Villemur, du Xe siècle à la fin de la seigneurie

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Villemur, du Xe siècle à la fin de la seigneurie.

1. Le villemurois dans le contexte du Languedoc ( Xe – XIe siècles)

mains jointes du vassal

miniature catalane

Les grandes principautés qui se partagent le Sud de la France entre le Xe et le XIIIe siècle résultent du démembrement de l’Empire carolingien au IXe siècle. Les nouveaux comtes et vicomtes méridionaux, comtes de Toulouse, comtes de Foix et vicomtes d’Albi-Nîmes (futurs Trencavel), apparaissent entre le milieu du Xe et le milieu du XIe siècle.
L’ascension des vicomtes et d’autres familles puissantes provoque l’affaiblissement des familles comtales durant la période suivante.
Installée dans l’Albigeois, la dynastie des vicomtes Trencavel parvient en deux siècles à réunir six vicomtés : Albi, Nîmes, Béziers, Agde, Carcassonne et le Razès. C’est le vicomte d’Albi-Nîmes, Bernard Aton III, qui recueille le premier serment de fidélité des seigneurs de Villemur.

Illustrations : à gauche, cérémonie d’hommage.Les mains jointes du vassal dans celles de son seigneur symbolisent le lien féodal. Miniature (XIIIe siècle). Photo. Coll. Archives Nathan. Adroite :Prestation d’hommage, miniature catalane du XIIIe siècle.

vicomte des trancavel

Vicomté des Trancavel avant 1060

 

2. Les VILLEMUR, puissant lignage entre Bas-Quercy, Haut-Toulousain et Albigeois.

panfili carte

Pays de Tarn et de Garonne, Bas-Quercy et Haut-Toulousain

Une rapide esquisse de la situation politique du Midi dans les siècles sombres qui représentèrent les IXe-Xe siècles, voire encore les débuts du XIe siècle, était-elle nécessaire pour mieux situer dans son contexte historique la naissance de la seigneurie castrale de Villemur.
Si le territoire sur lequel s’est érigé au Moyen Age le village fortifié de Villemur a connu différents modèles d’occupation durant les époques plus anciennes, la naissance même du castrum, ancêtre de notre actuelle ville, remonte probablement à la deuxième moitié du Xe siècle.
Les historiens du Languedoc constatent à quel point les généalogies des familles dirigeantes de cette période sont encore de nos jours très imprécises et contradictoires.
Ce constat se voit encore confirmé dans l’étude de la famille des Villemur, difficile à identifier durant les siècles de reconstitution des pouvoirs locaux, surtout au Xe siècle.
La reconstitution généalogique des puissantes familles émergeant à partir de l’an Mil est complexe. L’étude de la famille des Villemur en témoigne.
S’il est difficile de se prononcer précisément sur la souche nobiliaire dont cette famille est issue, l’ascendance aristocratique des Villemur ne fait pas de doute. Le rattachement à la ligné vicomtale d’Albi et au-delà à celle des comtes de Carcassonne peut être envisagé.

C’est à la frontière occidentale des domaines des vicomtes d’Albi-Nîmes, que la seigneurie castrale des Villemur s’installe.
À l’intérieur de ces territoires vicomtaux se constituent des seigneuries châtelaines ou castrales liées entre elles par des liens de parenté et formant des réseaux qui convergent dans l’entourage vicomtal. Placé à la frontière entre Bas-Quercy, Haut-Toulousain et Albigeois, le castrum de Villemur témoigne de l’avancée importante des vicomtes vers l’ouest d’Albi et le nord de Lavaur, encerclant Toulouse.

