Le XIXe siècle à Villemur
Villemur va vivre au rythme des nombreux changements de régime tout au long de ce siècle, se soumettant bon gré mal gré au pouvoir de Paris. On assiste de temps à autre à quelques regains de tension mettant aux prises royalistes et bonapartistes sous la Restauration, mais également sous la Monarchie de Juillet en 1832 où la troupe de Toulouse est envoyée pour rétablir l’ordre.
Ce siècle verra aussi la réalisation de projets d’une importance capitale pour la ville : la construction du premier pont sur le Tarn en 1834, et la création de la route directe Toulouse-Villemur par Cépet. D’autres travaux vont embellir la ville : l’ouverture d’une promenade le long du Tarn allant du pont jusqu’au Port-Haut sur la route menant à Bondigoux, la destruction du « moulon » de la mairie qui préfigure la place de l’hôtel de ville. Autre événement d’importance, la section de Bondigoux se sépare de Villemur, ce vœu de sécession datant de 1791 voit son aboutissement en août 1869.
Un des faits majeurs du siècle sera aussi la construction de la nouvelle église Saint-Michel, quatrième du nom en même lieu, projet tenu à bout de bras par le curé Fieuzet. De la pose de la première pierre en 1859, à la fin des travaux dans les années 1880, le chemin sera long, mais Villemur peut s’enorgueillir de ce splendide édifice renfermant des trésors comme les peintures de Bernard Bénezet ou les stalles de 1670.
Après la défaite française de Sedan, et la capitulation de l’empereur Napoléon III, la république est proclamée le 4 septembre 1870.
Le lendemain, à Villemur, les opposants à l’octroi, en rébellion contre le péage, abattent les câbles du pont qui s’effondre dans le Tarn. Deux ans plus tard un nouveau pont est opérationnel, et en 1875 le péage enfin supprimé.
Alors que la navigation sur le Tarn marque le pas, voila que s’annonce le chemin de fer : les dernières semaines de 1884 la Compagnie du Midi ouvre la ligne entre Montauban et Saint-Sulpice par Villemur. L’arrivée du rail va sonner le glas de la navigation, par contre elle ouvre de nouvelles perspectives au quartier Saint-Pierre sur la rive gauche, et à la manufacture Brusson Jeune qui y est récemment implantée.
Les premières révolutions industrielles
La vocation agricole est intimement liée à la vie de la commune depuis la nuit des temps. Les grands domaines y cohabitent avec des exploitations moyennes et des fermes et métairies, ces dernières les plus nombreuses. Sur cette riche plaine d’alluvions et les terrasses de la rive gauche, on y cultive essentiellement céréales et vigne. L’élevage y est également diversifié. Sur la rive droite, c’est l’agriculture des coteaux où aucun pouce de terre n’est laissé en friche. Nombreux sont les villemuriens à posséder une « pièce » de terre, qu’ils cultivent pour leurs besoins personnels.
Le commerce sur le Tarn est toujours florissant, le trafic est intense facilité par la construction de solides chaussées, et de modernes écluses. De petites entreprises familiales voient le jour : les frères Antoine et Hugues Brusson, Gibert père et fils, Gay fils fabriquent cierges et chandelles, vers 1830. La longue tradition des briquetiers et des tuiliers se perpétue avec les familles Balat, Sempé, Laffage, Barrié et Pendaries qui en sont les fers de lance. Les potiers de Villemur sont également renommés, les Delmas, Castella, Langlade entre autres emploient de nombreux ouvriers. La chapellerie, vieille tradition, aura aussi son heure de gloire et atteindra son apogée au milieu du siècle. Jean Pélissier fabrique encore des chapeaux aux alentours de 1870, et la dernière soufflerie et couperie de poils de Jean Duran était toujours en activité en 1904.
