1915 : le 281e Régiment d’Infanterie en Artois (3)

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1915 :

le 281e Régiment d’Infanterie en Artois (3)

 

Le 281e après avoir quitté Vermelles est au repos à Beugin. (voir carte 9)  Repos de courte durée, trois jours plus tard le régiment remonte au front près d’Aix-Noulette…

le plateau de lorette

1. Le plateau de Lorette

« Encore tout meurtri des journées de mai, le régiment jeté dans une nouvelle fournaise va devoir fournir un gros effort. De durs combats se livrent sur les pentes du plateau de Lorette, à Fond-de-Buval en particulier, l’acharnement des deux adversaires est poussé à l’extrême. Le régiment y trouve l’occasion de montrer une fois de plus sa bravoure et sa ténacité.
Et d’abord, quel était l’aspect de ce plateau. Véritable désert créé par des luttes gigantesques où quelques troncs déchiquetés attestent que cette région fut boisée.
Les tranchées et boyaux n’existent plus; la terre bouleversée glisse; c’est à découvert que l’on arrive aux tranchées de première ligne. Là le spectacle est terrifiant. Les obus de gros calibre tombent de toutes parts et sans interruption sur nos lignes et ensevelissent des postes entiers dans cette terre mouvante…Des cadavres boches déchiquetés par les éclats, pourrissent à l’air libre dégagent des odeurs insupportables auxquelles il faut cependant se résigner.
Pas de repos ni de jour ni de nuit, car les quelques abris ennemis tombés entre nos mains sont crevés et inhabitables.
» (1)

Le 6e Bataillon du 281e, toujours cantonné à la fosse 10  fournit des travailleurs – dont Camille fait partie – au service du Génie chargé de la réfection des tranchées. Les 5 et 6 juin l’essentiel des attaques sont assurées par les 280e et 296e R I.
Au cours de ces combats, Emile Bertrand  du 296e , né à Villemur est tué le 6 juin.

Lundi 14 juin :

tranchees sur la plateau de lorette

2. Tranchées sur la plateau de Lorette

« Tous les jours la canonnade fait rage et les deux artilleries ennemies composées en majorité de grosses pièces, cherchent à se détruire en s’envoyant une quantité de projectiles. En même temps elles écrasent de leur pluie de fer et de mitraille les tranchées de 1è et de 2è ligne occupées par l’infanterie….l’œuvre de destruction est complète en même temps qu’effrayante.
Figures-toi un grand plateau labouré de trous d’obus qui ont plus d’1 mètre 50 de profondeur et qui se comblent au fur et à mesure qu’un autre se forme à côté. Les tranchées démolies à tout instant par la canonnade sont reformées aussitôt avec de petits sacs pleins de terre. » .
Dans cette lettre à son oncle, il témoigne de l’horreur absolue, rapportée par d’innombrables témoignages :
« Tu dois t’imaginer qu’avec tout ça la mort est monnaie courante et tu ne te trompes pas. Les cadavres (boches pour la plupart) pullulent, constamment exhumés et inhumés par les obus. Inutile de te dire que l’odeur qui se dégage est insupportable et pourtant nous vivons au milieu de toutes ces horreurs, mangeant et buvant comme d’habitude, blasés en cette vie de guerre ».
Plus loin il rajoute : « Que de morts enterrés par les obus, que d’hommes réduits en miettes et desquels on ne retrouvera jamais la trace. Dans ces bombardements, heureux parmi ceux qui tombent qui peuvent être ramassés par les camarades pour être enterrés dans un petit coin à l’arrière ».

Jeudi 17 juin :

souvenir lorette

3. Fleur ramenée en souvenir  de N-D de Lorette par Camille Terrisse.

Il reçoit des nouvelles de Villemur, il apprend que son ami Emile Pendaries a été réformé, ce dont il se réjouit et sa rencontre avec Lormières lui permet d’avoir des nouvelles des copains du 296è : « il venait de voir Raoul (Brassier) et Balat Marius, ils sont en bonne santé. Je lui ai demandé des nouvelles de Ménestral (La Nibou) qui n’est pas dans le même bataillon qu’eux, lui aussi va bien. » ….J’ai reçu aussi des nouvelles de Jean Fonvieille, lui aussi est bien portant. Si tu as l’occasion de voir Jean Faillères tu le prieras de m’excuser si je n’ai pas répondu à sa dernière lettre… Ce matin j’ai vu le mari d’Antoinette Pendaries (2) qui est lieutenant aux mitrailleuses, nous avons causé quelques instants, il est très gentil, nous avons parlé de nos petits incidents de campagne et de Villemur après quoi nous nous sommes séparés… »
Dans cette lettre il rassure aussi ses proches : « Ne vous inquiétez pas pour moi, j’ai 10 mois de campagne qui ne m’ont pas trop éprouvé, le seul soulagement qui s’est opéré est dans mon caractère et ma sensibilité, je suis blasé sur les horreurs de la guerre, et peu de choses arrivent à m’émouvoir…. »

