Les places Lesdiguières et de la Marine.
Ces deux places sont situées dans le quartier Saint-Jean, entre la place du même nom et le bas du Pech.
Il est difficile de les dissocier tant elles sont proches, séparées seulement par l’avenue du Quercy, voila pourquoi elles sont réunies dans un même article.
1. La place Lesdiguières
Faisant encore référence au plan Junière de 1779, nous constatons à la lecture de ce document, que la future place est à cette époque-là, l’extrémité nord de la longue rue de la Boucherie, qui court de la Porte Saint-Jean au bas du Pech.
Sur cette future place, s’élèvent trois maisons adossées à la muraille de la ville, celles de Pierre Lafférière, Guilhaume Servant et Gaspard Azéma.
Occupant le centre de la place, un pâté de 7 habitations.
La parcelle 492 sur le plan ci-contre, correspond au jardin de « Monsieur de Saint-Maurice » dont la maison fait face. (la demeure appartient à la famille De Pouzols de Clairac) (1)
Même configuration sur le plan Girou de 1842, quatre maisons sont adossées à la muraille, et dans leur prolongement apparaît l’abattoir. Ce dernier qui était jusque là situé au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Ville, (!) a enfin déménagé et transféré en lieu et place du lavoir actuel.
L’abattoir n’a pas été construit à cet endroit par hasard : en contrebas coule le ruisseau de Bifranc (2) qui reçoit ainsi déchets et résidus de cet établissement….La construction des nouveaux abattoirs débutera plus tard en 1884, route de Varennes après le cimetière, ils y seront définitivement transférés à l’été 1886.
Dans l’ancien local laissé vacant, deux chambres de sûreté sont aménagées en février 1893, elles serviront d’asile aux passants-indigents des deux sexes. (3) Ces pauvres bougres de passage allaient chercher leur repas à l’ancien hospice, (Les Greniers du Roy aujourd’hui) et passaient ensuite la nuit à l’abri dans cette maison de fortune.
L’asile de nuit restera en service jusque dans les années 1960, occupé pendant très longtemps par une brave femme, « figure du quartier », qui avait carrément élu domicile dans ce bâtiment public. Tout le monde dans le quartier et même au-delà connaissait « Marinotte ».(4)
Collée contre l’asile de nuit, actuellement salle de gymnastique, se trouvait la grange Sicard qui a longtemps abrité, une paire de vaches et un cheval, c’était le temps où les chevaux-vapeurs étaient encore rares en ville !
Un seul commerce sur cette place la boulangerie Auriol, dont l’enseigne subsiste encore sur la façade. L’histoire circula à Villemur de ce personnage simplet qui abordait les passants dans la rue en leur glissant « Cal vota per l’Auriolou ! » (Il faut voter Auriol !) Nous étions alors en pleine campagne électorale pour les élections présidentielles et le député de la Haute-Garonne Vincent Auriol (dont le père était boulanger) fut élu !
Il faut savoir que dans les entrailles de cette maison, pétrin et fours fonctionnent toujours, et que de là, sort le seul pain pétri et cuit à Villemur, vendu à la boulangerie Husson , square des Pupilles de la Nation. Faisant face à la boulangerie Auriol, la rue Curie (ancienne rue Narbusse) permet d’accéder à la rue Saint-Michel et à l’église du même nom.
2. La place de la Marine
Reprenons le plan Girou de 1842 . L’espace devenu aujourd’hui « place de la Marine » est occupé par un pâté de maisons. La rue du Temple traverse par deux angles droits ce « moulon », et aboutit rue Narbusse ( la rue Curie). On l’appellera plus tard la rue des Oules, nom occitan du récipient ou marmite en terre cuite façonnée par les potiers locaux. Autrefois en ce lieu, se tenait dit-on une « foire aux oules »
En 1896, lors d’une visite des quartiers par le maire et quelques adjoints, on note que place des Oules, « la propreté laisse beaucoup à désirer »
Peu après, en 1900, ce quartier est dit en mauvais état, insalubre, la faute en partie due aux abattoirs voisins. Alexandre Gardettes, conseiller municipal interpelle le maire sur la promesse des travaux d’assainissement de ces lieux. Jean-Marie Elie Brusson répond que l’ajournement des travaux est dû aux dépenses engagées au quartier du Pech et au manque de crédits. Mais, poursuit le maire, satisfaction sera donnée incessamment à sa juste demande… Dans ce pâté de maisons, au milieu des années 1920, une grange abritera le troupeau de brebis du chevrier Marcel Poulou.
Il faudra attendre plus de 30 ans pour assister à une refonte totale du quartier.
