L’année 1917 . Centenaire de la Grande Guerre

Commentaires fermés sur L’année 1917 . Centenaire de la Grande Guerre Villemur dans la guerre 1914-1918

1917- 2017

Le 11 novembre,  journée du souvenir, est l’occasion d’évoquer l’année 1917 à travers quelques correspondances de soldats et civils villemuriens. L’opportunité également de rendre hommage à ceux qui ont disparu en cette année funeste de la guerre 1914-1918 .

L’année 1917 est un tournant de ce conflit mondial avec, en particulier, l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne. C’est aussi l’année des dernières grandes batailles aussi meurtrières qu’inutiles. L’échec de l’offensive Nivelle sur le Chemin des Dames au printemps provoque des mutineries au sein de l’armée française, et une révision de la stratégie militaire alliée. L’Armée britannique échoue de même en Flandres, tandis qu’à l’est, les Italiens subissent une lourde défaite lors de la bataille de Caporetto.
Sur le front occidental, l’Allemagne, débarrassée de la Russie à l’Est, joue son va-tout pour arracher la victoire avant l’arrivée des renforts américains dans la bataille. Vingt neuf mois de guerre sans résultat et des millions de morts, les populations sont lasses de ce conflit dont on ignore l’issue.

Villemur en 1917

Depuis le 2 août 1914, Villemur comme toutes les communes de France vit au rythme de la guerre. Elle a vu partir ses enfants vers le front en espérant un retour rapide. Tout aussi rapides les mauvaises nouvelles sont arrivées dès la fin août : les premiers morts, les premiers disparus les premiers prisonniers.
Les jours, les semaines, puis les mois passent. On doit se résoudre à l’attente des nouvelles, on vit dans l’anxiété permanente. Une nouvelle vie commence sans les hommes. Même les anciens sont rappelés. Même certains sursitaires ou ajournés en 1914 ! Le quotidien est chamboulé, les restrictions se font jour, heureusement, l’entraide existe dans les bons et hélas les mauvais moments.

aucune nouvelle particulière...

Réponse du 96è RI : aucune nouvelle particulière…

Rendez-vous compte, ces chiffres sont éloquents : lorsque pointe l’année 1917, déjà cinquante-trois hommes manquent à l’appel, tombés sur les champs de bataille de Lorraine, de Belgique, de l’Artois, de Verdun, de la Somme. Trente autres sont « portés disparus », dont on est sans nouvelles depuis des mois, voire parfois, des années. « Aucune nouvelle particulière n’est parvenue au corps » répond laconiquement le régiment à la demande de la famille qui s’inquiète.
Voila 1917 qui s’annonce. Avec son lot de craintes mais aussi d’espoirs. Ce sera pour cette année la fin de ce cauchemar, il faut y croire !

 

soldats deux

De g à dr : C. Terrisse, G. Vignals, J. Gibert, A. Vignals, J. Vacquié, L. Gibert, R Majorel.

Parcours de soldats

fille morte

L’Argonne, secteur de la Fille Morte

Dimanche 31 décembre 1916, secteur de la Fille Morte en Argonne. Coup de chaud en 1ère ligne.
Camille Terrisse
relate l’événement à Emile Alzonne son oncle : « Figures-toi que je me suis trouvé en ligne dans un moment assez critique…. Le petit coin du secteur que j’occupais a eu des pertes. Un sergent de mes camarades a été tué ainsi qu’un soldat de ma section… Mon fusil même est resté sur le carreau, le fût a été brisé sur 5 ou 6 points ainsi que la boîte de culasse. Personnellement je n’ai rien eu, mais comme tu le vois, je l’ai échappé belle et peu s’en est fallu que je finisse de vivre le même temps que l’année 1916. Ce n’était pas encore mon heure. »

