Le petit train Villemur-Toulouse
Rappel historique.
Les premières voies ferrées sont apparues en France autour des années 1830. À cette époque-là on ne pense pas encore à utiliser le rail pour le transport de passagers sur de grandes distances. On l’utilise alors à des fins industrielles, tel le transport de minerai entre centres de production et des grandes villes ou réseaux navigables. Ainsi, la première ligne en janvier 1827 relia Saint-Etienne, centre d’extraction de houille, à Andrézieux sur la Loire. (1)
Dans notre région, en 1831, un projet de ligne entre Toulouse et Montauban avorta rapidement considérant que l’industrie montalbanaise ne suffirait pas à faire vivre la ligne.
En 1842 la question du chemin de fer redevient d’actualité, la France devant rattraper son retard par rapport aux grands états européens. Le projet gouvernemental prévoyait la constitution d’un réseau rayonnant à partie de Paris. Mais l’obstacle du Massif Central privait Toulouse et tout le Midi d’une liaison directe dont bénéficiaient Marseille et Bordeaux. Le projet capota, et Toulouse était finalement atteinte par le rail en 1856 lors de l’ouverture de la ligne Bordeaux-Sète. Dans la décennie 1860-70 un réseau en étoile se dessine autour de Toulouse empruntant les voies naturelles que sont les vallées de la Garonne et de l’Ariège permettant de la relier aux départements limitrophes et au-delà (Tarbes Pau, et Bayonne en 1867…) Toulouse est enfin reliée à Paris par Capdenac en 1864, mais la ligne directe par Montauban et Brive ne sera ouverte qu’en 1884, également année de la liaison entre Montauban et Castres par Villemur.
La plupart de ces lignes étaient exploitées par la « Compagnie des chemins de fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne.»
Les chemins de fer d’intérêt local
Dès le second Empire, l’idée de compléter les grands réseaux de chemin de fer par des lignes plus modeste, fait son apparition, le besoin se faisant sentir d’unir plus étroitement au rail certaines localités secondaires éloignées des grandes villes. Au début des années 1880 les élus de nombreuses communes rurales de la région toulousaine à l’écart de grandes lignes réclament la création de voies ferrées d’intérêt local. Cela fera même l’objet d’un débat au cours d’un conseil municipal à Villemur le 30 mars 1884 ; « …faute de données suffisantes, il laisse le soin au Conseil Général de la Haute-Garonne de résoudre la question en dernier ressort.» !
Après maintes réticences notamment du Conseil général de la Haute-Garonne, (L’exemple du déficit d’autres lignes de ce genre n’étant pas encourageant) le pas est enfin franchi en 1901.
C’est la Compagnie des Chemins de Fer d’intérêt local du Sud-Ouest qui construit enfin la première ligne (écartement 1m) du « tramway à vapeur » (2) de Toulouse à Boulogne-sur-Gesse.
Dans les 10 ans qui vont suivre, d’autres lignes vont être ouvertes. Partant en étoile autour de Toulouse, elles vont relier la capitale régionale à des localités longtemps déshéritées en moyens de communication.
La ligne Toulouse – Villemur
Très rapidement, en avril 1903, les conseillers généraux des cantons de Fronton et Villemur, respectivement Théodore Dubernet et Jean-Marie Elie Brusson, vont « monter au créneau » et solliciter l’assemblée départementale pour étudier la création d’une nouvelle ligne de tramway reliant leurs deux villes à Toulouse.
Le conseil municipal de Villemur se réunit le 28 juin 1903, écoute le maire Brusson exposer le projet et les avantages que pourrait en retirer Villemur, pour son avenir agricole et industriel. En conclusion des débats, le conseil municipal « prie Monsieur le Préfet et les membres de l’Assemblée Départementale, de bien vouloir donner une suite favorable au projet qui leur a été présenté à la session d’avril. » À la même époque le conseil municipal de Fronton adopte la même attitude.
Enfin, le 2 août 1903, dans une des salles de la mairie de Fronton, une réunion « au sommet » réunit les élus des deux villes ainsi que les élites de la population agricole, commerciale et industrielle des deux cantons de Fronton et Villemur.
