Le mot « pech » est ce que l’on appelle un toponyme, un nom de lieu. Il désigne en occitan une colline, un mont, un lieu élevé. Ce mot vient du latin podium (endroit élevé, sommet) et on le retrouve sous différentes orthographes dans les terres de culture occitane : Puy en Auvergne et Limousin, Peuch en Corrèze, Puech en Aveyron et Lozère, Tarn et Hérault… C’est certainement sur les hauteurs de la ville, d’où son nom : « Le Pech », que les premières maisons se sont bâties au-delà de l’entrée du château fortifié, Sa topographie est restée quasi-identique à celle relevée sur les livres terriers les plus anciens en notre possession. (1583)


Côté gauche de la rue, au n° 40, la sortie des garages de l’ancien centre de secours, aménagée en 1984. Cette caserne des pompiers était un immeuble traversant, l’autre entrée historique place de la Marine datant de la fin des années 1950.
Mais depuis le printemps 2021, Le quartier ne résonne plus du « pin-pon » des véhicules de pompiers, la caserne ayant émigré sur la rive gauche dans des locaux plus vastes et modernes.
Point de départ de notre promenade dans le quartier, le croisement de la rue Saint-Michel avec la rue Henri de Navarre et son prolongement, l’avenue du Quercy. Empruntons la rue Saint-Michel où un panneau indique la direction du square Pierre de la Voie. La rue s’élève à l’assaut du coteau. Elle s’appelait déjà ainsi en 1585.
On peut se demander pourquoi la caserne des pompiers a-t-elle été édifiée à cet endroit au début des années 1950 sur l’emplacement de l’ancien garage Constans. Une simple opportunité ? Le hasard ? Peut-être…. Mais la crainte d’un incendie dans le vieux Villemur a été déterminante dans le choix de ce lieu car sans doute aussi, la mémoire collective des anciens s’est souvenue du sinistre survenu dans le quartier du Pech au début du XIXe siècle..
La relation de ce fait divers nous est rapportée par la délibération de conseil municipal du 19 frimaire an 14, (soit le 10 décembre 1805) « dont l’effet à pour but de prendre certains fonds sur le budget de l’an 13, afin de venir au secours des familles dont les maisons furent incendiées de fond en comble la nuit du 26 au 27 brumaire dernier (17 au 18 novembre 1805) dans le quartier du Pech… Considérant que par le susdit incendie survenu inopinément dans la nuit, les nommés Jean Maux dit Baurré, Guilhaume Crubilhé, Antoine Maux dit Laîné, et les héritiers de Jean-Pierre Pendaries dit Dazou, ont perdu leurs maisons entièrement consumées et en outre presque tous les meubles et provisions en sorte qu’ils demeurent dans un état de détresse… » Il sera ainsi accordé à ces sinistrés « à titre de bienfaisance, une somme de mille francs… distribuable par portions égales à chacun d’eux. » (1)

Arrêtons-nous devant le n° 44 : incrustés dans la façade, les deux boulets de canons proviennent dit-on de l’époque du siège de Villemur en 1592 ! Mais la plus belle demeure est un peu plus loin au n° 48 ; C’est une des plus anciennes maisons de la ville datant des XIIIe / XIVe siècles, elle fait angle avec l’ancienne rue Dentajac rebaptisée rue Thémines en l’honneur du Maréchal de France, sénéchal du Quercy, gouverneur de Montauban et défenseur de Villemur en 1592 contre Scipion de Joyeuse.
Côté droit de la rue Saint-Michel, à hauteur du n°27 actuel, se situait jadis le seul commerce du quartier, l’épicerie de Marie Pélissier, présente dans le recensement de 1911. Quelques maisons plus haut face à l’ancienne caserne, débouche la petite rue des Albigeois (en référence à la Croisade) ancienne rue de la Gimade. En remontant, au n°29 l’actuel presbytère de la paroisse sis auparavant rue Saint-Louis.

