La vie artistique à Villemur
3. Théâtre, cinéma, et amicales scolaires 1890-1925
Les amicales scolaires de l’école publique
Dans le sillage du vaste mouvement musical et théâtral de la fin du XIXe siècle, vont apparaître les fêtes scolaires de l’enseignement public et privé. Ces fêtes ont lieu, de préférence en fin d’année, surtout au printemps en ce qui concerne les écoles laïques, et sont organisées par l’Association amicale des anciens élèves de l’école publique des garçons. Notons au passage que l’Amicale des Jeunes filles donne aussi une fête, séparément, car l’école n’est pas encore mixte ! Les documents que nous possédons couvrent les années 1910-1914 (mais il est possible que des événements aient eu lieu auparavant)
Ces spectacles ont lieu en majorité sous la vieille Halle aux Grains démolie après 1930, puis reconstruite et embellie et qui abrite aujourd’hui la médiathèque Léon Eeckoutte.
La place de la Mairie sert aussi de cadre à ces fêtes qui se déroulent exclusivement le dimanche, à cette époque le seul jour où la plupart des gens ne travaillent pas. Le prix des places est de 1fr. 50 (réservées) 1fr. les Premières, 0 fr. 50 les Deuxièmes. Une quête est faite au profit de la Caisse des Ecoles, et…il est bien précisé que les dames sont priées de venir sans chapeaux ! Au programme : chants, cantates, drames, opérettes, romances, farces…se succèdent, quelques adultes apportent leur concours, la partie musicale est assurée par le piano de Pierre Bousquet et par les musiciens de l’Union Symphonique.
Les amicales scolaires de l’école privée.
Autres fêtes scolaires, celles concernant l’école des Frères installée rue des Potiers, entrée en fonction dès octobre 1892, l’enseignement est dispensé par les frères des écoles chrétiennes puis par du personnel sécularisé à partir de 1904. Les premières séances sont mises sur pied par des bénévoles, anciens élèves, dont le seul but est « de se réunir pour se distraire et amuser les familles qui veulent se rendre à notre invitation » ceci avec la collaboration du directeur, le frère Pierre Prouet et de l’abbé Caussat.
Ces séances, annuelles et gratuites, se donnent à partir de 1897 dans une des salles de l’école, rue des Potiers et rassemblent entre 120 et 150 personnes.
En 1908, pour accueillir ces spectacles, l’équipe des bénévoles saisit l’opportunité de la vacance de l’ancien chai occupé par le marchand de vin Blancal qui vient de cesser son activité. Le propriétaire de l’entrepôt, le notaire Pongis, consent, gracieusement, à une gratuité temporaire. Dans ce vaste entrepôt qui a l’avantage d’être proche de l’école des Frères, les bénévoles de l’Amicale, conseillés par Théophile Moreau, peintre décorateur, vont aménager ce qui va devenir La salle des fêtes Saint-Jean, embryon du futur théâtre municipal. (1) Mais un épisode rocambolesque va survenir après le départ de l’abbé Pujol en 1908. Son successeur, l’abbé Anjalbert, en désaccord semble t’il avec le directeur de l’école, le frère Prouet, confisque et dégrade les décors du théâtre ! Colère des bénévoles, incompréhension, appel au juge de paix… finalement les décors sont rendus, mis sous clés au théâtre par le curé Joseph Maurette qui entre-temps est devenu locataire de la salle !!!
Les esprits finissant par se calmer, ces événements amènent les bénévoles à se fédérer sous la houlette de Jean Sicard dit Bouissel, pour fonder en 1910 L’Amicale des anciens élèves de l’école libre, de ce fait la première amicale libre du département. C’est le très respecté Paul Gardettes qui est élu premier président de l’Amicale, assisté de deux vice-présidents, Pierre Maux et Damien Terrancle, Antonin Pendaries est secrétaire, Joseph Brassier secrétaire, et Louis Galan trésorier. Le Président va négocier le bail de location de la salle entre l’Amicale et le notaire Pongis et dès janvier 1911 les séances récréatives reprennent. Seize séances seront données jusqu’au 2 août 1914 dont certaines sous l’égide ou avec la collaboration du Patronage Jeanne d’Arc. Après le départ de Paul Gardettes fin 1911, c’est Damien Terrancle qui est élu à la présidence de l’Amicale. (2)
Après l’interruption due à la Grande Guerre, les séances reprennent dont une spéciale, le 2 mai 1920, consacrée à lever des fonds pour l’érection du futur Monument aux Morts., une autre le 3 juillet 1921. Fin 1921, la municipalité de Villemur achète la salle des fêtes Saint-Jean et envisage des travaux de rénovation importants. Conséquence, l’Amicale des anciens élèves doit déménager tout son matériel de théâtre et de cinéma. Plusieurs solutions de repli sont envisagées : le rachat d’une maison voisine de la rue des Potiers, une « salle Terrancle » derrière l’église, l’aménagement de la salle Notre-Dame utilisée alors par Monsieur Toulze.(3) Il semblerait que cette dernière solution aurait été retenue et qu’au moins trois séances récréatives s’y seraient tenues entre 1922 et 1924. Notons que durant toutes ces années, l’Amicale prend toutes les précautions que doivent prendre les organisateurs de spectacles, les séances sont données avec l’assentiment de la « Société des auteurs et compositeurs dramatiques » et l’autorisation de la « Société des Auteurs , Compositeurs et Editeurs de Musique ».(SACEM)
Le Théâtre Municipal est inauguré le dimanche 19 avril 1925 avec deux opéras-comiques « Le Chalet » et « Mireille » tiré du célèbre poème de Mistral mis en musique par Gounod.