Enfin après 10 jours en 1ere ligne dans le secteur du Fond de Buval, au pied de la colline de Lorette, le 281e est relevé par le 149e RI et va cantonner quelques kilomètres en arrière à Coupigny et Braquencourt. Repos de courte durée, retour en 1è ligne et le 19 juin, relève du régiment Marocain dans le secteur d’Angres.  Quatre jours plus tard le 296e relève le 281e.

lorette deux

4. Nécropole Nationale de Notre Dame de Lorette

Dimanche 27 juin :
« …Le secteur que nous venons d’occuper n’étais pas aussi mauvais pour nous . Nous avons été favorisés parce que nous occupions la partie la plus avancée de la ligne, très près de l’ennemi, c’est cette cause qui empêchait ces derniers de nous envoyer des obus de gros calibre, car en nous arrosant ils auraient pu s’arroser eux-mêmes ! Aussi le bilan des pertes de ces 6 derniers jours se borne t’il à 4 blessés légèrement par balles. Que de morts enterrés par les obus, que d’hommes réduits en miettes et desquels on ne trouvera jamais la trace. Dans ces bombardements, heureux parmi ceux qui tombent qui peuvent être ramassés par les camarades pour être enterrés tranquillement dans un petit coin à l’arrière. Tout ça, ces canons qui vous endorment les oreilles, ces morts qui sont là devant vous, à nos pieds, ces maisons rasées et les autres pillées, ces blessés qui se plaignent, c’est la guerre ! Heureux ceux qui jusqu’ici comme moi n’ont pas eu une égratignure et ont le caractère assez fort pour ne pas y faire attention ! »

Dimanche 4 juillet :

lorette

5. Nécropole Nationale de Notre Dame de Lorette

Camille envoie une carte à sa grand-mère Marie Alzonne : « Voici 11 mois aujourd’hui que je suis parti de la maison, après cette absence je suis heureux de pouvoir vous répéter que je vais toujours bien. Pour combien sommes-nous encore en guerre ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre… » Si on lui disait alors que plus de trois ans se passeraient encore avant la fin des hostilités, le croirait il ? Ce même dimanche, « au lieu d’aller dans les tranchées, on nous a placé à la lisière d’un patelin ( Il s’agit des corons d’Aix, au nord d’Aix-Noulette) où les marmites (3)  tombent, nous sommes placés en réserve.
La maison où je suis, a de nombreuses gouttières, un trou dans le mur de la cuisine décèle le passage d’un gros obus qui vint pousser une visite dans la maison. Hier ou avant-hier, il y eut une pauvre fille de 15 ans de tuée et 5 sous-officiers de blessés. ».
C’est hélas le quotidien de la guerre mais Camille ne perd pas son humour « Cette année nous fêterons le 14 juillet aux tranchées, nous aurons tout ce qu’il faut, les fusées éclairantes, coups de canon à volonté, peut-être même plus qu’on en demanderait, et fusillade… Aussi je ne vous cache pas pour changer je préfèrerais sentir la poudre des feux d’artifice de Lacroix (4) que celle de la maison Krupp qui malgré sa renommée mondiale me dégoûte (peut-être que je suis un mauvais connaisseur). »

Samedi 17 juillet :
« Le 14 juillet s’est bien passé pour nous, notre ordinaire a été amélioré et nous avons eu 2 quarts de vin matin et soir. Secteur calme, en revanche nous avons pris une douche pendant 1 heure avant de se mettre en route pour la tranchée, une pluie continue s’est mise à tomber pour toute la durée de la relève. Pendant près de 4 h on ne cesse de parcourir des boyaux, et on a été bien lavés !
A certains endroits on avait l’eau au-dessus des chevilles… »
Les premières permissions commencent à arriver, « depuis 7 jours, j’ai des camarades de la compagnie qui sont allés chez eux…
On a pris les noms de tous ceux qui sont à la guerre depuis le début. On les a classés par catégories, en commençant à faire partir ceux qui sont mariés avec le plus grand nombre d’enfants et ensuite les célibataires. Comme caporal je n’ai pas été appelé… »

