Villemur au temps de la Révolution (3)
LE 14 JUILLET 1790 à VILLEMUR
A Paris, La Fayette, commandant de la garde nationale, fait organiser une fête nationale de la Fédération aux Champs de Mars transformé pour la circonstance en un vaste cirque au centre duquel s’élève l’autel de la patrie ainsi qu’un arc de triomphe « immensité, unanimité, simultanéité » sont les traits qui ont marqué l’imaginaire de cette fête.
Louis XVI prête serment à la nation et à la loi, simultanéité des serments au même instant par tous les habitants et dans toutes les parties du royaume.
D’après les délibérations du Conseil municipal de Villemur, nous constatons que la ville a célébré la fête du 14 Juillet 1790 comme dans toutes les communes de France, à la demande de l’assemblée et du roi pour prêter le serment fédératif qui doit désormais unir tous les français :
« Nous, Maire et officiers municipaux soussignés assistés de M.Belluc procureur de la commune. Nous sommes rendus à l’heure de midi escortés par un détachement de la légion dans le dit faubourg Notre Dame et nous étant placés à côté de l’autel de la patrie que nous avions fait dresser. En conséquence M. Rouère curé de cette ville est aussi arrivé processionnellement avec M. Subiran et Cambedouzou vicaires, et M. Dèzes prêtre chapelain en chantant veni creator (1) et M.M. Malpel et Beudot ayant l’un après l’autre adressé un discours à toute l’assemblée. M. de Vacquié maire, a prononcé sur l’autel de la patrie le serment d’union et chacun des assistants y a adhéré en levant la main et disant les mots « je le jure » et après que le dit de Vacquié a eu prononcé un discours le Te Deum (2) a été solennellement chanté en action de grâce et tout le monde s’est retiré, les officieux municipaux marchant à la tête de la légion précédés par les tambours et la musique qui ont accompagné Mme de Ménoire (3) et la femme du colonel qui avait assisté avec sa famille à la cérémonie… ». Un repas patriotique rassemble ensuite cent personnes au réfectoire des Capucins, au quartier Saint-Jean. « Jamais fête n’exprima mieux les sentiments d’union et de fraternité dont chacun était pénétré, la gaieté et le bon ordre si faisait distingué. M. de Vacquié maire déposa sur la table une couronne de laurier… ». De citoyens ennemis sont devenus en ce jour amis et frères et ces réconciliations particulières ont fait à tous les convives autant des citoyens animés du même esprit d’union, du même devenir pour le maintien de la constitution et avec la même ardeur pour la défendre .Deux malheureux dont un détenu en prison depuis un mois et demi étaient poursuivis criminellement pour avoir volé des fèves. Un convive respectable, M. Gibert, a demandé la grâce et l’élargissement du prisonnier…
M. de Vacquié maire s’est rendu à la prison avec plusieurs officiers municipaux, le procureur municipal, M. Rouère le curé, et quelques citoyens. Il a présenté le prisonnier à l’assemblée, dont les applaudissements réitérés ont été l’expression de la plus grande joie ; cet infortuné rendu à sa patrie a été placé au haut bout de la table et chacun s’est empressé de le servir ; il a été fait une quête générale dont le produit a été distribué aux pauvres qui étaient à la porte du couvent.
Après quoi, tous les convives s’étant divisés en deux peloton, Monsieur de Maichens, lieutenant-colonel de la Légion, à la tête d’un peloton est allé chez les femmes des maires et des officiers municipaux pour les amener dans le même lieu de la cérémonie du serment.
Monsieur de Vacquié maire, avec l’autre peloton s’est transporté chez Madame de Ménoire qu’il a remercié au nom de tous les convives des vins étrangers qu’elle avait envoyés avec profusion au repas patriotique et il l’a ensuite conduite elle et sa famille au point de réunion.
Des danses publiques sans aucune distinction de rang ont prouvé la sanction la moins équivoque que chacun des citoyens donne aux décrets de l’Assemblée Nationale. Il y a eu ensuite une illumination générale et la musique de la légion a exécuté des symphonies […]
LES ARBRES DE LA LIBERTE OU DE LA RAISON
Quelle est l’origine de ces arbres ?
La grande Encyclopédie nous indique « Dans un grand nombre de communes de France, à l’époque de la Révolution, on planta des arbres destinés à rappeler, ainsi que de véritables monuments commémoratifs, l’avènement des libertés nouvelles – c’est ce qu’on appela dans le langage du temps des arbres de la liberté- le premier parait avoir été planté dans la Vienne par les soins du curé de la paroisse qui le bénit et prononce une allocution patriotique finissant par ces mots : « au pied de cet arbre vous vous souviendrez que vous êtes français et dans votre vieillesse vous rappellerez l’époque mémorable ou vous l’avez planté ».
A Villemur, la délibération du 28 ventôse an II (Mars 1794) :
« Le maire a dit : le fanatisme est enfin disparu, nos prêtres ont abdiqué leur fonctions qu’enfanta la superstition, nos ci-devant églises sont autant de temples consacrés à la Raison. Et cette Raison qui seule élève et grandie l’âme des républicains va désormais diriger toutes leurs actions. Je vous propose de lui élever dans chacun des faubourgs de la cité un arbre qui y soit consacré.
Le conseil a applaudi à cette proposition et a délibéré que le trente du présent mois jour de la décade il serait planté deux jeunes ormeaux avec leur racines, l’un au faubourg de la Révolution (faubourg Saint Jean) et l’autre au faubourg des sans culottes (faubourg Notre Dame) à laquelle plantation seront invités tous les corps constitués et la société populaire et qui sera faite avec solennité au bruit des tambours immédiatement après la publication des lois ainsi et délibéré et signé […] ».
Ces arbres deviennent un symbole parés de rubans tricolores et coiffé d’un bonnet phrygien les jours de fête. Ils symbolisent une des conquêtes les plus précieuses de l’homme : la liberté.
Mais ces arbres, dans la mesure où ils sont vénérés, constituent des cibles privilégiées pour les ennemis de la Révolution, ils sont souvent sciés, coupés, arrachés.
Le 2 pluviôse an VI (janvier 1798), les arbres de la liberté « morts naturellement » seront remplacés par des ormeaux dans les faubourgs Notre Dame et Saint Jean. Ces arbres seront mutilés quelques semaines plus tard dans la nuit du 5 ventôse.
MMP / PJ / JCF août 2013- révisé mars 2020
(Textes extraits de l’exposition des Amis du Villemur Historique en 2013)
Notes :
(1) Hymne entonné pour le chant grégorien considéré comme le plus célèbre composé par Raban Maur au IVe siècle.
(2) Hymne de la liturgie catholique, composée vers la fin du IVe siècle exprimant la louange et l’action de grâce, fut chantée en un grand nombre d’évènements civile et religieux.
(3) Elle est l’épouse de Guy Ménoire de Baujau, ex-seigneur et vicomte de Villemur
Sources :
Délibérations du conseil municipal 1D 12 , 30 mai 1790 au 17mars 1792. Archives communales de Villemur-sur-Tarn