Camille a 29 ans, réserviste, il est au front depuis le début août 1914. Il a connu avec le 281e RI les premiers combats d’Alsace puis la bataille d’Artois à Vermelles. Blessé par un éclat d’obus à Neuville-St-Vaast, il est rapatrié à l’arrière. Deux mois plus tard, versé au 143e RI il remonte au front près de Soissons puis ce sera l’enfer de Verdun, et enfin l’Argonne. Depuis vingt-sept mois sur le front ! Plus de deux ans de souffrances, d’horreurs, de peurs …

hopital clermont

1915 : hôpital de Clermont, Germain Vignals à l’extrême droite, le bras en écharpe

Germain Vignals à le même âge que Terrisse, classe 1907. Mobilisé au 96è RI de Béziers, il a participé dès août 1914 à la campagne de Lorraine Le 22 septembre il est blessé à Bernécourt dans les combats des bois de Jury et de la Hazelle là-même où Guillaume Meilhou (Le frère de Jean, tonnelier de la place Notre-Dame) trouvera la mort trois jours plus tard. Le 10 mars 1915, près de Beauséjour dans la Marne une balle lui brise l’humérus. Après des mois de soins et de rééducation à Béziers il est déclaré inapte pour remonter au front et versé dans le service auxiliaire. Voila pourquoi en ce début 1917 il est affecté à la surveillance du barrage de Verdalle dans l’Aveyron. « Après l’enfer tu dois te croire au paradis » lui écrit son beau-père. Sa jeune épouse ajoute : « Que 1917 nous apporte la victoire, et surtout le retour au foyer de ceux que nous aimons…cette séparation est bien dure. »

 

 

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Une vue du camp de Stralkowo

À plus de 1000 kilomètres de la France, le camp de prisonniers de Stralkowo près de Poznan en Pologne. Parmi les 25000 détenus, et les 2000 français, un villemurien, Joseph Gibert. Sergent au 15è RI d’Albi, qui aurait dû être libéré du service militaire en octobre 1914. Manque de chance …
Le 7 août, il quitte Albi avec son régiment, terminus Mirecourt dans les Vosges. Le 20 août le 16e corps d’Armées se fait massacrer dans la forêt de Fénétrange, puis c’est la bataille de Rozélieures :  « Nous sommes dans les tranchées à 800 mètres de l’ennemi et sitôt qu’on lève le nez Pan ! On reçoit des coups de feu. Le plus terrible c’est les obus. On les entend siffler par-dessus la tête et on croirait que c’est un train qui passe très près de nous. Puis c’est l’explosion et une pluie d’éclats, un trou suffisant pour enterrer un cheval, des arbres arrachés ou coupés puis on passe au suivant. »
Près de trois mois plus tard, il est fait prisonnier à Kortekeer près d’Ypres. Il a 23 ans, un long exil commence.
En ce début 1917 la situation dans le camp est difficile, la nourriture fait défaut, et dans les lettres à ses parents les demandes de Joseph sont nombreuses, sucre, graisse, huile, vinaigre, mais aussi savon tabac, papier à cigarettes.

carte vux

Carte des voeux de 1917 d’Antonin Vignals

A l’opposé de ces soldats chevronnés voilà les « bleuets » qui n’ont pas encore tiré un coup de fusil si ce n’est à blanc. Prenez Antonin Vignals de la classe 1917, il y a quelques mois, lorsqu’il faisait ses classes à Mende au 142è RI, il racontait : « Le fusil et la baïonnette n’ont pas bon temps, nous faisons des attaques à coup de boules de neige, tous les chefs en tête…nous faisons des tranchées comme les vrais poilus, on passe le temps quoi ! »
En ce début 1917, il rentre de permission à Villemur, et transite par Paris le jour de l’An. Il envoie une carte de vœux aux siens, en route vers sa nouvelle unité. Fin mars, alors qu’il est affecté au 60è RI près de Reims, ce n’est plus la même chanson : « voila déjà six jours que je suis aux tranchées de première ligne et ce n’est pas trop le rêve, les obus qui éclatent à gauche et à droite, ça fait un pétard formidable. Maintenant on commence à s’habituer, mais les premiers jours on avait un peu la pétoche.»

