées ou sont fortement endommagées, seuls les immeubles du haut de la place dans le prolongement de la rue des Capucins ont été épargnées. C’est une place toute neuve qui va sortir de terre au milieu des années 1930 lors de la reconstruction du faubourg Saint-Jean..

L’époque contemporaine.

Les allemands à peine partis, le conseil municipal de Villemur se réunit le 17 septembre 1944. Au cours de cette séance le maire Eugène Boudy rend hommage à son prédécesseur Désiré Barbe, et à tous ceux qui ont œuvré à la libération du pays en particulier aux résistants villemuriens et à leur chef Jean-Marie Maurel. Prenant la parole, ce dernier souhaite qu’une rue ou place de la ville prenne le nom de « La Résistance ». Proposition approuvée : « La place du Théâtre » devient « Place de la Résistance ».

fronton de l'entrée du théâtre

Le fronton de l’entrée du théâtre

theatre actuel

Le théâtre, vue actuelle

Après 1945, l’ancien enclos des Capucins va prendre un nouveau visage : le théâtre Théâtre municipal est reconstruit,  et un dispensaire d’Hygiène Sociale  est aménagé. (5) Quelques années après la disparition du Docteur Lafont en 1936, un nouveau médecin vissera sa plaque sur la place, le Docteur Jean-René Bousquet qui y exercera plusieurs décennies. On notera aussi, à la rentrée scolaire 1950, l’ouverture du Cours Complémentaire dont le premier directeur Jacques Vieu est arrivé à Villemur 3 ans auparavant. Avec son épouse, institutrice, il laisseront une trace indélébile dans la vie scolaire de la cité. Neuf ans plus tard, le Cours Complémentaire devenant Collège d’Enseignement Général, est transféré sur les allées Charles de Gaulle. Les locaux vacants seront dédiés par la suite à diverses associations villemuriennes dont les Amis du Villemur Historique depuis quelques années.

croix quai scipion

La croix à l’angle du quai et de la place.

La place de la Résistance ne retrouve sa configuration actuelle qu’avec la démolition de l’abreuvoir en 1952.
Cette place calme et agréable vibre tous les ans au mois de septembre lors des Fêtes de la Saint-Michel. Quelques manèges débordent parfois de la place Saint-Jean voisine :  je me souviens notamment de la célèbre attraction « La chenille » qui prenait ses quartiers.

Il est enfin un petit monument dont nous n’avons pas parlé : la croix située à l’angle de la place et du quai Scipion de Joyeuse.Les archives de la ville nous parlent à diverses reprises des croix plantées « hors des portes de la ville » et en particulier de la croix de la porte Saint-Jean. L’archive la plus ancienne date de 1662, d’autres écrits (1678, 1706) nous rapportent qu’elle a été ébranlée et abîmée par les intempéries.
Alors, est-ce cette même croix que l’on peut voir aujourd’hui ? Peu probable. Est-ce le souvenir d’une mission ? Où bien dans un passé plus récent on a voulu perpétuer la tradition séculaire de la croix de la porte Saint-Jean ? (6) 
Encore un mystère à élucider pour l’auteur de ces lignes…

 

Sources :

Mes remerciements à Mr et Mme Lucien Poulou pour leurs souvenirs, Gaston Sengès et Christian Teysseyre (archives personnelles) et Guy Vignals pour les documents concernant le théâtre.
– Les articles de presse (« L’express du Midi » et « Le Midi Socialiste ») proviennent de Rosalis, la bibliothèque numérique de Toulouse.
– Archives communales, et Etat-Civil de Villemur-sur-Tarn.
– Archives Départementales de la Haute-Garonne.
– Notes sur le faubourg Saint-Jean et souvenirs de Marcel Peyre.
– Archives personnelles de l’auteur.

Notes :

(1) Ils construisent maison et chapelle sur un enclos acheté à Jean Gontaud en 1712 et ils reçoivent du Roi l’autorisation de s’implanter à Villemur par lettres patentes en octobre 1726.
(2) Un poids public identique à celui de la place Notre-Dame sera installé en bordure du quai. IL a été démoli il y a quelques dizaines d’années.
(3) Rapporté par le regretté Jean-Louis Balthazar qui tenait l’histoire de son père, habitant du quartier.
(4) Le Dr Lafont Natif de Saurat dans l’Ariège va émigrer non loin de là quai Scipion de Joyeuse. Il se prénommait Paul . Sur la plaque on pouvait lire : Docteur PLafont ce qui prêtait à sourire (Rapporté par Marcel Peyre)
(5) La décision de la construction du dispensaire a été prise  sous la mandature de Désiré Barbe suite à son entretien avaec le Docteur Izard, directeur régional de la Santé Publique. ( le 21 février 1943)

(6) Avec l’aide des archives de Christian Teysseyre.

JCF / AVH / 04/2018.

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