Usine des Cheveux d’Ange : la crainte d’un départ définitif
Les ouvriers de la société Brussanges, à Bessières, sont sous le choc trois jours après la découverte de chaînes et de nouvelles serrures posées par leur direction pour leur empêcher l’entrée de l’usine. Interrogée par téléphone depuis le site, vendredi, les dirigeants de cette société espagnole qui produit les célèbres Cheveux d’ange n’avaient pas répondu à nos appels. Ils l’ont finalement fait, ce matin. Une responsable en charge du site de Bessières et la dirigeante espagnole Joséfa Nicolas Sanchez, expliquent que «les machines ont été enlevées pour être réparées. Les ouvriers savaient qu’il y avait des dysfonctionnements.
Nous ne pouvions réparer sur place.Il a fallu les démonter et les amener ailleurs. Mais elles sont en France, tout comme le bâtiment modulaire enlevé des locaux». C’est cette même construction temporaire qui a éveillé les soupçons lorsqu’elle a été vue embarquée sur un camion. Aussitôt, les ouvriers avaient alors rejoint leur usine et découvert, selon l’un d’entre eux, que «la moitié des machines avait été enlevée. Et d’autres démontées».
La direction de Brussanges avance également, mais sans s’étendre, un autre élément, sans doute le plus important dans cette étrange opération, «la baisse conséquente des commandes du distributeur Panzani». Il aurait, selon elle « fait savoir qu’il les réduirait dans l’année». Et d’expliquer: «nous nous sommes mis en quête de nouveaux clients et avons commencé aussi à refaire le packaging afin de faire disparaître certains noms dessus. Nous ne pouvons en dire plus ce jour. Nous devons attendre le retour des réparations pour savoir ce que nous ferons…»
« Cet été, nous ne produirons rien »
Quoi qu’il en soit, cette situation ne sent pas bon. D’autant que chez Brussanges on insiste sur un autre fait: «nous ne produisons plus 14 tonnes par mois comme avant. Et tout l’été il n’y aura rien. Nous devons rencontrer, comme prévu, les salariés la semaine prochaine… », assure Joséfa Nicolas Sanchez.
Les ouvriers, eux, ne croient pas une seconde à cette version des faits qui, de toutes façons, n’efface pas une méthode qu’ils ne digèrent pas: «je pense qu’on nous ment! Sinon, pourquoi avoir changé les serrures et bloqué l’entrée? Cela ne se fait pas en France!», insiste Chantal Lacroix.
La chef d’équipe de quatre ouvriers, qui a permis aux Cheveux d’ange leur nouvelle jeunesse après l’incendie survenu en 2015, doute aussi des arguments techniques avancés: «Il y avait en effet des réglages à faire….mais on pouvait les faire sur place! Et puis, pourquoi démonter une chaudière pour réparer une presse et une plieuse? Sans compter que démonter de telles machines sans les connaître, c’est s’assurer des complications au remontage.
Non,vraiment, je crains que la situation soit bien plus compliquée que cela. Pour nous, ils veulent produire ailleurs. Nous avons déposé une plainte.
Un avocat nous suit. On espère maintenant de vraies réponses…».
Une machine convoitée
Nés après guerre, à Villemur, les Cheveux d’ange ont souvent été copiés mais jamais égalés cela, grâce à une machine inventée et construite localement. Sans elle, impossible de réaliser d’aussi fines pâtes. Il est donc facile d’imaginer combien elle peut susciter les convoitises… D’abord vendus sous la marque Supralta (contraction de super-alta !) les célèbres vermicelles sont les derniers survivants des établissements Brusson. Passés successivement sous contrôle de la « Financière Villemur », puis de la « Mie Occitane » et de l’espagnol « General Bakery », leur fin est annoncée par une liquidation en 2014.
C’est là que Brussanges,qui tisse déjà des liens étroits avec le géant espagnol, intervient avec un rachat. La production repart alors faisant d’abord vivre huit salariés puis quatre in fine, des femmes et hommes aujourd’hui menacés. Une fois de plus.
Reproduction de l’article d’Emmanuel Haillot dans « La Dépêche du Midi » du 19 mai 2018.
Article paru sur le site → http://os.villemur.over-blog.org/ Merci à Marie-Gabrielle Gimenez