Lundi 26 juillet :
« Voilà 15 jours que nous sommes aux tranchées. Aujourd’hui nous serons relevés pour goûter un repos bien mérité. Nous en profiterons pour nous nettoyer, nous en avons besoin. Nous avons comme pensionnaires quelques poux et c’est vraiment comique, lorsqu’on va quelques jours en arrière, que de voir les hommes faire la chasse à ces hôtes peu désireux. »

Mardi 27 juillet :

Après 15 jours de tranchées, le régiment est relevé par le 296e R.I et va cantonner dans les corons de la Fosse 4 d’Hersin. Période relativement calme assombrie, une heure avant la relève par « un accident stupide qui nous a tué un sergent ».

antoine sidou

6. Disparition d’Antoine Sidou (JMO du 26 juillet 1915

Le J.M.O du régiment signale dans les pertes de la journée « Un sergent disparait (présumé tué) ? » Avec dans la marge la mention : « Comment ? » Camille donne l’explication dans un courrier du 29 juillet : « Il a été pris en plein par une mine qui a explosé au-dessous de lui, et l’a réduit en miettes. C’était un brave garçon que j’estimais beaucoup pour ses qualités et qui appartenait à ma section » (5) Le 1er jour de repos a été employé à me nettoyer, j’ai cherché mes poux, et n’en ai trouvé que 5, ils étaient bien beaux et bien gras, mais malgré leurs qualités je ne les ai pas épargnés ! J’ai fait laver mon linge, pris une douche, je suis bien propre. Si c’était dans la vie civile, je rougirais d’avoir pareils locataires mais ici, du plus grand au plus petit du simple soldat à l’officier, nous prenons tous des poux dans les abris. »

fosse hersin

7. La fosse 4 d’Hersin-Coupigny (62)

Lundi 2 août :
« Voilà un an que je suis parti de la maison. Depuis beaucoup d’événements se sont produits et nous n’avons pas encore fini d’en voir. Lorsque nous sommes partis, beaucoup croyaient avoir fini la guerre dans deux ou trois mois. Je n’étais pas du nombre car je voyais qu’une force militaire comme celle de l’Allemagne ne pouvait s’abattre en un jour. Malgré ça je croyais revenir vainqueur en juin dernier.
Les événements m’ont trompé pour la durée des hostilités. Quand au résultat final, ma confiance dans la victoire ne fait que s’accroitre et le succès de nos armes ne fait plus l’ombre d’un doute….
Actuellement dans un secteur où l’on ne se ménage pas, les boches sont impuissants à nous refouler, et c’est à nous qu’incombe la tâche de vaincre. Cette tâche est ardue, nous y laisserons d’autres plumes je le sais aussi mais nous les aurons. Avec le temps et des sacrifices nous rentrerons vainqueurs, nous éviterons aussi aux générations futures cette chose hideuse et répugnante qu’est la guerre. Vous autres, habitants de Villemur, du premier au dernier qui êtes en arrière, ne savez pas ce que contiennent ces 6 lettres – GUERRE – et ne vous souhaite pas de le savoir. »

Dimanche 8 août : (Lettre à sa mère) « Pour ma permission, ce qu’il y a de sûr c’est qu’l faut que j’attende encore…Si ça ne te dérange pas de m’envoyer quelques sous, j’ai de la place pour les loger, les bords de mon porte-monnaie se font plats. »