 

3. Des marqueurs lignagers. 

Le nom Villemur que portera la famille donnant naissance au castrum du même nom, Villa Muro, n’apparaît que dans la deuxième moitié du XIe siècle. C’est alors que, partout ailleurs, les noms de famille surgissent. Aux IXe -Xe siècles, les prénoms constituent des marqueurs lignagers ou distinctifs familiaux.
Pour les Villemur, le prénom Inard est probablement un de ces marqueurs lignagers permettant de repérer, déjà au milieu du Xe siècle, l’un de ces membres. Au début du XIe siècle, d’autres prénoms sont fréquemment donnés chez les Villemur : Aton et Aton Inard. Le premier, Aton, était souvent donné dans la famille des vicomtes d’Albi, mais aussi dans le Toulousain et le Quercy (chez les vicomtes de Toulouse), dans le Toulousain méridional et le comté de Foix (Aton et Radveus) dont la descendance se fixe dans le Comminges et au nord du pays de Foix, ainsi que dans les comtés de Pallars et de Ribaborça, à l’ouest d’Urgel, nés dans l’orbite du comté de Toulouse au IXe siècle et s’en détachant au Xe.
D’autres prénoms tels que Guillaume et Bertrand, puis Pons, Arnaud, Bernard, Pierre, Isarn et Sicard sont des marqueurs onomastiques représentatifs des différentes branches du lignage des Villemur.

genealogie des villemur

Arbre généalogique des Villemur

 

4. Naissance du castrum de Villemur au temps de la Coseigneurie. (XIe – début XIIIe siècle)          

Le premier acte faisant mention d’un château ou castello de Villa Muro remonte aux années 1027-1077, probablement vers 1035. Il s’agit d’un serment d’hommage prêté pour ce château par trois frères, Aton et Pons, tous deux fils d’Odile, et Bernard, fils d’Ermendrudis, à l’évêque de Nîmes, Frotaire, frère du vicomte d’Albi, Bernard Aton III .
À cette époque le droit d’aînesse n’existe pas en Languedoc. Pourtant, une certaine hiérarchie a pu être respectée au moment du partage des droits à l’intérieur des familles. Ce partage des droits ou « coseigneurie » permet d’expliquer que des cousins ou des oncles portant le nom Villemur puissent être implantés dans plusieurs régions à la même époque.

Les mottes castrales :

On construit alors des mottes de terre surmontées d’une tour en bois, soit au confluent de deux cours d’eau comme à Sagnes ( Villematier) et à La Magdeleine, ou bien sur les coteaux qui dominent le Tarn, où une motte castrale a vraisemblablement précédé le château fortifié de la seigneurie des Villemur.

mottes castrales

Illustrations : à gauche, en haut, motte castrale de Villemur (hypothèse) Photo années 1970, Georges Labouysse.
à droite, en bas, reconstitution d’un château à motte (St Sylvain d’Anjou près d’Angers. Photo de droite : Vue aérienne de Villemur (années 50). Dans le cercle jaune, l’emplacement supposé de la motte castrale. Source photo : Pierre Villa.

La politique d’alliances matrimoniales a permis de construire ou de renforcer des réseaux de solidarités entre les lignages. Ainsi, vers 1112, Bertrand de Villemur (1073-1126) renouvelle le serment pour le castel de Villamur, jadis prêté par son grand père Aton, vers 1035. Bertrand prête serment pour le castel de Villamur au vicomte d’Albi, Bernard Aton IV Trencavel (1074-1129). Le neveu de Bertrand, Raimond Guillaume de Villemur (1073-1126), se marie avec une dame de Belmont. Il se trouve aux côtés du comte de Foix et devient coseigneur de Saverdun (Ariège). Sa descendance donnera les Arnaud de Villemur en Ariège dont l’un fut sénéchal de Toulousain en 1219.
Les fils de Bertrand de Villemur : Aton Inard, Guillaume Aton et Bertrand, ainsi que les fils du dernier, Bertrand et Guillaume Aton, seront coseigneurs de Villemur entre 1126-1149 et 1171-1208. Le premier, Bertrand, épouse une dame de Montpezat.