La rive gauche à son tour va voir l’implantation de quelques fabriques facilitées par la construction du premier pont sur le Tarn en 1834 : la fabrique de ferronnerie, de quincaillerie, fonderie en fer et en cuivre Castelbou et Cie s’installe dans de vastes bâtiments construits à l’initiative de Messieurs Roques, Lostanges et de la marquise de Tauriac, propriétaires de la « Société des Moulins de Villemur ». (1837-1842). Le 8 mars 1841, la société Castelbou et Cie devient la société Gausseran – Castelbou et Cie. Monsieur Gausseran est directeur et occupe le dépôt de Toulouse, Monsieur Castelbou est le gérant de la fonderie à Villemur. La dissolution de cette société intervient le 18 avril 1842. M. François Yarz ( grand négociant en quincaillerie de Toulouse) termine la fabrication des dernières marchandises commandées. Après la dissolution de cette entreprise, sur le même site, la manufacture d’effilochage de chiffons Courthiade voit le jour. (1853). Après une vingtaine d’année d’existence et un essai de fabrication de pâtes alimentaires, la société Courthiade fait faillite. La société est vendue à Jean-Marie Elie Brusson en 1875 ; le principal bâtiment de la fonderie est en fait le bâtiment dit «de l’horloge ».
La manufacture Brusson Jeune
C’est donc à Jean-Marie Elie Brusson que l’on doit la grande révolution industrielle, celle qui va bouleverser la vie de notre cité, en faire la fierté, et faire vivre en partie la ville pendant plus d’un siècle. Il est issu d’une vieille famille de meuniers et de mariniers, qui va se consacrer à partir du début du XIXe siècle à la construction de chaussées et de ponts sur le Tarn et ailleurs. Jean-Marie Elie représentant la branche Brusson Jeune, qui a commencé à fabriquer des pâtes alimentaires dans la Tour du Moulin et ses annexes dès 1872, décide en 1875 de s’implanter sur la rive gauche afin d’étendre son activité dans les bâtiments qu’il vient d’acheter, en utilisant l’énergie hydraulique du Tarn pour faire fonctionner ses machines. Dès lors il va rapidement mettre son entreprise sur orbite au plan national et mais également dans le monde entier. En 1883 une amidonnerie de blé permet d’obtenir le gluten de blé nécessaire à la préparation des pains de gluten pour les diabétiques, produits dont le succès ira en grandissant jusqu’en 1914 notamment en Angleterre.
L’implantation de la voie ferrée Montauban / St-Sulpice arrive à point nommé pour favoriser l’essor fulgurant de l’entreprise. En 1888, l’installation de la scierie Sabatier dans l’enceinte même de l’usine assure pendant 20 ans la fourniture des caisses pour les expéditions. Ateliers de cartonnage et imprimerie voient ensuite le jour ainsi qu’une usine électrique. Ainsi dès 1896 Villemur est éclairé en courant continu ce qui était très rare à l’époque. Cette année-là Jean-Marie Elie Brusson qui s’est investi dans la vie politique dès 1885, est élu maire de Villemur et le restera jusqu’en 1907. Après son élection au Conseil Général et la création du journal « Le Paysan » en 1901, ses ambitions sénatoriales déçues, la perte de ses sièges de maire et de conseiller général, il se recentrera sur l’usine, avec son fils unique Antonin qui prend de plus en plus d’initiatives.
Le succès ne se dément pas et bientôt s’élève une petite cité ouvrière selon le modèle réalisé à Noisel en Seine-et-Marne chez Meunier, le roi du chocolat. Enfin en 1908 est édifié un vaste bâtiment, minoterie et semoulerie, dernière grande réalisation et véritable cathédrale industrielle des Etablissements Brusson. Malgré les aléas que constituent la Grande Guerre et les inondations de 1930, la progression continue sous la houlette d’André qui a succédé à Antonin son père en 1925. Le second conflit mondial va freiner l’activité, qui va rebondir, outre la fabrication des pâtes alimentaires, avec la production de biscottes et du fameux Novamyl.
A cette époque-là, près de 600 personnes travaillent dans l’entreprise.
A l’orée des années 1970, en pleine époque des restructurations dans le secteur des pâtes alimentaires, Brusson Jeune se trouve isolé et doit céder sa marque au géant Panzani. C’est le début de la fin. Au début des années 80, l’effectif a fondu avec seulement 180 salariés, les restructurations se succèdent pour arriver au dépôt de bilan en 2006. Seule la fabrication du « cheveu d’ange » perdurera jusqu’à sa délocalisation en 2014. C’est la fin d’une histoire longue de 143 ans.