L’année 1914. Centenaire de la Grande Guerre (2)

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L’ année 1914. Centenaire de la Grande Guerre.

2. Le baptême du feu

 

Dans la Bataille des Frontières de ce début d’août 1914, la première offensive française s’effectue dans le Haut-Rhin. Pour les français, reconquérir les territoires perdus est un fort symbole politique et moral, alors que, côté allemand, von Moltke accorde très peu d’importance à ce secteur dont les débouchés sont puissamment défendus. Le 4 août le général Bonneau, chef du 7e corps lance l’offensive et pénètre en Alsace par la trouée de Belfort, marche sur Mulhouse le 8 août avec comme objectif d’atteindre le Rhin puis de remonter sur Colmar. Mais le 10, la contre-attaque des 14e 15e corps d’armée allemands, oblige le corps d’armée français à se retirer et à revenir sur ses bases de départ.

general paul pau

1. Le général Paul Pau (1848-1932)

Joffre relève immédiatement Bonneau de ses fonctions, trop timoré à ses yeux, et forme le 11 une « armée d’Alsace » dont il confie le commandement au général Paul Pau. Cette « Armée d’Alsace » formée à partir du 7e corps voit arriver quelques divisions de renfort dont la 66 division de réserve à laquelle appartient la 131e brigade composée de 3 régiments, le 281e RI – celui de Camille Terrisse – et les 280 et 296e RI.

poteau frontière

2. Le poteau frontière; Tableau de Georges Scott

Simultanément avec l’offensive Joffre en Lorraine, l’armée d’Alsace se porte lentement à partir du 13 vers la plaine d’Alsace, défendue uniquement par trois brigades de la Landwehr, les 14è et 15è corps allemands de von Heeringen étant appelés en Lorraine. Le 19, le 7è corps français, venu de Belfort, reprend Mulhouse après un combat à Dornach. la 44e DI investit Altkirch le 20 alors que la 66è D.I monte à l’assaut sur Zillisheim et Flaxlanden. Au cours de ce combat, la 21e compagnie du 281e RI celle de Camille Terrisse est en 1e ligne, le combat est sévère ; le capitaine  Louis René Pilleux qui commande la compagnie et le lieutenant Maurice Guizonnier sont tués, 7 hommes sont blessés.  Les jours suivants le régiment consolide ses positions, malheureusement, à partir du 24 août, la retraite de la 2e armée en Lorraine change la donne, et entraîne le repli de la 1e Armée et de la 66e DR dans les environs de Montbéliard.

Camille Terrisse témoin privilégié de ces événements, part du cantonnement d’Exincourt le 14 août, direction l’Est et Mulhouse. En quatre étapes et une soixantaine de kilomètres, le 281e RI arrive devant Zillisheim et Flaxlanden le 19 août.

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3. Stèle de la bataille de Zillisheim-Flaxlanden geneatom.fr

Ce n’est que 10 jours plus tard que Camille Terrisse raconte son baptême du feu à sa famille :
« Chers parents, Je suis toujours en bonne santé et plein de courage pour défendre le sol de la Patrie et nos foyers domestiques qui sont attaqués par cette horde de barbares qu’est le peuple allemand. Car je dois vous dire que j’ai déjà fait connaissance avec eux, mais ce n’est pas en échangeant des poignées de main comme il est d’habitude dans notre noble nation française ; c’est tout simplement à coups de fusils… » Avec son humour que l’on retrouvera tout au long de sa correspondance, il rajoute : « Mais ne vous effrayez pas sur mon compte, d’autant plus qu’ils m’ont gâté puisqu’ils m’ont manqué ». Ces quelques mots légers sont surtout écrits pour rassurer sa mère et sa sœur qui toutefois, en sauront un peu plus quelque temps plus tard : « Pour ce que vous a dit « Basilou » (son ami l’épicier de la place de la mairie Basile Galan) il est exact que le 19 août, dans le combat de Mulhouse, j’ai eu le sac et la marmite percés par une balle, mais c’est tout, depuis ils ne m’ont plus rien abîmé et je trouve que c’est suffisant de m’avoir abîmé mon armoire à glace portative et ma batterie de cuisine ».