appel classe dix huit

Appel de la classe 1918

Entre le 12 et le 15 avril c’est au tour de la classe 1918 a être désormais appelée sous les drapeaux. Jean Vacquié, « le Fabou » n’a pas attendu cette date, il est « engagé volontaire depuis la fin décembre 1916. Pas encore affecté, début mars, il est à La Rochelle et écrit à son copain Léon Gibert : « Me voilà passé cantonnier, je casse des cailloux pour faire une route pour le passage des chevaux » Fin mai, il va être classé dans l’artillerie, au 118e régiment d’artillerie lourde.
Quand à Léon Gibert il arrive à Agen pour faire ses classes le 23 mai 1917. Il vient d’être affecté au 117e régiment d’artillerie lourde où il retrouve Raoul Hernandez et Joseph Muret. Deux autres villemuriens sont aussi à Agen, Raymond Béringuier au 9e de ligne et Albert Gay « le Callor » au 18è d’Artillerie.

Si Albert  va fêter ses 19 ans en juin1917, son père Antoine Gay va sur ses 46 ans. Rappelé en août 1914, il a été déclaré inapte en septembre 1916, mais deux mois plus tard, il est déclaré bon pour le service à la 17e Légion de Gendarmerie. Direction Seintein en Ariège, posté à la surveillance de la frontière espagnole. Il fait partie de ceux que l’on appelle familièrement « les pépères » que l’on n’envoie pas en première ligne,  que l’on assigne à des tâches subalternes mais ô combien précieuses. Nombreux seront ceux qui effectueront un an de service à la garde des ponts, des routes, des voies ferrées (service de la Garde des Voies de Communication) ou bien des aérodromes. En ce qui concerne les villemuriens, ils continueront ensuite à servir en tant qu’auxiliaires dans l’agriculture, à l’usine Brusson, à la Poudrerie Nationale de Toulouse ou à la scierie Sabatié qui, rappelons-le fabrique des caisses pour les munitions à l’usage de l’armée.
Théophile Moreau, peintre-encadreur a 48 ans lorsqu’il part direction Marseille, au 115e régiment d’infanterie Territoriale, à la garde des prisonniers allemands travaillant dans diverses entreprises phocéennes. Il convoiera également des soldats vers des bataillons disciplinaires en Algérie et sera démobilisé en juillet 1917.

poilus territoriaux

De g à dr : Jean Sicard, Théophile Moreau, Eugène Laffite, Emile Alzonne, François Gay, Lucien Castella, Louis Galan, Jean Roumagnac.

Louis Maury, Victor Mathieu, Jean Bousquet dit « Toinasse », Eugène Laffite « le Fitou »Jean Malpel, Lucien Castella, Jean Sicard, Louis Galan, François Gay, Emile Alzonne …et des dizaines d’autres villemuriens appartiendront à ces régiments de territoriaux.
Leurs missions les amènent parfois à proximité des premières lignes mettant leur vie en danger. Tel est le cas de Jean Roumagnac, 44 ans, cultivateur de Sayrac et soldat du 133e régiment d’infanterie territoriale. Mobilisé depuis août 1914, après un bref passage à Marseille, il vient de passer 30 mois en Alsace, et le voici maintenant à la fin de mars 1917 dans la Meuse, au sud de Verdun, dans le secteur des Eparges. Sa femme Marie s’inquiète. Un camarade de Jean lui a rapporté que le secteur était truffé de mines. Jean répond : «Il aurait fallu lui demander où il les avait vues, il se trompe bien, car nous sommes en plaine et au moins à 3 kilomètres des boches. » Et rajoute, afin de la rassurer : « C’est le meilleur secteur que nous avons trouvé depuis le début. »
Le 4 mai, les hommes du 133è sont à l’œuvre sur la côte des Hures près de Bonzée. Un obus tombe. Jean Roumagnac est mortellement touché par un éclat.

