Square des pupilles de la Nation, le 11 novembre 1919.

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Le square des pupilles de la Nation

11 novembre 1919

 

La commémoration prochaine de l’armistice de 1918 nous permet de rappeler un événement vieux de plus d’un siècle, et d’évoquer aussi le lieu où cette cérémonie s’est déroulée.

Prolongement de la rue Saint-Jean avant d’aborder la quai Scipion de Joyeuse, le square des pupilles de la nation a une histoire vieille de 101 ans, baptisé ainsi le 11 novembre 1919, jour anniversaire de la fin des combats de la Grande Guerre.
Cette placette était toute récente, suite à l’aménagement de place Saint-Jean par la canalisation du ruisseau de Bifranc et le comblement du ravin, ancien fossé de la ville. (Voir l’article sur “La place Saint-Jean”). En mars 1913, une subvention de 4.500
francs est accordée à la commune de Villemur suite à l’intervention du député Jean Gruppi auprès du Ministre de l’Intérieur.
C’est une aubaine pour le maire Charles Ourgaut, récemment élu. Il va parachever le projet  de couverture du ruisseau de
Bifranc  par l’aménagement d’une petite placette entre l’immeuble Moussié et la bascule (le poids public) contribuant ainsi à l’embellissement du quartier. 

En remontant le temps, à la place du square, il existait un pont enjambant le ruisseau, et même un pont-levis au XVIIe siècle donnant accès à la porte Saint-Jean, entrée principale de la ville.

 

En 1919, les dimensions de cette placette étaient bien plus petites qu’aujourd’hui. Les photos illustrant cet article montrent son évolution jusqu’à nos jours. Côté Tarn, une grande maison, l’immeuble Moussié,  empiétait largement sur la surface du square. Cette maison a été démolie après les inondations de 1930, suite au réalignement et de l’élargissement de la rue Saint-Jean. A noter aussi que deux platanes ont été plantés de part et d’autre du tilleul vraisemblablement à la même époque. À la suite des inondations, les murs de soutènement des quais ont été refaits ce qui a permis d’élargir notablement la descente vers les berges du Tarn. 

 

 

 

Le premier anniversaire de l’armistice

 

malpel ourgaut

1.Pierre Malpel (à gauche) et Gaston Ourgaut.

Le mardi 11 novembre 1919, jour anniversaire de l’armistice, le premier d’une paix enfin retrouvée. Le curé Maurette, dans son agenda , note : « A midi, cet anniversaire sera annoncé par la grande sonnerie des cloches. »  Une foule nombreuse se rassemble sur la placette. Aux premiers rangs, les anciens combattants et parmi eux les blessés de guerre ; tous ont le visage grave, on peut lire dans leur regard leurs souffrances passées. Impossible d’oublier ce qu’ils ont vécu. Beaucoup de femmes en noir parmi la foule des anonymes qui fait corps avec ceux, nombreux, qui ont perdu un être cher. Les enfants des écoles sont aussi présents avec leurs maîtres.
Deux garçonnets se détachent du groupe rejoignent le maire Charles Ourgaut et vont l’aider dans sa tâche symbolique, planter un jeune tilleul dédié aux filles et fils des victimes de la guerre, appelés « les pupilles de la Nation. »
Le tilleul n’a pas été choisi par hasard. Depuis la nuit des temps, cet arbre est chargé de symboles, d’histoires, de mythes et de légendes. Ces deux enfants eux aussi, n’ont pas été choisis par hasard. (1) Leurs pères ont fait partie des premières victimes de la guerre.

plaque tilleul

2.La plaque commémorative que l’on pouvait voir il y a quelques années.

 Le premier de ces garçons est Pierre Malpel, (2) qui fêtera ses 8 ans 15 jours plus tard. Il est le fils de Pierre Malpel, ouvrier boulanger, soldat du 81e Régiment d’Infanterie, mort à Reningelst (Flandre occidentale) le 17 décembre 1914.
Le second garçon est Jean Blanc (3) né en février 1914, fils de Louis Blanc, soldat du 296e R.I tombé en Artois à Vermelles le 15 octobre 1914.
L’émotion est grande d’autant que le maire est accompagné de son petit-fils âgé de 6 ans, prénommé lui aussi Charles, (4) fils de Gaston Ourgaut, lieutenant du 11e R.I mort le 14 septembre 1914 à Massiges. Lorsque bien plus tard adulte, il revenait en vacances à Villemur, il tenait toujours à revoir cet arbre, à ses yeux sacré. Cette cérémonie avait également laissé un souvenir impérissable à Pierre Gontaud (5) alors âgé de 12 ans, et à bien d’autres témoins aujourd’hui disparus. 

square et tilleul

3.Le square et le tilleul au fil du temps.