Après les prises de parole des deux maires Adrien Escudier et Jean-Marie Elie Brusson, et du député de la 3eme circonscription Jean Cruppi, ce dernier conclut en ces termes : « …Je dois vous dire que nous avons la volonté, les uns et les autres de mener à bonne fin l’étude de ce projet. Nous n’avons qu’un but, qu’une seule idée, il faut que ce projet aboutisse. »
Les travaux démarrent mais il faut s’armer de beaucoup de patience. Le chantier n’est pas si simple que cela, il faut construire des ouvrages d’art (ponts) sans compter le ballast et les rails sur environ 45 kilomètres. L’itinéraire est très tortueux, avec montées et descentes; partant de Villemur à 97 mètres d’altitude, on atteint les 207 m à Bouloc , pour descendre à 126 m à Gargas et remonter à 212 m à Pechbonnieu. De véritables montagnes russes ! L’emplacement de la gare de Villemur et des haltes de Sayrac et Magnanac est approuvé en conseil municipal en mars 1909. Les expropriations posent aussi problème. Le Tribunal civil de Toulouse, par son dernier jugement du 25 février 1911, déclarant expropriées les terres de 11 propriétaires en vue de la construction de la ligne Villemur-Toulouse, le chantier peut se terminer.
L’inauguration
Enfin, la ligne de chemin de fer de Toulouse à Villemur se termine et l’on procède à son inauguration officielle et solennelle le 6 octobre 1912.
C’est la locomotive Corpet-Louvet n° 206 qui a l’honneur de traîner le premier convoi composé de 6 voitures et du fourgon de Postes de la gare Bonnefoy à Villemur, avec arrêts à Croix-Daurade, Loubers (3)(L’Union), Launaguet, Pechbonnieu-Saint-Loup, Montberon, Labastide Saint-Sernin, Cépet-Gargas, Vacquiers-Villeneuve, Caminas, Bouloc, Les Perrous, et enfin Fronton où il arriva vers 10 heures, accueilli par de frénétiques applaudissements. ( Fronton fait coïncider l’arrivée du petit train avec la fête locale)
Une heure plus tard, arrive le train officiel portant les officiels, politiques et administratifs, parmi lesquels Léon Hyérard, préfet de Haute-Garonne, Jean Gruppi président du Conseil Général et député, les sénateurs Camille Ournac, Honoré et Raymond Leygue, les députés Joseph Gheusi et Antoine Ellen-Prêvot, Eugène Rouart conseiller général, M.Pendaries ingénieur…etc .
Discours de bienvenue du maire, musique de l’Harmonie compliments des fillettes des écoles, on joue même un acte du « Vieux Marcheur » (4)
Tout ce beau monde se transporte ensuite à l’Hôtel-de-Ville où le conseil municipal leur est présenté.
À midi le cortège se reforme, accompagné par la musique de la Lyre frontonnaise, direction la halle où a lieu un banquet de 250 couverts, précédé du chant de La Marseillaise. À l’issue du repas divers discours sont prononcés et la mémoire de Théodore Dubernet décédé en 1907 est rappelée par Antoine Lafage le maire de Fronton.
À 15 heures, les officiels remontent dans le train direction Villemur, avec arrêts à la gare de Villaudric et aux haltes de Sayrac et Magnanac. En gare de Villemur une estrade a été dressée par les soins de la Compagnie du Sud-Ouest.
C’est Charles Ourgaut le maire qui en termes excellents souhaite la bienvenue aux personnalités.
On rejoue le même acte du « Vieux Marcheur » on écoute les discours du maire et du préfet Léon Hyérard.