La grève chez Brusson

plieuses

Les plieuses furent à l’origine de la grève (Brusson,  Revue Générale Illustrée 01.1900)

Dans ces premiers mois de 1917, la situation militaire piétine, le moral est en baisse dans la population, le nombre des mobilisés augmente, le nombre des tués, éclopés prisonniers aussi. Les restrictions alimentaires font partie du quotidien tels le manque de sucre et de pain. A Villemur bien des familles sont mécontentes car les permissions agricoles sont attribuées à tort et à travers, certains y voient du favoritisme, des rancœurs naissent.
Plus grave encore,  la contestation gagne l’usine Brusson. Les faits sont rapportés par Rémy Cazals dans le chapitre « Lettres du temps de guerre » du magnifique ouvrage « La chanson des blés durs » (1)
Le document consiste en une lettre du 27 mars 1917 adressée par Gabrielle Brusson épouse d’Antonin le patron, à son fils André, alors sous les drapeaux. Elle commence ainsi : « Cela me fait penser qu’il faut que je te parle de la mutinerie des ouvrières…Elles ont passé la toute semaine chez elles, essayant de comploter et d’amener la grève générale, ce à quoi elles n’ont pas réussi… » Lettre partiale comme le dit Rémy Cazals et qui donne le beau rôle au patron qui, d’après Gabrielle, n’a pas cédé aux revendications.
Un autre éclairage nous est donné, dans la découverte récente d’un courrier adressé par l’épouse d’un soldat qui lui  envoie « des nouvelles de la ville ». Quel est l’objet du litige ? L’augmentation du salaire bien sûr. Mais le fond du problème, est qu’Antonin Brusson emploie épisodiquement dans son usine, des ouvrières de Bessières qu’il fait venir par le train. Ces ouvrières sont mieux payées que les villemuriennes qui voient cette situation d’un mauvais œil. Le climat est en plus délétère, puisque les unes narguent les autres. Le maire Charles Ourgaut appelé à la rescousse va jouer le médiateur auprès d’Antonin Brusson et après d’infinies palabres, ce dernier va céder, accordant aux villemuriennes un salaire de 45 sous par jour.
Le lundi 26 mars les ouvrières reprennent leur travail.
Cette lettre d’Adélaïde Moreau à son mari est en contradiction totale avec les propos de Gabrielle Brusson, et nous serions plutôt enclins à pencher pour sa version.

Cet épisode fera l’objet ultérieurement d’un article à part entière.

Le Chemin des Dames

chemin des dames

Le Chemin des Dames déblayé après les combats.

En ce début 1917 au sortir des batailles sanglantes de la Somme et de Verdun, les lignes de front ont peu bougé. La prolongation de la guerre et l’absence de résultat militaire décisif engendrent dans les deux camps des crises morale, sociale et politique. Le général Nivelle, successeur à la tête de l’armée française du général Joffre écarté, veut reprendre l’offensive.
Malgré les réticences de quelques responsables politiques et militaires, il impose son projet d’attaque entre Soissons et Reims, sur les monts parcourus par le Chemin des Dames. Les allemands quand à eux se sont repliés sur la double ligne Hindenbourg qu’ils ont eu  le temps, de fortifier.
54 divisions, soutenues par plus de 5300 canons, 1930 pièces lourdes et 128 chars, engagés pour la première fois, doivent attaquer cette ligne fortifiée.
La préparation d’artillerie débute le 2 avril 1917. Le 9 avril, les Britanniques s’emparent d’Arras et les Canadiens prennent la crête de Vimy.