3 . L’inondation de 1930 et le nouveau plan d’urbanisme
L’inondation de 1875 avait causé quelques dommages dans ce bas-quartier, (notamment la maison d’Henry Bosc) les eaux du Tarn remontant par le ruisseau de Bifranc .
Par contre, la crue catastrophique du 3 mars 1930 va faire d’énormes dégâts dans ce secteur. Après déblaiement des décombres et avant la reconstruction, un nouveau plan d’urbanisme est alors mis en œuvre par la municipalité de Charles Ourgaut.
Ce plan va bouleverser profondément la physionomie du quartier.
Il est décidé de prolonger la rue Henri de Navarre vers Saint-Jean la voie nouvelle ainsi ouverte permettant de désenclaver, d’assainir et d’aérer tout ce quartier en démolissant les pâtés de maisons des futures places Lesdiguières et de la Marine.
Ces travaux gigantesques, démolition et reconstruction vont courir sur les années 1930-36.
À l’issue des travaux, les deux places vont prennent l’aspect actuel, plus tard arborées et dotées de bancs. L’asile de nuit est reconstruit, c’est l’architecte départemental Félix Thillet qui est chargé du plan. (1935/36)
La place Lesdiguières est baptisée du nom de l’ancien vicomte François de Bonnes duc de Lesdiguières par décision du conseil municipal du 18 juin 1939.
La décision d’appeler la nouvelle voie ouverte « avenue du Quercy » sera prise à la même date.
L’aménagement du boulevard de Bifranc va permettre la construction d’un grand lavoir en béton gris à côté de l’asile de nuit. (5) Autres temps, autres mœurs : les lavandières délaissent les bords du Tarn pour laver leur linge » au bassin » comme elles disent, mais bientôt l’avènement de la machine à laver sonnera le glas du vieux lavoir ! Ce bâtiment disgracieux sera démoli en 1991, laissant place à un parking, et un nouveau lavoir aux dimensions modestes sera aménagé en lieu et place de l’asile de nuit.
Ce quartier était le seul, à notre connaissance à posséder un lavoir et ce, de longue date.(6) En effet, une délibération du 5 février 1860 indique que Monsieur le Maire est invité à effectuer une réparation au ruisseau de l’Hôpital, attendu qu’un lavoir se trouve dans ce ruisseau et qui est d’une grande utilité pour les habitants de ce faubourg. (7) Ce lavoir devait se situer entre le pont dit de l’hôpital et les abattoirs.
Outre « Marinotte » déjà citée, un autre personnage avait pignon sur rue place de la Marine, le mécano René Pendaries. En passant devant son atelier, il était fréquent, de le voir bricoler ses machines, les mains maculées de cambouis, ou d’entendre pétarader une de ses motos !
En 1954, dans un angle de la place, la municipalité achète l’immeuble du mécanicien Constans afin de doter la ville d’une caserne pour le corps des Sapeurs Pompiers de Villemur. Le bâtiment a subi bien des aménagements, avec en particulier une sortie rue Saint-Michel, mais 65 ans plus tard … les soldats du feu sont toujours place de la Marine !
Une nouvelle caserne est toutefois annoncée prochainement à Pechnauquié, projet porté par le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS).
JCF / AVH mars 2018
Merci à Pierrot Sicard, Huguette Catto , Mme et Mr Lucien Poulou, pour leurs souvenirs, Véronique Gayraud (photos du lavoir) et Pierre Villa (Publicité Auriol) pour leur contribution photographique.
Sources :
Registres des délibérations du conseil municipal, 1D 21 (1847-1860 p. 286/299) , 1D 23 ( 1875-1884, p. 54/188), 1D 24 (1884-1906, p. 92 et 163/234)
« L’inondation du 3 mars 1930 à Villemur-sur-Tarn et ses environs » Editions AVH, 2010.
(1) Sur cette parcelle prendra place bien plus tard la maison du bourrelier Lacoste, puis le local commercial de Monsieur Astruc, premier centre Leclerc.
(2) Appelé également ruisseau Saint-Jean ou ruisseau de l’Hôpital.
(3) Etablissement ou local où les sans-abris sont recueillis et peuvent passer quelques nuits. En France leur ouverture date environ des années 1880.
(4) Marie-Louise Gay, décédée à Toulouse en 1989.
(5) Un bâtiment identique fut construit en face de la gendarmerie actuelle, servant de dépôt du matériel municipal.
(6) Un autre lavoir plus modeste, sera construit,après les inondations, vers 1933, avenue de la Gare entre celle-ci et l’avenue de Toulouse.
(7) Cité par Ch.Teysseyre, Addenda à la Nouvelle Histoire de Villemur.