Vendredi 13 août :
« Voilà 1 an aujourd’hui que je m’embarquais en compagnie de mes camarades à Montpellier pour venir sur le théâtre de la guerre. Après 1 an je suis encore un de ces heureux qui peuvent vous donner de leurs nouvelles. Malheureusement tous ne sont pas dans le même cas et lorsque je rapporte mes souvenirs sur ces wagons qui nous transportaient, je constate qu’il en manque à l’appel. Il faut espérer que ça finira et qu’après la victoire nous puissions rentrer chez nous.
Maintenant je ne suis plus à la 21e Compagnie. On a formé une section de pionniers dans chaque bataillon. J’appartiens toujours au 6e mais je suis en substance à la 24e Compagnie. L’autre caporal qui est avec moi est de Buzet, il se nomme
Barbe et à la profession de charpentier. Comme moi c’est un vieux de la vieille qui fait la guerre depuis le début. Notre adjudant est une vieille connaissance, c’est la pâte des hommes, il est aimé de tous. Dans le civil il est voyageur de commerce dans la quincaillerie. Il est de Villefranche de Rouergue. En dépit de ses grands pieds et de sa grande taille, il se nomme Soulié-Petit !

tombe menestral

8. A l’extrême gauche, la tombe d’Antonin Menestral à Aix-Noulette.

Mardi 17 août : (à sa mère) Dans ta dernière lettre tu me dis que l’on a fait courir le bruit que Ménestral a été tué. Malheureusement cette nouvelle n’est que trop vraie. Je me suis renseigné hier auprès de son sergent-major et qui m’a confirmé cette mauvaise nouvelle. Je vais te raconter comment il a trouvé la mort :lui aussi se trouvait en réserve, seulement ils étaient un peu plus en arrière dans un village ( qui m’est très familier mais dont la censure m’interdit de donner le nom) Ils venaient de passer une revue avec les camarades de son escouade et rentraient dans le cantonnement avec eux, lorsqu’une marmite, un 270 sans doute tomba au milieu du groupe. Le bilan se résumait à 6 morts, dont Antonin Ménestral,(6) et 5 blessés. Garde ces détails pour toi, car la famille à toujours du temps pour apprendre cette triste nouvelle Malgré ça, sa mère aura la consolation de savoir que son fils repose dans le cimetière d’une localité dont le nom restera célèbre dans cette guerre et malheureusement beaucoup d’autres ignorent toujours l’endroit où repose le corps de l’être qu’elles ont chéri. »

Vendredi 20 août :
Camille voit certains de ces camarades partir en permission et ne comprend plus les critères de départ. Il pense qu’il n’a rien à se reprocher, qu’il a toujours fait son devoir depuis le début de la guerre et ne peut s’empêcher de cracher son venin contre « ces lâches d’embusqués qui n’ont que du sang de navet dans les veines, et qui n’ont droit qu’au mépris public à quelque rang qu’ils appartiennent. »

Vendredi 27 août : Il y a peu Camille avait intégré la section de pionniers, 24e compagnie du 6e bataillon, mais « ici les cadres changent vite, ils ne faut s’étonner de rien » Terminé ! « on a formé une section de pionniers par régiment qui fait partie de la Compagnie Hors Rang (CHR) (7) Il réintègre de ce fait la 21e compagnie.

mouvements du regiment de montpellier

9. Mouvements du 281e RI du 14/10/1914 au 21/12/1915

Samedi 28 août : le régiment est relevé, la fatigue de tous est grande. Aussi c’est un vrai repos que le régiment va prendre dans la région de Quaedypres (Nord) loin du front. Il s’embarque le 30 à Calonne-Ricouart et débarque le même jour à Esquelbecq.(Nord) près de la frontière belge, à une vingtaine de kilomètres au sud de Dunkerque.

Samedi 4 septembre :
« C’est la première fois depuis le début des hostilités que nous nous trouvons hors de portée du canon »

Dimanche 5 septembre :
« Aujourd’hui je devais déjeuner avec Guillaume Lafferrière (il vient d’être versé au 280e RI) mais prévenu trop tard je n’ai pu obtenir la permission. Ce n’est que partie remise… »

Mercredi 15 septembre :
« Ici nous menons la vie de caserne, avec la différence que nous habitons une ferme isolée en compagnie de poules de vaches et de cochons. On va à l’exercice matin et soir et l’on fait des marches de nuit et un exercice de tir par semaine. Ce n’est pas ce qui va le plus mais il vaut mieux ça que les tranchées. »