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Marche du 281e Régiment d’Infanterie entre le 14 août et le 12 septembre 1914

 

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4. Le général Dubail (1851-1934)

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5.Le général de Castelnau (1851-1944)

Plus au nord en Lorraine, l’offensive de Joffre va se porter sur la Moselle allemande occupée depuis 1870 selon deux axes d’attaque : le couloir Dieuze – Morhange entre Metz et la région des étangs, et le couloir de Sarrebourg entre les étangs et les Vosges. Cette offensive, avec celle de Haute Alsace, doit être une diversion victorieuse avant la grande offensive du plan XVII, qui doit, par les Ardennes, porter l’armée française sur le Rhin à travers Belgique et Luxembourg.
La 1ere armée du général Dubail (5 corps d’armée) a pour objectif Sarrebourg puis Sarreguemines (aile gauche) et les Vosges (aile droite). La 2e armée du général de Castelnau (5 corps d’armée) doit foncer sur Morhange avec Sarrebruck pour objectif.
En face, von Moltke positionne la VIè armée allemande du Kronprinz Rupprecht de Bavière (5 corps d’armée, 3 divisions de cavalerie et 1 brigade de la Landwehr) : son objectif : fixer les deux armées françaises et les tromper sur les véritables intentions allemandes, celles de la grande offensive Schlieffen qui démarre le 17 août par l’avancée des Iè, IIè et IIIè armées en Belgique.

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6. La frontière franco-allemande à Avricourt.

A partir du 14 août les deux armées françaises avancent, malgré quelques escarmouches, passent la frontière dont on abat les poteaux. Les allemands se dérobent, laissent venir les Français. Le terrain a été organisé méticuleusement L’ennemi est retranché sur des positions préparées à l’avance, des ouvrages ont été construits. D’autre part, des canons lourds sont mis en batterie sur les hauteurs, des nids de mitrailleuses disséminés un peu partout. Dans un premier temps, la 1e Armée parvient à entrer dans Sarrebourg où les soldats français défilent le 19 août, mais le 20, dès 4 h du matin, sur le canal des Salines et sur la Sarre, l’artillerie allemande se déchaîne et quatre corps d’armée bavarois (1er, 2é, 3é et 21é) contre-attaquent dans le secteur de Dieuze-Morhange, obligeant Castelnau à un premier repli.
Nos deux villemuriens vont participer à ces combats meurtriers. Tous deux font partie du 16è corps d’armée constituant le flanc droit de la 2e armée (entre le 15e C.A de la 2e armée à sa gauche et le 8è C.A de la 1e Armée à sa droite)
.Le 15e RI de Joseph Gibert est stoppé entre Angviller et Loudrefing. Le combat du bois de Muehlwald est meurtrier : près de 200 hommes sont hors de combat. Le 21 aout le régiment fait retraite et repasse la frontière. Les Allemands sont à leurs trousses, prennent Lunéville et atteignent la Mortagne Stoppés par les français, ils tentent de forcer la Trouée de Charmes le 24 mais échouent ; l’héroïsme du 15e RI est exemplaire devant Rozelieures, la percée ennemie est stoppée, les pertes sont énormes : le régiment a perdu 633 hommes. Le 15e RI sera encore engagé le 5 septembre dans les combats du Bois de Bareth puis progressivement fera route vers le nord défendant le Grand-Couronné. Relevé par le 53e RI le 13 septembre, il se replie à Nancy le 17 septembre.

Voici, noté sur son carnet de route, le témoignage de Joseph Gibert :

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7. La bataille de Morhange. Tableau d’Eugène Chaperon;