Le 16 avril, les Français attaquent à leur tour. Mais les Allemands ont eu connaissance de leur plan. Malgré les bombardements, l’offensive est un échec total : les Français se trouvent face à des nids de mitrailleuses intacts, les chars ne peuvent progresser.
Pour cette première journée, les pertes sont très lourdes: près de 20.000 morts. Nivelle insiste et relance ses attaques, mais son autorité s’effondre. Des parlementaires et Paul Painlevé, ministre de la guerre, réclament l’arrêt des opérations. Les armées françaises enlèvent le moulin de Laffaux, le plateau de Craonne, s’engagent sur les monts de Champagne et peuvent s’arrêter sur des positions moins exposées.
Mais, du 16 avril au début de mai, elles ont perdu 147.000 hommes, dont 40.000 morts. (2)

de naurois jean

Jean Jacobé de Naurois

pont de tonneaux

Pont de tonneaux sur l’Aisne pour l’assaut du mont-Sapin 16/4/1917 (A.D. Aisne

Les villemuriens vont payer un lourd tribut dans cette affaire, dès le 16 avril. Le premier jour de l’attaque, le 355e régiment d’infanterie, qui fait partie de l’armée Mangin, monte à l’assaut du mont Sapin dont les hauteurs sont contrôlées par les allemands depuis 1914.
A la tête du 4è bataillon, le capitaine Jean de Naurois. Dans l’après-midi il est gravement blessé par l’explosion d’un obus incendiaire. Il est pris en charge par les brancardiers qui traversent l’Aisne sur des passerelles, le dirigent sur l’ambulance 4/6 de la ferme de la Montagne où il décède peu après. Bien que né à Paris, ce brillant saint-cyrien avait passé une partie de son enfance dans Le château familial de Saint-Maurice à Magnanac. Il était le plus gradé de tous les soldats villemuriens.

 

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Calvaire du Choléra marquant l’emplacement de la ferme du même nom.

Toujours le 16 avril, à 25 kilomètres à l’est, se déroule le combat de Berry-au-Bac. L’attaque débute à 6h00 après 5 jours de bombardement.
Le sol est marécageux. Il tombe une pluie fine. Les réseaux de barbelés allemands sont sérieusement entamés mais de nombreux ouvrages fortifiés sont intacts. La 69e DI atteint rapidement la ferme du Choléra et progresse vers la ferme de Mauchamp. Dans cette attaque, les chars Schneider, seront utilisés pour la première fois au combat par l’armée française.

pierre omer maux

Pierre Omer Maux

Le 18 avril lors de la contre-attaque allemande, un obus tombe sur une fraction de la 5è compagnie, fauchant en même temps Pierre-Omer Maux et Jean Chédé. À la lecture de leur acte de décès, établi deux mois plus tard à Dampierre dans l’Aube où le 162è R.I est au repos, on apprend que nos deux villemuriens sont morts à la même heure, 16 heures, peut-être frappés par le même obus, l’un à côté de l’autre, comme deux frères. Pierre Maux, mécanicien, habitait au Pech, était célibataire. Jean Chédé, marié en 1910, habitait rue Saint-Jean et travaillait comme imprimeur chez Brusson Jeune.
D’autres villemuriens seront victimes de cette attaque du 16 avril : Jacques Chalanda (150e RI)  blessé à Craonne,  Marius Gay et Henri Fontès tous deux du 24è R.I.C,  seront fait prisonniers à Laffaux. Le Chemin des Dames fera encore d’autres victimes : Pierre Navech (249e RI) blessé à Craonne le 2 juin, et Jean Roucolle (7e B.C.A) tué à Cormicy le 19 juin et plus tard encore Marius Chaubard natif des Filhols, tué à La Royère le 23 octobre.

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Le soldat Etienne Fauré

Toujours au mois d’avril, on apprend le décès d’Etienne Fauré des Gendrous. Avec le 33è R.I il se trouvait dans le secteur de Craonnelle. Le 13 avril il est évacué, malade,  vers l’arrière. Une semaine plus tard il décède à l’hôpital d’évacuation d’Estrées Saint-Denis dans l’Oise. Ce garçon courageux qui avait perdu son frère en 1915 à Massiges, avait reçu la médaille militaire le 10 octobre 1916.