Puis, drapeaux en tête, accompagnés par la musique de l’Union Harmonique, on se dirige vers les Allées Notre-Dame où se déroule le Concours Agricole. On admire les animaux gras, mais aussi de nouveaux matériels : un concours de moto-pompes subventionné par le Ministère de l’Agriculture a été organisé, « mettant ainsi sous les yeux des visiteurs des appareils permettant d’arroser les terres, notamment les jardins, ou d’alimenter en eau les lavoirs, les fermes et les petites communes rurales. »
C’est la grande foule, « les cafés regorgent de consommateurs » rapporte le journaliste de l’Express du Midi. C’est la fin des festivités, le train repart et « On rentre à Toulouse à 7 heures le soir. »
Les premiers temps, les horaires
L’arrivée de ce train, appelé familièrement « le petit train » ou « le tortillard », est une aubaine pour les villemuriens. Symbole du progrès, il va rapidement avoir un grand succès, même s’il fallait plus de 2 heures pour parcourir les 45 km du trajet. Mais ces 2 heures étaient vite passées tant la convivialité était grande à l’intérieur des wagons, sans parler des imprévus du parcours !
Les petites côtes du parcours, celles de Magnanac, et plus encore de Villaudric étaient redoutables surtout l’hiver lorsque les rails étaient gelés : les hommes descendaient alors du train et parfois même poussaient les wagons ! Pour les jeunes, le jeu consistait à monter dans le train en marche, il est vrai que sur certaines sections la vitesse dépassait à peine les 10 km/h…
Dès la mise en service de la ligne, voilà que les doléances sinon les problèmes voient le jour. Les réclamations concernent avant tout les horaires. Sachant que la ligne du Midi Montauban-Castres et retour fait halte 6 fois par jour en gare de Villemur, et que d’autre part il y a 3 départs du petit train et 3 arrivées par jour, il faut « caler » tout cela ! D’autant que la ligne Villemur-Toulouse croise à angle droit, 500 mètres après le départ, la ligne Montauban-Castres…. (Voir photo ci-contre) Cela ne vous rappelle pas les problèmes des trains qui se croisent de nos classes de cours Moyen ?
Forcément certains horaires « coincent ». Tel départ de Toulouse est trop tôt vu l’éloignement de la gare Bonnefoy, tel autre est mal adapté le jeudi, jour de marché à Fronton !
L’unanimité porte sur la durée du trajet : en conseil municipal on demande « que la durée du trajet fût réduite de façon à donner aux trains une marche un peu plus accélérée, ce qui paraît possible »
Le conseil a été saisi de réclamations au sujet des dangers que présente pour la circulation des voitures la traversée de la route départementale Montauban Castres par ma ligne de Tramway au moment du départ des trains de l’arrêt de Magnanac. On met en avant le défaut de visibilité et on demande à la Compagnie du Midi de donner des instructions précises à son personnel « pour qu’avant de remettre en marche, le train sifflât longuement »
On note également que l’éloignement de la Gare Bonnefoy nuit au trafic des voyageurs. « Cette gare située sur la rive droite du canal du Midi en face de la passerelle Negreneys est d’un accès difficile et n’a aucune communication avec le centre ville » On demande de prolonger la ligne jusqu’au Pont Matabiau où une halte pourrait être construite. Ce vœu sera exaucé en 1916.
Vient enfin sur le tapis le problème du coût du trajet. Le prix du billet est trop cher !
En 1917 on protestation contre le relèvement des prix qui passent de 1f 70 à 2f 55 pour un aller simple en 2è classe et de 3f à 4f 85 pour un aller retour. Le maire Charles Ourgaut menace même, s’il n’est pas entendu, «… de saisir l’Assemblée Départementale et d’insister pour que les relations avec le chef-lieu du département soient mieux assurées, et dans des conditions poins onéreuses pour la commune par la création notamment d’un service direct assuré par les autobus aussitôt que les circonstances le permettraient. » (Délibération C.M f° 232 du 11/11/1917)
Malgré tous ces griefs, le « Petit train » rendra des sacrés services tout au long de la Grande Guerre, pour les soldats villemuriens d’autant qu’à partir du 15 mai 1913 la ligne Villemur-Toulouse est ouverte au service des marchandises, bien pratique pour les échanges commerciaux avec la capitale régionale.