 Le 23 août, de Lunéville où le régiment a fait retraite, Joseph écrit sur son carnet de route : « Avant de bien vous parler, rappelez-vous que je l’ai échappé belle. Le 16è corps dont je fais partie a été à demi détruit dans la journée du 20 puisqu’il compte 1.200 tués ou blessés. Les régiments les plus atteints sont les 143è, 80è, 53è, 142è, 122è, les autres sont plus épargnés, quand au 15è il est privilégié puisque nous avons 300 tués ou blessés et ma compagnie ne compte qu’un blessé. En peu de mots je vais vous raconter ce qui s’est passé. L’armée française s’avançait sans rencontrer presque personne à part quelques reconnaissances qui avaient été balayées… Lorsque tout à coup nous arrivons dans une grande forêt (la forêt de Fénétrange) où les allemands s’étaient fortement retranchés et où ils avaient de l’artillerie en masse. Lorsque nous nous sommes présentés ils nous ont canonnés et fusillés sans que nous puissions nous défendre .Il parait qu’ils avaient préparé leurs retranchements depuis plus de trois mois, et leurs tranchées étaient cimentées. Quand à moi je me suis battu sous bois et je vous assure que c’est terrible car on se sent trop isolés, nous traversions la forêt par bataillons pour ne pas être surpris tous à la fois.» Joseph rajoute quelques considérations sur les armements respectifs des deux armées : « leur artillerie de campagne ne vaut pas lourd, leur tir n’est pas réglé, et les obus n’éclatent pas comme il faut, mais ils ont une supériorité c’est leur artillerie lourde ».
Il rajoute un élément important, relaté par bien des journaux de marche des régiments, et qui ne fut pas sans conséquences :
« …ils ont un service de renseignements très bien organisé. Partout où nous sommes passés nous avons été signalés et sitôt en dehors du village nous étions canonnés et mitraillés. Aussi lorsque nous pouvions accrocher ceux qui faisaient des signaux dans les clochers et qui téléphonaient dans les caves, leur affaire était vite réglée : fusillés de suite. Pour moi, ils nous ont emmenés à l’endroit convenable et nous ont détruit comme des lapins. Heureusement que notre régiment n’a pas trinqué, mais par contre je connais des compagnies qui de 250 sont tombées à 80, mais je suis persuadé que du côté allemand les pertes sont encore plus grandes »
Le 22 août le 15è d’infanterie se regroupe dans les environs de Clayeures et le 25 monte à l’assaut du village de Rozelieures tenu par les allemands.

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8. Monument de Rozelieures

Joseph Gibert raconte : « Nous sommes dans les tranchées à 800 mètres de l’ennemi et sitôt qu’on lève le nez Pan ! On reçoit des coups de feu. Le plus terrible c’est les obus. On les entend siffler par-dessus la tête et on croirait que c’est un train qui passe très près de nous. Puis c’est l’explosion et une pluie d’éclats, un trou suffisant pour enterrer un cheval, des arbres arrachés ou coupés puis on passe au suivant. Ça n’a rien de très rassurant mais enfin depuis 20 jours nous y sommes habitués et on n’y fait guère attention. Nous avons passé deux nuits atroces sans pouvoir dormir ni se remuer aussi on attend le jour avec impatience… ».
Ce 25 août, le 15è R.I laissera 21 morts et 634 blessés ou disparus dans la bataille. Le lendemain, le régiment qui a pris Rozelieures, avance de quelques hectomètres et fortifie les positions, on souffle un peu. Joseph Gibert écrit dans son carnet :
« Je sais très bien que mes lettres vous font plaisir, mais croyez que les vôtres aussi me remplissent de joie. Rien n’est plus réconfortant que de recevoir une lettre et en la lisant on cause avec ceux qu’on aime. On revoit tout ce qui est familier, les parents la maison l’atelier, que sais-je encore ? Bref, cela fait plaisir… »
Ensuite il faut tenir les positions contre la poussée allemande et les accrochages se succèdent avec plus ou moins de violence entre Rozelieures et les environs sud de Lunéville (Bois de Bareth…) Le 12 septembre, le 15è est relevé par le 53e RI , se replie au nord de Lunéville à Valhey,  et va cantonner dans la banlieue de Nancy à Saint-Max et Dommartemont.

Le 96è RI de Germain Vignals suit une route à peu près parallèle à celle du 15e RI en étant toutefois a plus à l’est à partir de Lunéville. Piochés dans son carnet, voici quelques extraits de son parcours avec son style « télégraphique » :
Vendredi 14 août : levé 3 h, départ 4 h, Entrée dans la forêt 10 h. Rien ne nous a dérangé dans notre route. Sorti de la forêt à 15h . 200 obus tirés sur nous et sur le 81è, obus ne faisant pas grand mal, 3 blessés au 81è. Cantonné dans un pré, touché vivres 10 h soir, mangé 1 h matin très froid.
Samedi 15 août : réveil 3 heures matin, départ 3h30, fait 4 kilomètres en tirailleurs, arrêté là, et resté toute la journée, cantonné au même endroit dans un champ de pommes de terre. Pluie toute la journée et toute la nuit étant resté mouillé tout le temps, très froid, couché dans l’eau. . Journée exécrable. Couché 20h sans souper.