Le 30 juin Cyprien Belmontet caporal au 68e R.I écrit à Raoul Majorel : « Tu m’envoie une photo qui me rappelle de bons moments qui ne sont plus de cette époque. Là on était tranquilles, espérons qu’on y reviendra d’ici quelques années…Nous attendons notre départ pour les lignes, secteur d’Hurtebise, monument Caverne du Dragon, ce n’est pas bien fameux par là, ça ne fait rien, on en a vu d’autres… »

 

 

L’été 1917

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La tombe de l’artilleur Pierre Gibert

Voila l’été qui pointe avec, inévitablement, des mauvaises nouvelles. Le 14 juillet Adélaïde Moreau raconte à son mari : « Nous avons encore un mort au champ d’honneur de plus, c’est Gibertou, Dansaloumbro, il parait qu’il était dans l’abri, un obus a tout écrabouillé, il allait venir en permission, on l’attendait tous les jours, pauvres hommes, il n’en restera plus bientôt aucun. »
Gibertou dansaloumbro, (c’est son sobriquet) c’est Pierre Gibert, artilleur au 257e R.A.C de Toulouse, engagé dans la bataille au sud du Mont Cornillet dans la Marne, mort à Thuisy au cours d’un bombardement. Son corps sera rapatrié après guerre et il sera inhumé au cimetière de Villemur dans le carré réservé aux militaires. En 2014, c’était la dernière tombe qui subsistait, dans un triste état. Cette année-là, « Les Amis du Villemur Historique » ont pris l’initiative de restaurer sa sépulture, et d’y apposer une plaque afin de perpétuer sa mémoire.

tracteur révolutionne l'agriculture

Le tracteur révolutionne l’agriculture

Les distractions sont rares. Dimanche 23 juillet. Voila un événement à ne pas manquer : « Nous avons eu une séance de motoculture, cela se passait à Calar, c’était trois gros tracteurs qui raclait d’abord, et qui labourait ensuite, et il y avait pas mal de monde, surtout les gros propriétaires des alentours, ces machines appartenaient à Mr Brusson et Mr de Naurois ; C’était intéressant, cela se passait à 3 heure de l’après-midi. Tu peux croire qu’il en faisait une chaleur ! Du reste voila bientôt 15 jours qu’ il fait tellement chaud que tout sèche. » (3)
Villemur est écrasé par la chaleur, mais par chance il y a le Tarn rafraîchissant. Adélaïde accompagnée de Maria et Marie-Louise Bécade et Louise Majorel, ses voisines et amies de la rue Saint-Michel, décident d’aller faire un tour sur l’ île (4) : « Nous avons embauché Lucien (Dussel) pour nous traverser, il mène bien la yole…il nous a laissé à la pointe de l’île, nous étions très bien, il était 5h ½ ,heure à laquelle où il n’y a pas de nageurs… » Après avoir fait trempette, il est l’heure de déballer le panier à provisions « une boite de pâté de l’Epargne, des sardines à l’huile, comme fruits des amandes noisettes et figues… Une bonne soirée passée dans le calme ; après avoir plié la table on nous a traversé de nouveau et cette fois c’était le petit Dijeaux (Eugène), Lucien était allé dîner, nous nous sommes promises d’y revenir un de ces soirs. »

médailles de guerre de jean vincens

Médailles de guerre de Jean Vincens

Le repas plutôt léger d’Adélaïde Moreau et ses amies nous rappelle les restrictions qui sont de mise à cette époque. Le commerce bat de l’aile, même la foire annuelle d’avril a attiré peu de forains et de clients. Les vols et rapines s’accélèrent dans les jardins et les champs des alentours. Pour preuve,  au mois de septembre, la mairie a été saisie de plaintes pour déprédations dans les cultures faute à l’insuffisance de surveillance.