Les différents types de traction
La totalité des lignes de la Haute-Garonne, du moins à l’origine, a été équipée de locomotives à vapeur pour assurer la traction des trains. Quelques locomotives 030 Pinguely ont circulé sur la ligne Toulouse-Boulogne-sur-Gesse à partir de 1900, mais ce sont essentiellement des locomotives fabriquées par Corpet-Louvet qui ensuite ont assuré la traction. Ce constructeur est moins connu que les firmes Schneider, la Société de construction des Batignolles ou Fives-Lille, mais il est avant tout un industriel ferroviaire de dimension familiale, qui cependant a su trouver des marchés et satisfaire ses clients avec des machines simples, bien construites et robustes. Ses locomotives sont sorties des ateliers pendant une centaine d’années, de la deuxième moitié du xixe siècle à la première du XXe siècle. C’est aussi une histoire humaine et industrielle vécue par plus de trois générations d’ouvriers, ingénieurs et entrepreneurs. On peut dire que la Corpet-Louvet est la loco emblématique des chemins de fer secondaires et à circulé dans toutes les régions de l’hexagone. C’est en tout cas celle qui était utilisée sur la ligne Toulouse-Villemur.
Au début des années 1930, des essais ont été effectués pour remplacer les locos vapeur par des automotrices électriques à accumulateurs. 5 unités fabriqués par De Dion-Bouton furent commandées en 1933 et affectées à la ligne Toulouse-Boulogne-sur-Gesse et plus tard à celle entre Toulouse et Lévignac. Enfin des autorails furent mis en service sur les lignes Toulouse-Revel et Toulouse-Cadours-Lévignac dans les années 1935-36. Onze autorails De Dion-Bouton type NT circulèrent ainsi sur le réseau Sud-Ouest.
Les gares toulousaines
Deux gares toulousaines ont desservi le petit train de Villemur.
En 1912, la première gare terminus dans la ville rose était celle de Toulouse-Bonnefoy. Elle est située sur la rive droite du Canal du Midi, en face de la passerelle Négreneys. Cette dernière, critiquée lors de son érection, dotée de 36 marches inégales, est d’un accès difficile et n’a aucune communication avec le centre ville. Peu pratique pour les voyageurs de la ligne et les critiques ne tardent pas à pleuvoir (voir illustration n° 11)
Quatre années plus tard, la ligne était prolongée d’environ 2 kilomètres jusqu’au Pont-Matabiau. Cela rapprochait considérablement les voyageurs de la gare centrale et des tramways urbains
Avec la mise en service en 1930 de la ligne Toulouse-Castres (Automotrices électriques) gérée par la compagnie des Voies Ferrées Du Midi (V.F.D.M) cette ligne sera prolongée jusqu’à la gare de Pont-Bayard.
Quelques précisions sur la gare de Pont-Matabiau : cette ligne fut concédée par l’Etat au département de la Haute-Garonne qui en assura la construction. Une partie des équipements de cette installation devait être édifiée sur les dépendances du domaine public fluvial : 1 kilomètre de voie fut installé sur le franc-bord rive droite du bief des Minimes, entre l’écluse Matabiau et la passerelle Nègreneys et une gare pour les voyageurs fut construite, en 1913 -1914, à proximité immédiate de la maison éclusière de Matabiau. Cette gare portait le nom de Toulouse-Pont Matabiau.
Le Service de la Navigation offrit de racheter le bâtiment de la gare en 1955 pour pouvoir loger le Conducteur des Voies Navigables de Toulouse. Un acte de cession a été établit le 08 novembre 1955. Le Ministre des Travaux Public, par une lettre du 5 janvier 1956, approuva ce projet et donna son autorisation à cette opération pour un montant de 500.000 Fr.
L’ancienne gare de Toulouse-pont Matabiau devint donc un logement de service avant d’être offerte en location à divers occupants. Il est aujourd’hui loué à l’association « La maison du vélo » déjà installée à la maison éclusière de Bayard à Toulouse. (5)
La gare Roguet, dans le quartier Saint-Cyprien, était le point de départ de différentes lignes, à destination de Boulogne-sur-Gesse, Cadours, Sainte-Foy-de-Peyrolières, Lévignac…
Les gares de Villemur
Peut-on imaginer aujourd’hui, alors que le dernier train a disparu de Villemur depuis 1991, que Villemur a possédé deux gares en service pendant 25 ans de 1912 à 1937.