vaucourt le poteau frontiere

9. Vaucourt le poteau frontière

Dimanche 16 août : réveil 1h. Passé la frontière à 8h1/4 en sautant le ruisseau- frontière enfoncé jusqu’au genou. Bon accueil des Lorrains. Rien vu de la journée de l’ennemi. Cantonné à Maizières-les-Vic, arrivé à 8 h avec une pluie battante, trempé jusqu’aux os, couché sans souper. Longueur de l’étape 22 kilomètres.
Lundi 17 août : réveil 3 h, départ 4 h. Le 96è désigné comme flanc-garde de la colonne. Marche à travers champs jusqu’à 1h de l’après-midi. La grande halte jusqu’à 15h30. Reparti 1/2 h après coup de canons ennemi tirés sur nous dans le bois. manquant d’artillerie avons été défait. Combat terminé à 19h, le 96è comptant 120 blessés 2 morts. Tableau épouvantable. Expédié en avants postes. Pluie sans discontinuer. resté sans manger ni boire ni dormir. Toute la nuit sur le qui-vive. Très froid vu que j’étais tout mouillé.
Mardi 18 août : vers 5h, l’artillerie ennemi nous a envoyé 5 ou 6 boulets sur nos têtes et a cessé, pas de blessés. Nous déployés en tirailleurs dans le bois. Resté là toujours sans manger ni boire jusqu’à 1h de l’après midi. Combat engagé vivement beaucoup de blessés toujours la bataille de Rorbach. C’est le soir à 7h que nous étions le plus loin en Allemagne à peu près à 45 kms. Pris les avants postes et sentinelles toute la nuit.

tombes pres de loudrefing

10. Tombes près de Loudrefing

Mercredi 19 août : attaqué à 4h matin par les ennemis qui avait des positions et des forces formidables contre nous qui avions une division, tenu tête tout de même toute la journée. Bataille de sauvages, canons ennemis blessant au 96è environ 300 hommes, capitaine blessé le soir à 7h après le combat, Spectacle triste à la tombée de la nuit d’entendre de tous cotés les appels déchirants des blessés qui beaucoup ont passé jusqu’au matin. Partout des morts. Ce jour là perdu beaucoup de camarades. Resté là sans dormir.
Jeudi 20 août : Départ le matin à 2h de la nuit du pour prendre nos positions. Bataille engagé le matin 5h. Défaite pour nous, pas assez de force. Tenue tête jusqu’à 3h de l’après midi qu’une brigade est venue nous renforcer, reculé à 8h du soir à 3kms de l’ennemi pour bivouaquer.
Vendredi 21 août : départ 4h, obligés à reculer manque de force. Marché toute la journée en contournant les forêts soutenus simplement par quelques pièces d’artillerie qui protégeait notre marche. À la nuit, arrêtés pour bivouaquer toujours aux avants postes. Prêt à dormir à 9h du soir. Restés 3 jours sans manger du pain. 2h après, c’est à dire à 11h, alerte attaqués par l’ennemi.
La retraite vers Lunéville se fait sous un soleil de plomb avec la VIè armée allemande aux trousses. Le 22 août le 96è fait face à l’ennemi au sud de la forêt de Parroy, dans le village de Bonvillers. En fin d’après-midi, le 96è décroche vers Bayon ayant arrêté l’ennemi aux portes de Lunéville. Il a perdu plus de 400 hommes dans la bataille.

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Lunéville occupée par les allemands. Réquisitions et avis à la population.