Hélas ce magnifique théâtre de près de 700 places est détruit par un incendie le dimanche 9 septembre 1928 lors de la projection du film « La châtelaine du Liban », le feu ayant pris dans la cabine de l’opérateur.
Le cinéma
Le cinéma ! Voilà belle lurette que les villemuriens ont fait connaissance de de cette merveilleuse invention, une véritable révolution à l’époque ! La première séance dont nous ayons la trace date du 2 juillet 1910 » dans la cour de la salle paroissiale (derrière le presbytère) » de la rue Saint-Louis. L’organisateur de cette séance n’est autre que l’abbé Félix Anjalbert dont nous avons parlé précédemment. Au programme, quelques très courts petits films muets, mais qui ont fait rêver les enfants de l’époque ! Le mois suivant, 25 août 1910, en grande pompe on annonce une brillante séance du de cinéma Pathé frères, et pour la première fois, le « phono-pathé-concert ». C’est l’ancêtre de nos électrophones ! Essayez d’imaginer nos ancêtres devant cette «chose» : comment faire rentrer un orchestre symphonique dans un disque de vinyle de 50 cm de diamètre ! Appareil de dernière création, d’une forte puissance, donnant l’illusion complète de l’orchestre et du chanteur, souligne la publicité. Cette manifestation inédite est donnée Place Saint-Louis , très certainement la place de la Mairie actuelle, et « sous la vaste tente de Monsieur Pendaries ». L’Amicale des anciens élèves ne va pas tarder à réagir : le 26 mars 1911 elle organise dans la salle des fêtes Saint-Jean, sa première séance de cinéma. (4) Si le premier opérateur semble avoir été un certain M. Saumabé, c’est ensuite Germain Vignals qui s’acquittera de cette tâche pendant des années. Les séances de cinéma organisées par l’Amicale des anciens élèves vont s’interrompre après le rachat de la salle Saint-Jean par la municipalité. Le Frère Prouet envisage d’utiliser le projecteur de cinéma à des fins pédagogiques au sein de l’école des Frères « pour se conformer aux instructions ministérielles et ne pas rester en retard sur ses adversaires de l’enseignement public » Des films spéciaux sont établis les leçons de sciences, précise t’il.(5) Mais les villemuriens ne sont pas pour autant privés de cinéma : la concurrence, en l’occurrence le cafetier Edouard Dellac organise des séances sous la halle (actuelle médiathèque à l’angle de la place de la Mairie) Et le Frère Prouet de se lamenter car Antonin Brusson avait promis de lui procurer une salle : « Le cinéma de la place a beaucoup de spectateurs. Il n’aurait pas grand monde si votre salle était prête. On se dit assez mal sous la halle. » (6)
à suivre…
JCF / AVH mai 2010
Notes :
(1) Se référer à la page consacrée à « La place de la Résistance » dans l’onglet Histoire : « Les places , les rues … »
(2) Comptable de profession, il est très proche d’Antonin Brusson qui le tutoie, c’est son homme de confiance. Rédacteur en chef de l’Hebdomadaire Le Paysan qui sert de tribune politique à Jean-Marie Brusson. En décembre 1911 il démissionne de son poste de président, quitte Brusson et Villemur pour s’installer à Montauban et fonder l’entreprise de pâtes alimentaires « Tante Marie ».
(3)Ce local était semble t’il occupé à l’époque par une porcherie appartenant à Monsieur Toulze. Il pourrait s’agir d’un local appartenant à la famille Brusson situé à l’angle de la promenade Notre-Dame, la place du Souvenir actuelle , plus tard occupé par le garage Defis et occupé aujourd’hui par l’agence du Crédit Agricole.
(4) C’est aussi en 1911 que le théâtre Lafayette à Toulouse commença à proposer des spectacles de cinéma. Il était situé à l’époque place Lafayette (devenue place Wilson), à l’emplacement occupé de nos jours par le cinéma Le Gaumont.(« L’Auta : que bufo un cop cado més » : organe de la société des Toulousains de Toulouse et Amis du Vieux Toulouse, décembre 2006)
(5) Lettre du Frère Prouet à Antonin Brusson du 28 juillet 1923
(6) Lettre du Frère Prouet à Antonin Brusson du 13 février 1922
Sources et illustrations :
Elles proviennent essentiellement du fonds d’archives Robert Vignals, mis gracieusement à la disposition de l’A.V.H par son fils Guy Vignals.
Rosalis, bibliothèque de Toulouse.