Le 21 mars 1909, le conseil municipal approuve les emplacements choisis pour les haltes de Magnanac et Sayrac et la station de Villemur, « surtout pour cette dernière dont le choix lui parait très heureux en raison de la proximité de la gare de Compagnie des Chemins de fer du Midi ». La construction peut alors débuter dans le courant de l’année 1909.
Après la fermeture des deux lignes, seule demeure aujourd’hui l’ancienne gare du Midi propriété d’un particulier, alors que la gare du Sud-Ouest, celle du « petit train » a disparu depuis belle lurette, à la fin des années 1950 lors de l’ouverture de l’avenue Saint-Exupéry, desservant les H.L.M .
Les accidents sur la ligne
Pas de déraillements spectaculaires mais quelques accidents relativement graves rapportés par Christian Teysseyre :
« Le 17 septembre 1924, Galinier, mécanicien sur la ligne Villemur-Fronton a été brûlé au bras gauche au départ de la gare de Vacquiers par l’explosion d’un bidon de pétrole qui se trouvait à proximité de la conduite de vapeur des freins.
En janvier 1928, François Clamens de Sayrac, âgé de 70 ans, revenait de Toulouse. Arrivé à la halte de Sayrac, il a eu la malencontreuse idée de descendre avant l’arrêt complet du train. I a eu la main gauche broyée, les orteils du pied gauche écrasés et le pied droit désarticulé. De plus il porte quelques blessures à la tête. Il a été transporté à Toulouse où on l’a amputé de la main et du pied. » (6)
Il arriva la même mésaventure au jeune Louis de Naurois, devenu célèbre juriste, et qui plus tard rentra dans les ordres. Sautant du train en marche, et gravement blessé, il fut amputé d’une jambe.
Du déclin à l’arrêt de la ligne
La situation va se modifier après la guerre de 1914-1918. Avec des ressources réduites, un matériel modeste, on ne pouvait songer au remplacement et à la modernisation du matériel. Le chemin de fer local est démodé, lent et sans confort. Les tarifs ont trop peu augmenté depuis l’avant-guerre et à partir de 1920 arrive l’heure du déficit.
Et surtout arrive le temps de l’automobile. À Villemur, Jean Cazaux qui tient un commerce à l’enseigne du « Palais du cycle et de l’Automobile » a construit un autobus et dès 1912 assure la liaison Villemur-Toulouse. Peu après les services réguliers d’autobus sont assurés par la société des Transports Economiques Départementaux (T.E.D), et en 1923 deux lignes assurent le trajet Villemur-Toulouse, une passant par Montastruc, l’autre par Montjoire.
Par ailleurs à partir de 1931, la Compagnie du Sud-Ouest tente de se moderniser et met en service des automotrices électriques sur certaines lignes (vers Boulogne s/ Gesse et Lévignac) puis des autorails diesels vers Revel, Cadours et Lévignac (1935-36). Toutes les autres lignes assurées par la vapeur vont fermer les unes après les autres (voir tableau des lignes, illustration n°3).
Pour être complet, la ligne Toulouse-Castres exploitée par la Compagnie départementale des Voies Ferrées du Midi, fut électrifiée par fil aérien en 1932 mais le déficit augmentant sans cesse, la ligne ferma en 1939.
Ces différentes lignes suscitèrent un fort engouement pendant des années, rapprochant la population des campagnes de la grande ville qu’est déjà Toulouse. Puis concurrencé par l’autobus le trafic voyageur ne cesse de décroître à partir des années 1927-28.
Sur la ligne de Villemur, de 100.000 voyageurs transportés en 1930, on tombe à 38.500 en 1936. La concurrence des lignes d’autobus desservant les mêmes localités conduisent la ligne à une mort certaine. Il faut s’y résigner dans les premiers jours de 1937. La desserte va désormais être assurée par les autobus de la T.E.D, les départs et arrivées à Toulouse ont lieu à la gare des Autobus, 20 rue Bonrepos. La halte de Pont-Matabiau est conservée, la gare de Bonnefoy est par contre, supprimée.