À la même période, et jusqu’à la veille de la Croisade contre les Albigeois (1209), des cousins d’une autre branche issue de la descendance de Bernard (1027-1060), les Pons, Pierre, Isarn et Sicard, furent également coseigneurs du castrum et portaient le nom de Villemur. Cette branche était apparentée avec la famille vicomtale de St-Antonin/Lautrec, dont une origine est commune avec les vicomtes de Bruniquel.

5. Les VILLEMUR au cœur de la « grande guerre méridionnale » (XIIe siècle)

Les territoires situés entre le Rhône et la Garonne sont pendant presque un siècle, durant la nommée « grande guerre méridionale », l’objet de disputes de la part des trois principautés importantes, les comtes de Toulouse, de Barcelone et de Provence. La monarchie anglaise vient s’ajouter au conflit lorsque l’héritière du duc d’Aquitaine, Aliénor, se marie au roi d’Angleterre, Henri II, en 1154, et exige ses droits de succession sur la maison toulousaine.
C’est à l’intérieur de cet échiquier politique que les Trencavel cherchent à échapper au contrôle des comtes de Toulouse, leur suzerain direct, en constituant des seigneuries châtelaines ou castrales dont celle de Villemur occupera une place stratégique.

Entre 1142 et 1143, Villemur, à la frontière entre le Bas-Quercy, le Haut-Toulousain et l’Albigeois, s’est allié au comte de Toulouse lors du conflit affrontant ce dernier aux vicomtes Trencavel. Le basculement des Villemur assure aux comtes toulousains le renforcement de leur pouvoir sur les frontières septentrionales de leur domaine. En 1178, et sans doute pour les récompenser, le comte de Toulouse, Raymond V, dote d’une charte de franchises les habitants du castel de Villemur.

charte des habitants de villemur

6.  Les VILLEMUR dans la tourmente de la Croisade contre les Albigeois. La fin de la seigneurie castrale. (1209-1229 / 1271)  

villemur brule

Villemur brûle (dessin G.Senges)

Vers la fin du XIIe siècle, la dissidence cathare compte sur l’appui de certaines familles dans la région du Bas Quercy et du Nord Toulousain, parmi lesquelles les Villemur.
Dans ce castrum médiéval, un des membres de la hiérarchie cathare de Toulouse, le diacre Raymond Aimeric, a sa maison de « bons hommes ».

Plusieurs maisons de « bonnes femmes » s’y trouvent également. L’accueil favorable prêté par les seigneurs de Villemur à la dissidence explique la réaction de la population, en 1209, lorsqu’ils apprirent l’arrivée imminente des croisés.

soumission raimond au roi

Raymond VII se soumettant au roi de France Louis IX.

Le traité de Paris (1229) met à terme la Croisade contre les Albigeois et inflige, après vingt ans de guerre, de dures sanctions au comte de Toulouse.
Ainsi, Raymond VII devra donner en gage au roi de France huit places fortes pendant dix ans. Parmi elles, le castrum de Villemur, qui faisait aussi partie des quatre places qui pouvaient être détruites au gré de l’Eglise et du roi.
Après que Villemur soit devenu le chef lieu d’une baillie de la sénéchaussée de Toulouse, en 1250, Arnaud Elie de Villemur place le castrum et sa baillie sous l’autorité du roi de France  par le serment du 22 novembre 1271, dans l’Eglise Saint Michel de Villemur.

 

 

Documents extraits de l’exposition annuelle de l’été 2011, « De la préhistoire à la naissance de Villemur »
Textes Pilar Jimenez-Marzorati /AVH 2011, Mise à jour et illustrations Jean-Claude François /AVH 2018
Sources :
Didier Panfili, « Aristocraties méridionales» , Toulousain-Quercy XIe-XIIe siècles, Presses Universitaires de Rennes, 2010.
Hélène Debax (ed.)« Vicomtes et vicomtés dans l’Occident médiéval», Presses Universitaires du Mirail,Toulouse, 2008.

JCF/AVH 2018

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