Le général Niessel prend à ce moment le commandement de la 58e division. Grâce à son activité inlassable, et à son énergique impulsion, les régiments de la 58e D. I. retireront tout le profit désirable de ce repos consacré en partie à l’instruction militaire. Joffre va déclencher une grande offensive. Le régiment y prendra part. C’est à Neuville-Saint-Vaast qu’il aura sa place. Après le long repos de Quaëdypre, les hommes sont prêts à donner tout ce que l’on peut attendre des braves soldats. Le 20, le régiment s’embarque à Esquelbecq. Le lendemain, il débarque à Petit-Hoursin et gagne à pied la région de Haute-Côte puis Nuncq. Le 24, il cantonne à Noyelette.
Le 26, sous la pluie, la troupe bivouaque dans un petit bois de la région de Mareil, où placé en réserve, on n’attend plus que l’ordre de se porter en avant. Le lendemain dans l’après-midi, l’ordre d’attaque est donné et l’on se dirige vers les premières lignes. A minuit environ, on traverse les ruines, du village de Neuville-Saint-Vaast copieusement arrosées par l’artillerie ennemie.
Les reconnaissances dans le secteur de la 24e DI dont le succès est incomplet (47e brigade 50 et 108 RI et 48e Brigade 100e et 126e RI) indiquent que les allemands n’ont pas reculé, l’attaque est remise. Dans les jours qui suivent la 131e brigade occupe le terrain au-delà de Neuville-Saint-Vast en direction de Thélus le temps est exécrable, l’artillerie ennemie bombarde les lignes quotidiennement. (8)

neuville saint vaast

10. Neuville-Saint-Vaast après les combats

Jeudi 30 septembre :
« De la tranchée je t’écris ces quelques mots, le temps est mauvais et boyaux et tranchées sont remplis de boue… »

Lundi 4 octobre : (à sa sœur)
« Aujourd’hui c’est le lundi de la Saint-Michel, ne croyez pas que je fasse la fête, malgré que chez nous ce soit la fête locale. Il y a déjà 9 jours que je suis aux tranchées et je ne sais combien encore j’y resterai. Le matin, une corvée nous porte la soupe vers les 9 heures, comme elle vient de loin elle est froide. Notre repas se compose d’un bouillon, et d’un peu de bouillie ¼ de vin et un peu de rhum. Vous voyez ce n’est pas le rêve ! Voilà de quelle manière j’ai fêté la Saint-Michel !»

Lundi 11 octobre : 

attaque du onze octobre

11. L’attaque du 6/281 le 11octobre

 

Ce jour-là, la Xe armée française lance une nouvelle attaque, qui échoue à nouveau, devant la cote 140.
A 16h 15, attaque des 281 et 296e : les compagnies essaient de sortir des tranchées mais elles sont fauchées par les mitrailleuses et les fusils, les vagues refluent. (JMO de la 131e Brigade) Les deux régiments paient un lourd tribut : pour le 281e 14 tués 25 blessés dont Camille Terrisse, pour le 296e 6 tués 26 blessés.
Dans la soirée, Joffre décide l’arrêt des combats dans ce secteur du front, alors que la pluie et la boue paralysent tout mouvement.
Camille expédie une carte à sa mère, écrite par un de ses camarades

 

« Ma chère Maman,
Puisque blessé légèrement au bras droit, je ne peux écrire que régulièrement sans les secours d’un camarade ou bien me servir de la main gauche. J’ai été blessé ce matin et je suis au poste de secours attendant d’être évacué dans une localité inconnue. Je vous tiendrai au courant encore une fois ne vous faites pas de bile. Pour votre fils, signature du camarade.»

blessure et carte

12. A gauche, extrait du JMO du 11 octobre. A droite la carte de Camille à sa mère.

D’après le général Foch, l’attaque du 11 octobre a échoué par insuffisance de préparation d’artillerie. Il faut y ajouter un aménagement, incomplet sur certains points, du terrain et des attaques par suite de la relève du 3e corps d’armée avant l’action.
Les opérations du 11 octobre semblent avoir démontré que les unités de la Xe armée, au combat depuis vingt jours, n’ont plus toutes les capacités offensives nécessaires pour exécuter une nouvelle action d’ensemble, qui exige un arrêt des grandes opérations, tant en Artois qu’en Champagne. (9)

 Camille Terrisse est évacué dans un premier temps vers l’hôpital de Pontivy dans le Morbihan, où très vite, il reçoit des nouvelles des camarades. L’adjudant Soulié-Petit : « On m’avait dit que tu avais une blessure insignifiante, mais je vois que tu as été assez touché, c’est quand même la bonne… Les camarades se joignent à moi pour te souhaiter une prompte guérison et une longue convalescence. »Noël Rey, son ami de Montech rajoute : « Tu as sans doute quitté le front sans regret… Bien t’en a valu car le soir je faillis être accuigé (sic) auprès de notre camarade  « Chabal » qui fut réduit en bouillie… »