Conjointement au transport voyageur, celui des marchandises connut un franc succès pendant des années. Les matériaux d’empierrement (pour les routes) les matériaux de construction, engrais fourrages, expédition de céréales sont les postes les plus actifs.
Jusqu’à sa fermeture au trafic, la ligne de Villemur transportera une grande quantité de céréales et de semoules que la Manufacture Brusson Jeune fait venir par le Canal du Midi via Toulouse. N’oublions pas non plus les barriques de vins, Fronton et Villaudric, que l’on hissait sur les wagons plats. Là encore, le transport par camions va supplanter peu à peu le réseau ferré.
Mais tout ce réseau local n’a pas été construit en vain. Il a redonné vie dans bien des cas à des bourgades oubliées, et a contribué à l’essor de l’économie régionale.
Que reste comme souvenirs ? À Villemur rien sinon quelques photos, même les rails ont été enlevés par les occupants allemands à partir de 1942 . Ailleurs ne subsistent que quelques bâtiments, les gares de Villaudric, Bouloc quelques haltes (Les Perrous près de Bouloc) la gare de Pont-Matabiau…
Adieu donc au tortillard. Les vieux amis qui ont connu « le petit train » m’en ont parlé avec la nostalgie de leur jeunesse, avec le souvenir d’une époque où tout allait plus lentement et où on prenait le temps de vivre.
Adieu locos fumantes, adieu wagons brinquebalants, adieu coups de sifflets qui précipitaient les au-revoir.
Alors, il nous revient en mémoire cette vieille chanson que nous chantions enfant :
Un p’tit train s’en va dans la campagne,
Un p’tit train s’en va de bon matin… » (7)
JCF/ AVH août 2019
(1) La traction des wagons était assurée par des chevaux.
(2) » Tramway » était le nom usité à l’époque, mot anglais de tram, rail et way, voie.
(3) Pendant la guerre, c’était un point stratégique de la résistance toulousaine; la gare servait d’atelier-armurerie à la 35e Brigade FTP-MOI dirigé par Marcel Langer, groupuscule toulousain de résistance qui a mené de nombreuses opérations de sabotage .Le 5 février 1943, il est arrêté à Saint-Agne, en possession d’une valise d’explosifs. Il sera guillotiné en 1943, à la prison Saint-Michel.
(4) Roman dialogué puis comédie en 5 actes (1895) d’Henri Lavedan de l’Académie Française.
(5) Communication de M. Samuel Vannier.
(6) Christian Teysseyre, Nouvelle Histoire de Villemur, Tome 2 p.707.
(7) La chanson le petit train de Marc Fontenoy (1952) chantée par André Claveau.
Remerciements à Monsieur Samuel Vannier, Chargé des archives et des projets culturel Voies navigables de France, direction territoriale Sud-Ouest, Toulouse.
Sources :
ESCUDIER Adrien, Histoire de Fronton et du Frontonnais, tome 2, Imprimerie Fournié, Toulouse, 1938.
SURET-CANALE Jean, Les chemins de fer de la région toulousaine, Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest. Sud-Ouest Européen, 194. pp. 313-357
TEYSSEYRE Christian, Nouvelle histoire de Villemur, tome 2, Editions Fleurines, 2016.
Loco-Revue, n° 157 de novembre 1956.
Registres des délibérations du conseil municipal de Villemur, ( 1D 23 3/1/1875 au 21/9/1884 et 1D 25 27/5/1906 au 15/6/1919).
Rosalis, la bibliothèque numérique de Toulouse (Presse régionale : »Le Cri de Toulouse » et « L’Express du Midi »)
http://trainscfso.free.fr/tlsevillemur.html
http://tramwaytetg.free.fr/
http://www.lasalvetatautrefois.fr/
http://village.jvillain.eu/
Crédit photo :
1, 5 : Wikipédia. 2 : http://trainscfso.free.fr 3, 19 : J.C Francois d’après J. Suret-Canale 4 : « La Chanson des blés d’Or » 6, 17 : JC François d’après trainscfso.free.fr. 7, 8 bis, 9, 21, 22 : Coll JC François 8, 10, 12, 13, 23 : Rosalis. 11, 18 : JC François d’après IGN 14 15 : Tramway vapeur Tarn et Garonnais. 16 : Loco-Revue. 24 : Mme Cazaux. 13 bis, 25 : Guy Vignals.