Presque en face de la rue Thémines, voici l’impasse du château d’eau ancienne rue del Coustou. Nous voici arrivés presque au sommet, où la rue Saint-Michel débouche sur l’actuelle rue du Pech : la petite portion de voie côté droit était l’ancienne rue del Pech (plan de 1779) elle ne comptait que quatre maisons en 1583 ; à gauche la longue portion de rue qui redescend s’appelait rue de la Crugarie, l’origine de ce nom nous est inconnue. Nous sommes ici au cœur de ce que l’on appelle « Le Grand Pech »

Dans cette partie haute du quartier, l’actuelle rue du Pech et la rue Thémines délimitent un pâté de maisons et sont reliées l’une à l’autre par quatre ruelles de quelques dizaines de mètres de longueur. Ces ruelles sont dites « traversières » que seuls les piétons peuvent emprunter. Deux de ces voies ont pour nom la rue de la Concorde et la rue traversière du Pech.
La partie basse du quartier a été profondément remaniée, en partie démolie après 1930 et le percement de l’avenue du Quercy. En forme de triangle elle est délimitée par les rues Thémines, Saint-Michel et l’actuelle place de la Marine.

De tout temps, le Pech a été un quartier à part, une sorte enclave dans la ville de part sa situation. Un quartier populaire, besogneux, faisant peur parfois à « ceux d’en bas » de façon injuste d’ailleurs, mais trainant une réputation un peu sulfureuse héritée du temps où le Pech était peuplé des bateliers aux mœurs un peu rudes !
Aucun commerce ne s’est établi dans cette partie haute de la ville, uniquement des maisons d’habitation le long des rues de la Crugarie et d’Entajac (rues du Pech et de Thémines actuelles). Quelques artisans y habitent : Victor Pendaries le plâtrier, Delmas le potier, Laffage le menuisier. C’est dans l’actuelle rue du Pech que le sculpteur Joseph Gabriel Sentis possède une maison et son atelier. C’est là que bat le cœur du quartier populaire où vivent d’autres vieilles familles villemuriennes, les Gay, Balat, Malpel, Boulès, Audard… Parmi eux quelques cultivateurs mais surtout des ouvriers de la scierie Sabatié et de l’usine Brusson Jeune. Dans le bas du Pech, la quiétude du quartier était jadis seulement troublée par les pétarades de motos venant de l’atelier de René Pendaries.

En 1927, dans le quotidien l’Express du Midi un journaliste, sous le pseudonyme de Jehan de Méfane écrit ceci :
Ce Pech, c’est le Montmartre villemurien ; c’est Villemur qui monte à l’assaut du coteau, aussi quels raidillons ! Une 40 CV s’y époumonerait et s’avouerait vaincue…Montez-y vers quatre heures de l’après-midi, l’été, vous verrez assises sur leur chaise basse, caquetant et tricotant avec ardeur, les matrones imposantes du quartier ; des goûts semblables, des habitudes communes, un travail identique, des liens de parenté unissent étroitement les diverses maisons. Et ces matrones ne sont point coquettes : une chemise de toile, un peignoir ample suffit à leur toilette. Toilette sommaire. Et comme un jour je faisais part de ma surprise à une personne du quartier, elle me répondit en riant : « Se cal pas troupla à Bilomu, sen toutis parents ! » (3)
À votre tour, même si la pente est un peu raide, parcourez les rues et ruelles du Pech, où nombre de maisons ont été rénovées en conservant un charme certain, puis poursuivez votre marche vers le square Pierre de la Voie qui domine la ville.
En contemplant la cité à vos pieds, vous découvrirez les toits de Villemur « cette pincée de tuiles » que Nougaro a chanté en parlant des toits de Toulouse . Vous pourrez aussi rêver que vous êtes sur la terrasse de l’ancien château fort qui pendant près de six siècles a fièrement couronné le coteau.
J-C François /AVH Septembre 2025
Notes :
(1) Commune de Villemur-sur-Tarn. 1 D 17 : registre des délibérations du conseil municipal, an XIII, 27 messidor-1816, 3 juillet (1805/1816) p. 7/149
(2) Commune de Villemur-sur-Tarn.1 G 2 : compoix, tome II, Gache Saint-Jean, 1583 (1583/1583)
(3) » Il ne faut pas se troubler (s’émouvoir), à Villemur nous sommes tous parents ! «
Illustrations :
Archives AVH/ A.D Haute-Garonne et J-C François