Dimanche 23 août: «  réveil à 6h00, bien déjeuné, à 9h00 commençons à nous décrasser quand l’alerte arrive. Les Allemands sont à quatre kilomètres de Lunéville. Partons tout de suite prendre nos positions mais comme nous étions toujours les mêmes troupes fatiguée et à moitié démolie, nous pouvons tenir tête aux allemands qui nous massacrent avec leurs canons, et à 2h00 le recul commence.
En soignant un blessé du 142, ai été blessé à la jambe gauche. En redescendant, ai trouvé le sergent Major mort, lui ai pris l’épée et les longues vues. Arrivé dans Lunéville comme le bombardement commençait. Avoir fui avec le 142ème. En cours de route un sergent m’a permis de mettre le sac aux voitures vu ma blessure. Marché tout de même jusqu’à 7h du soir. Là ne pouvant plus marcher, monté sur les voitures de réquisition du 142ème.
Voiture toute la nuit, arrivé à Bayon 6h du matin le lundi 24 août. Retrouvé une partie du régiment. Passé 2 jours sans manger à Bayon, pas pu acheter du pain. Parti 8h.
Au rassemblement, à l’appel du Régiment : 3.580 au départ de Béziers, plus que 500 hommes et 3 capitaines seulement restent. »
Vu les énormes pertes en hommes, la réorganisation du  régiment s’effectue à 5 compagnies au lieu de 12.  Grisés par leurs succès les allemands foncent vers la trouée de Charmes pour tenter de séparer les deux armées de Lorraine (Dubail 1ere et Castelnau 2e). La bataille de la Mortagne est engagée. 
Le 96e RI reprend sa progression et  bouscule l’ennemi.
mercredi 26 août
: «réveil à 3 heures du matin, resté à deux kilomètres du village jusqu’à midi, reçu l’ordre de traverser le bois pour déloger l’allemand, poursuite sanglante, morts partout.»
 Le 28 août, un détachement composé d’1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 adjudant, 20 sergents, 28 caporaux, 952 soldats arrivent dans la nuit du 28 au 29 venant du dépôt du régiment à Béziers.
samedi 29 août: « réveil 3h, départ 5h. Ayant fait 4kms, tombé en surprise sur l’ennemi, morts et blessés. Reculés en arrière dans un bois. A 11h marche en avant en tirailleurs. Passé un canal à 5h30 sous une pluie d’obus allemands, traversé 2 villages qu’avait occupé les Allemands, tout anéanti. Pas une maison ne reste. Combat durant toute la nuit. A 10h assaut d’un village à la baïonnette, le canon a tonné toute la nuit. »  (Le colonel Gauvin commandant la brigade est grièvement blessé)
Le dimanche 30 août, ordre d’attaque sur Frambois à gauche le 80è, à droite le 81è. Violente contre-attaque ennemie.  « à 3h nouvel assaut poussé par les Allemands. A 5h30 les Allemands postés à 20 mètres avec leurs mitrailleuses ont pris le 96 en colonne par faute du brouillard, nombreux blessés et morts. Sauve qui peut, déroute complète. »
En me sauvant, blessé par un obus à la mélinite
(1) qui m’a rebattu contre un arbre, 2ème obus éclat me blessant face la cheville,3ème obus me blessant aux doigts.

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La gare de Bayon (Meurthe-et-Moselle)

Retiré au poste de Secours, arrivé au village à 2h, ennemi le bombardant. Départ pour Bayon n’ayant pas le temps de faire soigner. Trouvé “Moundot”, (Antoine Cabos lui aussi au 96è) fait le chemin avec Maillot de Villaudric (Haute Garonne). (Jean Mailho du 96e RI) 4 kms avant Bayon pris autobus. Arrivé à Bayon à 7h, juste pour prendre le train. Avoir fait 20 kms avec Blessures. Parti de Bayon à 8h, voyage toute la nuit wagons couloirs.
Lundi 31 août : Le train roule toute la nuit vers le sud et arrive à Dijon vers 13 heures. Dans la gare, un major fait le « tri » des blessés, Germain est dirigé vers le Séminaire de Dijon. Il va y séjourner 10 jours, aux soins et convalescence.
jeudi 10 septembre: rassemblement 7h, départ 8h, traversé la ville pour aller à l’école des garçons. A midi, vu un “tringlot” (2) du 17ème, demandé s’il n’avait pas connaissance d’un nommé Cazaux,(il s’agit de Jean Cazaux du 17e escadron des équipages militaires),(3) répondu c’est mon camarade, est allé me le chercher, grand plaisir à le voir, m’a donné nouvelles de Villemur Obligé de le quitter pour partir, pluie abondante. Dirigé sur la gare de Dijon. Une bonne dame m’a offert un paquet tabac. Embarqué et départ 4h. Arrivé à Is-sur-Tille à 6h. Débarqué pour le repas du soir dans une scierie. A 8h, rassemblement par corps d’armée. Départ 9h, voyagé toute la nuit.

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Les ruines de Gerbéviller

vendredi 11 septembre: débarqué à Bayon à 9h du matin, conduit dans un baraquement en planches. Resté là la journée et la nuit. Avoir cuisiné tout le jour avec un du 81ème et un du 142ème. Le soir, pluie à torrent, très froid.
samedi 12 septembre: départ de Bayon 6h avec un détachement de 35 hommes. ÀClayeures, trouvé “Cézet, Jesu, Boujounel”(Ce dernier est Jacques Pendaries du 81e, )rejoint le 3è Bataillon de mon régiment à 4h du soir un peu à l’arrière d’où j’avais été blessé, passé sur le lieu du combat du 28/29/30 août. Villages de Gerberviller et de Marainviller complètement détruits tout incendiés. Une centaine de morts français et autant d’Allemands étaient là morts depuis le 28/29/30 août, épouvantable à voir. Les civils qui étaient restés dans le village avec les Allemands nous ont racontés qu’on leur avait fait endurer toutes les misères possibles.

caserne blandan nancy

Caserne Blandan à Nancy

 

Après 11 jours de combats sanglants,le 96e reprend sa marche en avant sous les ordres du Lt-colonel Boussat.
Les bataillons confortent les positions acquises, et le 16 septembre cantonnent à Moncel-lès-Lunéville. Un ordre du jour félicite la 2e Armée qui a sauvé Nancy « à force d’endurance et de bravoure ».