En BONUS :
Le texte qui suit a été écrit par Marius Bergé, le directeur de la publication de l’hebdomadaire satirique «Le Cri de Toulouse» , illustré de nombreuses caricatures, qui a paru à Toulouse d’abord en 1906, puis entre 1911 et 1930. Ce journal est un témoignage particulièrement représentatif de la presse du début du XXe siècle, en même temps qu’un témoin précieux de l’histoire régionale sur les plans politique et culturel.
La première apparition du personnage de Piroulet, le 21 avril 1917 dans Le Cri de Toulouse, page 2 (dessiné par Savignol), a été repris en 1956 par Charles Mouly pour Georges Vaur).
L’auteur, raconte dans sa chronique humoristique « son voyage d’études sur les lignes du Sud-Ouest » au titre d’élu soucieux de s’instruire. En préambule il ajoute « Je ne faisais pas partie de la Haute Assemblée lorsqu’on s’y est occupé de cette inénarrable Compagnie de chemins de fer dont les trains asthmatiques sillonnent nos plus belles routes et y sèment une légitime terreur parmi les bêtes et les gens.»
Désireux de faire un petit voyage, et après un premier échec à la gare du train pour Revel, le chef de gare lui conseille d’aller voir à la gare de Villemur « Peut-être trouverez-vous quelque chose de ce côté ? »
« J’ai pensé de faire comme il me disait et me voilà parti en direction des Minimes en longeant le canal tout le temps.
À chaque pescofi que je rencontrais je demandais s’il pouvait m’indiquer la gare de Villemur ?
– Tout droit devant vous, me répondaient invariablement ces braves gens.
J’ai marché comme ça pendant près d’une heure ; finalement après avoir dépassé les Magasins Généraux, j’ai aperçu une espèce de bâtisse recouverte de tuiles rouges. Je me suis dit, ce doit être là. C’était là en effet. Mais j’ai eu beau faire quatre ou cinq fois le tour de la bicoque, je n’au trouvé aucune porte ouverte.
J’ai frappé, personne ne m’a répondu.
En désespoir de cause je suis allé chez une voisine et je lui ai demandé s’il y avait un chef de gare ?
– Parfaitement m’a t’elle répondu, mais aujourd’hui, il est de repos hebdomadaire.
– Alors sur le Sud-Ouest quand les chefs de gare sont de repos, les gares sont fermées ?
– Naturellement.
– Comment fait-on pour prendre des billets ?
– On fait comme on peut. Je crois que le chef de train vous les donne en cours de route.
– Et pour les marchandises ?
– Ben… on attend que le repos du chef de gare soit fini.
– Enfin Madame, je vous remercie bien, excusez-moi…
– De rien, Monsieur, de rien, c’est avec plaisir au contraire.
– Au fait, avant de vous quitter, pourriez-vous me dire s’il y a un train aujourd’hui pour Villemur ?
– Des fois il y en a, des fois il n’y en a pas… Vous savez, ce n’est pas très régulier. Tout ce que je puis vous dire c’est qu’il en est parti un hier matin et qu’on ne sait pas ce qu’il est devenu.
– Il n’est pas à Villemur ?
– S’il y était on le saurait ; précisément on a téléphoné de là-bas toute la soirée pour demander comment il se faisait que le train n’arrivait pas ?
– Enfin il est bien quelque part ?
– Evidemment ; il doit essayer de monter une côte sans pouvoir y arriver, à moins qu’il ne soit par là dans quelque fossé…
– S’il y avait eu un accident on l’aurait dit ?…
– Autrefois en effet quand il arrivait quelque chose ça se disait. Maintenant il arrive tellement de choses que ça ne se dit plus.
Marius Bergé, « Le Cri de Toulouse », novembre 1920