 

crues du passe

4.Les crues de 1930 et 1766

tornade aout tilleul

5. Après la tornade du 28 août 2003

Le tilleul planté ce jour-là, a grandi, forci pour devenir majestueux. Les photos en témoignent. Mis à mal par quelques aléas du temps, comme en août 2003, il devenait dangereux  pour la sécurité des biens et des personnes. (Un banc était d’ailleurs placé sous l’arbre).
Il n’y a pas d’autre alternative alors que d’abattre l’arbre vénérable en mars 2010. Pierre Guerci, premier adjoint, délégué à la voirie, déclarait alors « C’est la mort dans l’âme que notre municipalité a du prendre cette décision. Cet arbre revêt une forte dimension symbolique pour l’histoire de notre commune…Cette décision est douloureuse, mais nous sommes déterminés à continuer à faire vivre la mémoire. C’est pourquoi un nouveau tilleul sera replanté immédiatement par la commune au même endroit ».

tilleul abattu

6. Le tilleul argenté a été abattu ( La Dépêche du Midi du 10/3/2010)

Un nouvel arbre a été planté, le lieu s’appelle toujours « Square des Pupilles de la Nation » et reste dédié aux fils et aux filles des victimes de la guerre.
Le square a subi bien d’autres transformations au cours des années passées, un bloc de sanitaires a été construit ainsi qu’une cascade murale sur le mur d’angle de la rue Saint-Jean. Sur ce même mur deux plaques : l’une en métal rappelle la hauteur de  la crue de 1930 et l’autre, gravée dans la pierre par Segnouret , celle de 1766.

 

 

– Quarante neuf enfants furent déclarés « Pupilles de la Nation » à Villemur, 18 filles et 31 garçons.                                (Liste non exhaustive)

– Ce 11 novembre 1919, tous les prisonniers de guerre villemuriens sont rentrés dans leurs foyers, mais on est toujours sans nouvelles de 27 soldats disparus au combat, certains depuis les premières semaines de 1914 et on a que très peu d’espoir de les revoir. Les deux derniers ayant été déclarés décédés par le Tribunal de Toulouse, et « morts pour la France » ont été François Trilhes et Louis Jolibert en … février 1922 !

– La France est le seul état européen a avoir créé un statut spécifique pour ses orphelins de guerre.

– C’est Auguste Thin, « pupille de la Nation », soldat du 132e R.I qui fut chargé de choisir « le soldat inconnu », le 10 novembre 1920 dans une galerie de la citadelle de Verdun.

JCF / AVH novembre  2019

Un grand merci à Jean-Luc Mouyssac pour sa contribution à cet article,  tant au niveau du texte qu’à la richesse de l’apport des photographies d’époque.

(1) Six enfants ont perdu leur père en 1914 : dans l’ordre Marguerite Terrancle(Delpech),fille de Jean-Pierre, mort le 22/8, Charles Ourgaut fils de Gaston mort le 14/9, Carmen Meilhou fille de Guillaume mort le 25/9, Jean Blanc fils de Louis mort le 15/10, Georges Bonhomme fils d’Antoine mort le 28/11, et Pierre Malpel mort le 17/12. En 1919 Terrancle et Meilhou étaient toujours portés disparus,le petit Bonhomme était domicilié au Domaine de la Forêt. et le maire Charles Ourgaut dont on connaissait la modestie, n’a pas souhaité mettre en avant son petit-fils. Voilà pourquoi Jean Blanc et Pierre Malpel furent choisis.
(2) Né le 24 novembre 1911, décédé en 1994

(3) Né le 4 février 1914, décédé en 1990.
(4) Né en 1913, décédé en 2004
(5) Grand-père de Jean-Luc Mouyssac.

Sources :
Marcel Peyre dans ses écrits sur Villemur
Jean-Claude François “Les villemuriens dans la Grande Guerre Editions AVH, 2014.

Photos :
1: Pierrette Brunel (P.Malpel) et Pascale Ourgaut (G.Ourgaut) 2 : Pierre Villa. 4: Marcel François. 5 : Jean-Luc Mouyssac
Photographies aériennes, IGN et Google. 6 : La Dépêche. 3 et 7 : AVH et J.C.François

angle square

7. L’angle du square avec la rue Saint-Jean, hier et aujourd’hui.

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