Début novembre il est transféré à Vannes pour sa convalescence. Dans une lettre à son oncle Emile, il ne tarit pas d’éloges sur le major qui l’a soigné, sur les infirmières militaires, et les dames de la Croix-Rouge, qui s’occupent des blessés comme de leurs propres enfants. La convalescence terminée, il retourne au dépôt du 281e à Montpellier le 29 novembre. Quelques jours plus tard, il est déjà dans une compagnie d’entrainement à Mèze, au bord de l’étang de Thau. Son retour vers le front n’est maintenant qu’une question de jours, et il attend sereinement sa nouvelle affectation. 

Le 281e R.I quand à lui va consolider les positions acquises, pataugeant dans la boue dans des conditions climatiques désastreuses, et relevé régulièrement par les autres régiments de la Division. En face l’artillerie allemande reste active et arrose régulièrement les premières lignes.  Le 16 décembre, le 280e RI est dissous, 1 bataillon passe au 281e, 1 autre au 296e. Ce dernier régiment quitte la 58e DI et passe à la 152e DI. Enfin le 20 décembre, les troupes de la 131e brigade sont relevées par celles de la 48e brigade (300e et 326e RI). Le 21 décembre le 281e RI est enlevé par auto et transporté vers l’arrière à Sus-Saint-Léger dans le Pas-de-Calais. Transfert ensuite dans le Nord, aux environs de Fort-Mardick, où le régiment se repose jusqu’au 20 février avant de poursuivre le combat en Belgique.

JCF / AVH Septembre 2021

Sources :
Lettres de Camille Terrisse à sa famille (1914-1919) Remerciements à Magali et Mireille Faillères.
« Les Villemuriens dans la Grande Guerre » Jean-Claude François, Editions AVH Imp Evoluprint 2014
« Le 281e Régiment d’Infanterie en campagne » Montpellier Imprimerie Firmin et Montanc 1920 https://gallica.bnf.fr
Journal des Marches et Opérations du 281e Régiment d’infanterie   26 N 738/2 13 mars 1915-29 mars 1916 (Mémoire des Hommes)
Journal des Marches et Opérations de la 131e brigade d’infanterie du 1 mars-25 décembre 1915 26 N 531/6 (Mémoire des Hommes)

Notes :
(1) « Le 281e Régiment d’Infanterie en campagne » Historique du Régiment
(2) Il s’agit de Jérôme Lajous du 280e RI qui fut blessé lors de la prise de Vermelles le 7/12/1914
(3) Dans l’argot des combattants, désignation des projectiles allemands par les soldats français, en particulier des minenwerfer sans doute en raison de leur forme et de leur poids. (C.R.I.D. 14-18)
(4) Entreprise familiale toulousaine qui fabrique des feux d’artifice, chemin du Sang de Serp.
(5) Le sergent Antoine Sidou né à Ayguatébia (Pyrénées-Orientales) p 62 / 114 JMO 26 N 738/2
(6) Antonin Ménestral est enterré au cimetière militaire « Aix-Noulette Communal Cemetery Extension «   situé à Aix-Noulette.
1.251 soldats y reposent dont 502 français, 492 canadiens et 257 britanniques.
(7) Compagnie Hors Rang : Compagnie unique qui se trouve au niveau du régiment et regroupe ce qui touche au fonctionnement administratif, logistique et au commandement du régiment. On y trouve le secrétariat du colonel et de son petit état-major, les cellules traitant de l’approvisionnement en matériel, habillement, nourriture, un peloton de pionniers pour les travaux de protection, la section de brancardiers qui est en même temps la musique du régiment. Pour commander, il faut assurer les liaisons vers les supérieurs et les subordonnés, et naturellement une équipe de téléphonistes y a sa place. (Source CRID 14-18)
(8) « Le 281e Régiment d’Infanterie en campagne » Historique du Régiment et J.M.O de la 131e Brigade
(9) archivespasdecalais.fr

Illustrations :
1,7,10 : 
Archives J-C François 2, 4, 5, 8, 9 : J-C François 3 : archives C. Terrisse 6, 11 : J.M.O du 281e RI  12 : JMO et archives C.Terrisse.

 

 

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