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Versement Or à la Banque de France

A cet effet, un second garde-champêtre est nommé en la personne de Jean Vincens ancien maçon et mutilé de guerre, gravement blessé à Souchez dans le Pas-de-Calais en 1915.

L’Etat lui-même est au bord de l’asphyxie et encourage les particuliers a verser de l’argent pour la défense nationale.

 

 

Parcours de soldats (suite)

Ces soldats dont nous avons parlé au début de cet article, que sont-ils devenus ? Nous les avions laissés dans les premiers jours pour certains, dans les premiers mois pour d’autres de cette année 1917.
Camille Terrisse a quitté l’Argonne fin janvier, son régiment est appelé en renfort plus à l’est. Le 28 janvier il est gravement blessé à la main droite sur les pentes de la côte 304 : « Heureusement que le boche qui m’avait ajusté m’a manqué le corps, sans cela je sècherais sur leurs fils de fer… » raconte t’il.

necropole esnes

La Nécropole Nationale d’Esnes

caporal soulie

Le caporal Louis Soulié

Après sa convalescence, direction le dépôt du 143e à Carcassonne où il finira la guerre comme instructeur.
Ce secteur de la côte 304 sera fatal quelques mois plus tard à Joseph Jacques 21 ans dont le corps repose à la nécropole d’Esnes toute proche du lieu des combats pour la côte 304. Sur la rive droite de la Meuse, la région de Verdun continue à faire des victimes. C’est dans le secteur de Louvemont, la côte du Poivre, que Julien Courdié avait eu les pieds gelés fin 1916, c’est là qu’est blessé Joseph Duran (12e RI) en juin, c’est encore là que le caporal Louis Soulié du 287e RI perd la vie le 20 août au nord des carrières d’Haudromont, dans l’attaque du ravin de Platelle.

 

Germain Vignals n’est plus dans l’Aveyron, il a quitté l’armée active mais il est maintenu dans le service auxiliaire à Toulouse affecté à la Poudrerie Nationale « J’ai un bon boulot à la Poudrerie, je mène une machine, la formeuse, celle qui taille les sabots ».

correspondance du camp de giessen

Correspondance du camp de Giessen

Son frère Antonin a été fait prisonnier le 15 avril à Berméricourt dans la Marne. C’est Antonin lui-même qui va rassurer sa famille en écrivant du camp de Giessen en Allemagne : « Je suis prisonnier depuis le 16 avril, et j’ai été blessé mais tranquillises-toi, ma blessure est assez légère et commence à être guérie. » Il va bientôt travailler dans un ferme, participer aux travaux des champs et ne semble pas trop malheureux. Il est désormais le matricule 94256 et ne sera rapatrié en France que le 7 décembre 1918.

Joseph Gibert est toujours prisonnier à Stralkowo avec ses copains Azaïs le toulousain et Crouzet le montalbanais. Fin décembre, arrive au camp Henri Fontès des Auriols, fait prisonnier au Chemin des Dames.
A la fin décembre, Léon Gibert et les jeunes recrues du 117e d’artillerie lourde ont quitté Agen, direction Sézanne dans la Marne pour terminer leur instruction d’artilleurs. Le camp est fréquemment survolé par l’aviation allemande, les alertes se succèdent. Léon se moque : « Ils ont fait le camp à 200 mètres de la gare, ils ont un joli point de repère, c’est l’intelligence française ! »

courrier gardettes

Courrier de Paul Gardettes à Th.Moreau

Et nos « pépères » ? Théophile Moreau est rentré de Marseille. Définitivement. Il reprend crayons équerres et pinceaux, son métier de peintre-encadreur l’attend, il faut se remettre à l’ouvrage. A peine rentré, il reçoit une lettre de Paul Gardettes : « Je voulais te remettre jeudi dernier la liste de ce qu’il y avait à faire de plus pressant à « Maison Rouge »,( sa résidence villemurienne, aux portes de la ville, dans la côte du Born) le temps m’a fait défaut pour passer chez toi… » Paul Gardettes est très occupé, il a quitté l’usine Brusson en 1911 pour fonder à Montauban, sa propre entreprise « Les Etablissements du Sud-Ouest » où il commercialise…des pâtes alimentaires ! La guerre l’a épargné. Après un bref passage dans l’escadron du train il a été détaché pour le service auxiliaire…dans son entreprise montalbanaise.