Le lendemain le régiment rentre dans la capitale lorraine et 
rejoint  les casernes Landremont et Blandan.

 

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11. Jean Balat du 80e R.I

Avant la bataille de Bertrix en Belgique le 22 août c’est dans ces batailles de Lorraine que les premiers soldats villemuriens vont tomber le 20 août jour de l’attaque de la 32e Division d’Infanterie au nord de Dieuze lors de la bataille de Morhange.

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12. La tombe de Joseph Mazas, Nécropole nationale “l’Espérance”, Cutting (57)

Au cours de ces combats, Jean Balat, 22 ans soldat du 80e RI de Narbonne est porté disparu au bois Vulcain près de Loudrefing. Il était briquetier travaillait avec son père Pierre, lui aussi briquetier à Malaret. Le même jour, au cours mêmes combats Joseph Mazas 35 ans, du 53e RI de Perpignan est tué alors que  Jean Couderc lui aussi du 53e RI, 26 ans, marié, de Sayrac est gravement blessé. Il décédera de ses blessures le 1er octobre à l’Hôpital de Toul.
Le 26 août, lors d’une reconnaissance, le maréchal des logis Paul Marchet du 10e Dragons de Montauban est tué à Magnières. L’émotion est grande à Villemur, où la famille Marchet est très estimée.

tombe paul marchet

13. La tombe de Paul Marchet, cimetière de Magnières (54) le 18 août 1915

 

Un an plus tard, Maurice Terrancle ami de Paul est alors pharmacien-major à la 17e région militaire. Ayant fait part de son affectation en Lorraine, il fera le voyage à Magnières en compagnie de Joseph Dijeaux gendarme à la prévôté de la 153e D.I. Ils rencontreront les braves personnes qui ont ramené le corps de Paul Marchet au cimetière de Magnières, en particulier Monsieur Louis et le curé  Eugène Gaudel. Ils iront ensuite se recueillir sur sa tombe, dont ils enverront la photographie à la famille Marchet à Villemur.
Deux autres soldats du 80e RI seront portés disparus dans ces combats du mois d’août 1914 : Marcel Despeyroux, le 31 août à Gerbéviller (Combat du bois de Coyard) et tout près de là Jean-Marie Bessières le 10 septembre 1914 combats du bois Bareth entre Hériménil et Fraimbois. Ces deux jeunes cultivateurs avaient 21 ans, et étaient célibataires.

 

 

(1)Explosif très puissant à base d’acide picrique dont on charge notamment les obus.
(2) Le tringlot, désigne à l’origine un soldat de base de l’arme du train, héritière du train des équipages.
(3) Père de Pierre Cazaux constructeur de véhicules, créateur de la ligne d’autobus Villemur-Toulouse)

JCF / AVH janvier 2019

À suivre…

Mes remerciements envers Magali et Mireille Faillères ainsi qu’à Guy Vignals.

Sources :
Carnet de route de Joseph Gibert. Archives Jean-Claude François.
Carnet de route de Germain Vignals. Archives familiales Robert et Guy Vignals
Correspondance de guerre de Camille Terrisse. Archives familiales Magali et Mireille Faillères.

“Les alsaciens-lorrains dans la Grande Guerre”, Jean-Noël et Francis Grandhomme, Lanuée bleue, 2013.
http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/ Académie de Strasbourg.

https://horizon14-18.eu/andrecheneble.html
http://didierbach.free.fr/pages1418/1418_mourrir.html
http://www.histoire-passy-montblanc.fr/
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/moselle/morhange/histoires-14-18

Crédit photos :
1,2,4, 5, 
: Wikipédia. 3 : géneatom.fr 6, 7,9,10,11 : archives J-C François.  8 : www.histoire-passy-montblanc.fr/

12 : photo J-C François. 13: coll. Paulette Gay-Terrancle

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