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Mazeres-Barran Hôpital Complémentaire n°36

Antoine Gay « le Callor » par contre, est toujours assigné à la surveillance de la frontière espagnole dans les Pyrénées ariégeoises du côté de Seintein. Quand a son fils Albert, il raconte à Moreau qu’une mauvaise bronchite l’a envoyé d’abord à l’hôpital de Nérac, puis à celui d’Agen : « J’étais bien content, je croyais avoir une convalescence, mais voila qu’une nuit j’ai craché du sang ; alors vous dire l’effet que cela m’a produit, je me suis vu mort, cela m’a bouleversé la poitrine, alors ils m’ont envoyé à l’hôpital de Mazères comme tuberculeux… » Du château de Mazères, Hôpital Complémentaire n°36 à Barran dans le Gers, il sera transféré à Pau puis réformé le 28 mars 1918 pour bronchite pulmonaire et état général médiocre. Quatre mois plus tard il décédera à Bouloc au domicile de ses grands-parents maternels.

La fin de l’année approche, il fait froid partout. Jules Majorel avec le 201e RI est en cantonnement au sud de l’Oise après s’être battu en Belgique : « Depuis quelques jours nous avons la neige et elle tombe comme jamais je n’avais vu cela ! Il y en a 30 cm »
Même sale temps pour Jean Gay du 205e R.I, plus à l’est entre Soissons et Reims : « Cette nuit nous avons pris les 3e lignes de notre ancien secteur, il neige toujours, et fait très froid. »

Dans tous les vœux  échangés dans cette fin d’année, chacun souhaite la fin de ce cauchemar qui dure depuis deux ans et demi. Certains prisonniers sont bien rentrés comme Marius Maux ou Germain Sajus… Alors pourquoi pas les nôtres !
Joseph Gibert, tout en souhaitant ses vœux à la famille, aux parents, amis, et voisins dit ceci : « L’année 1918 verra beaucoup d’événements. Seront t’ils définitifs ? Je ne le crois pas, tout en le souhaitant de tout mon cœur. Résignons nous et attendons avec patience le bonheur d’être de nouveau réunis. »
On va encore attendre de longs mois avant la délivrance, mais d’ici là, combien d’espoirs déçus, de deuils et de chagrins à venir…

JCF-AVH 11/2017

Pour approfondir certains épisodes relatés ci-dessus vous pouvez vous référer  au livre :
« Les villemuriens dans la Grande Guerre » Jean-Claude François / AVH, septembre 2014, → voir l’onglet Publications
Merci infiniment à Guy Vignals pour m’avoir confié des documents familiaux inédits et essentiels pour mieux comprendre certains épisodes de cette histoire lointaine.

 

(1)  » La chanson des blés durs  » Brusson Jeune 1872-1972. Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement de la Haute-Garonne. Editions Loubatières, Toulouse. Imp. Fournié, 1993. (Voir dans l’onglet : Publications →Livres et brochures AVH→Publications diverses sur Villemur-sur-Tarn)
(2) Chemins de Mémoire.http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/1917-lannee-incertaine
(3) Cet épisode est rapporté par Rémy Cazals dans  » La chanson des blés durs  » Brusson Jeune 1872-1972, page 75.
(4) Il s’agit de l’île Méjane située au milieu du Tarn à hauteur du quartier Saint-Jean, et que les crues successives ont fait disparaître.

 

 

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